Les articles publiés dans cette rubrique ne reflètent pas nécessairement les opinions de Nawaat.

Cette approche française serait-elle le produit, la conséquence, la résultante logique, de la docilité de la diplomatie tunisienne ? Ou plutôt, la diplomatie française n’a fait que répondre aux requêtes de nos autorités ? Si c’est le cas, ne faudrait-il pas plutôt blâmer, maudire, désavouer,…, nos responsables ? Etc.

Industrie militaire et Islamisme : une affaire juteuse ?

A propos du soutien de la France au régime de ZABA jusqu’au soir du 14 janvier 2011, Monsieur Poivre d’Arvor a reconnu que la grille d’analyse de l’équipe Sarkozy était obsolète, que la diplomatie française était dans le déni, enfermée dans une lecture antérieure qui l’empêchait de voir et de lire le présent : « La France n’avait sans doute pas la détermination de s’inscrire dans la page blanche qui s’ouvrait alors pour l’histoire de ce pays. C’était un saut dans l’inconnu…la France a été prise d’angoisse, incapable de penser les printemps arabes, persuadée que le régime autoritaire de Ben Ali était là pour l’éternité et qu’il protégeait de l’islamisme radical », disait-il.

Pourquoi s’attaquer alors au régime laïc de Bachar Al-Assad après avoir semé la zizanie en Lybie et assassiné Mouammar Kadhafi ? Aussi, il est tout de même surprenant de découvrir aujourd’hui que la France compte parmi ses meilleurs partenaires et alliés l’Arabie Saoudite, berceau du wahhabisme et du fondamentalisme religieux ? Pis, la France a soutenu en armant, via la Turquie concernant la Syrie et via le Mali mais aussi par voie aérienne à propos de la Lybie, des groupes comme Al-Nosra et Daech ou encore Fath-al-islam: Laurent Fabius n’a-t-il pas déclaré, dans le Monde du 13 décembre 2012, qu’« ils (JabhatAl-Nosra) font du bon boulotsur le terrain (Syrie) » ? En réalité, la France ne craint pas l’islamisme radical, mais l’Islam, tout court ! On peut même parler à ce propos d’une véritable “doxa“. L’alliance contre nature entre l’hexagone et ses “potes” du Golfe est tout bêtement une alliance qui verse dans l’intérêt de l’industrie militaire française. En somme, les droits de l’Homme, on s’assoit dessus !

Paternalisme saumâtre, déplaisant

 

La France veille aux grains sur la Tunisie, comme un père bienveillant qui est aux petits soins avec ses enfants chéris : « Nous devons veiller à ne pas manquer d’accompagner les nouvelles demandes tunisiennes, y compris les plus souterraines, donc les plus profondes : l’aspiration de la société civile, du monde éducatif, culturel et intellectuel, des femmes, de la jeunesse bien entendu, mais également des régions moins favorisées dont les exigences vont se manifester puissamment… », soutient-il, monsieur l’Ambassadeur.

Plus loin, sur le chapitre économique, monsieur Poivre d’Arvor enfonce le clou, il déclarait, « La France avait décidé d’accompagner l’économie tunisienne du mieux qu’elle peut. (…) La France avait d’abord fait le choix de coparrainer cette conférence [Tunisia 2020]. Cela veut dire que partout dans le monde, les ambassadeurs français et tunisiens ont promu l’événement auprès des autorités de tous les pays, (…) », pour marquer son pré carré et lancer un message en direction de l’Allemagne, il remue encore le couteau en précisant « (…) en particulier en Europe, où la voix de la France est écoutée ».

Des propos qui pourraient être qualifiés d’incongrus, indécents, inconvenants entre deux Etats souverains ; sauf s’il avérerait que c’est les responsables tunisiens qui avaient sollicité ce parrainage ? Si c’est la cas, qui faudrait-il maudire : la France ou les autorités tunisiennes?La France car elle n’aurait pas dû accepter d’accéder à la demande tunisienne ou, au contraire, les responsables tunisiens qui ne ratent pas une occasion pour confirmerleur docilité et incompétence dans le cadre des relations et négociations internationales ?

Aussi, il est intéressant de rappeler que de nombreux articles de la presse tunisienne arabophone et même francophone ont exprimé leur désarroi à propos du comportement encombrant de monsieur Olivier Poivre d’Arvor. Ces réactions, répliques,ne confirment-elles pas le constat de la volonté de la diplomatie française à s’immiscer constamment et inlassablement dans les affaires internes tunisiennes ? En fait, un Ambassadeur ne devrait-il pas faire preuve de retenue et de discernement ? N’est-il pas tenu à un devoir de réserve ?

Pis, peut-on admettre qu’il co-préside une réunion avec le ministre de la Culture, monsieur Mohamed Zine El-Abiddine, sur l’orientation et les grands axes de la politique culturelle tunisienne ? Ou, on pourrait nous rétorquer encore une fois : « quand un pays finance un programme (et ici c’est la France qui finance), il est forcément associé à sa mise en œuvre. D’où la co-présidence de la réunion en question. Les Tunisiens n’ont qu’à ne pas tendre la main pour prendre l’argent… » Si c’est vraiment le cas, c’est tout bonnement outrageant et scandaleux, le ministre doit-il être limogé?

Sur ce même registre, Monsieur Poivre d’Arvor a déclaré récemment que « la France a alloué une subvention de 300.000 euros pour soutenir la presse francophone tunisienne qui traverse des difficultés insurmontables ». Un confrère, connaissant le dossier, pourait aussi me répondre : « Cher patriote, au risque de vous désenchanter, ce sont aussi des Tunisiens qui en ont fait la demande, notamment l’Association des directeurs de journaux. Et la France s’excuse de ne pas pouvoir mobiliser plus que 300.000 euros ». Supposons !

Même si une minorité infime des directeurs de journaux a sollicité une telle aide -ce qui est terriblement discréditant, outrageant et fort méprisable-, ceci est tout de même une intrusion manifeste dans notre vie culturelle et par la même sociétale. Ainsi, la presse francophone tunisienne bénéficiaire de cette maudite subvention sera forcement aux ordres de l’ambassade de France ; une ambassade que certains considèrent qu’elle veille aussi sur les intérêts de l’entité sioniste ! S’immiscer de la sorte dans les principes qui fondent notre “Tunisianité” n’est-il pas un acte néocolonial ? Comment peut-on accepter, tolérer, une telle légèreté française ?

La symbolique en politique : un outil puissant de communication

La symbolique en politique compte en effet pour beaucoup dans les relations internationales ; aussi,on ne peut négliger la psychologie des nations avec un simple coup de revers : Une nation est une âme, une histoire, une image d’estime de soi.

Nous invitons nos autorités publiques et politiques ainsi que nos intellectuels et journalistes, symbole de notre conscience collective, à être aux aguets quant aux intentions de beaucoup de nos partenaires, soucieuses de la préservation de notre souveraineté, fermes sur la défense de notre dignité et attentives à nos aspirations.

En ce sens, ne faudrait-il pas commencer par instaurer la réciprocité des visas ? Ne faut-il pas aussi imposer comme condition sine qua non a liberté des personnes dans tout accord prévoyant la libre circulation des biens, des services et des capitaux ?