Une forme d’agression qui s’apparente à de la piraterie. Associés pour l’occasion à leurs acolytes d’autres pays européens, ces dégénérés de l’extrême-droite française se rêvent en nouveaux corsaires au service d’une Europe blanche, ancrée dans son histoire chrétienne. Malgré l’échec de leur expédition, du moins quant à ses objectifs annoncés, ils auront pourtant réussi à faire parler d’eux. C’était sans doute là leur but véritable. Marginaux dans la galaxie d’extrême droite, ils savent que leur discours rencontre un écho croissant et que les méthodes musclés ont bien plus de partisans qu’on ne croit.

Il y a quelques décennies, des mouvements racistes, similaires à Génération Identitaire (GI), organisaient régulièrement des ratonnades dans les rues de Paris, de Marseille ou d’ailleurs à l’encontre des immigrés nord-africains. Le terme « ratonnade » vient sans doute de « ratons », l’un des surnoms péjoratifs donnés aux Arabes et qui signifie « petit rat ». La ratonnade est une espèce de pogrome à l’échelle réduite, non pas une action de masse plus ou moins manipulée mais une chasse à l’homme, bien souvent meurtrière, menée par de petits groupes que motive principalement leur hostilité aux Arabes, aux noirs et à toutes les populations qui leur sont identifiés. Pour des raisons évidentes, au cours des années 1950 et plus particulièrement au cours de la guerre de libération du peuple algérien, les ratonnades ont atteint leur apogée pour ne plus se distinguer que dans la forme du pogrome à proprement parler. Elles ont constitué alors l’un des instruments non-étatiques ou para-étatiques de la contre-révolution coloniale. Avec la mise en place de nouvelles formes de domination impériale et raciste, les ratonnades au sens « classique » du terme ont décliné sans pour autant disparaître. Loin de là. Depuis quelques années, il n’est pas rare, en effet, que les médias rapportent des actes de violence de ce type commis à l’encontre de musulmans ou d’individus appartenant à d’autres minorités résidant en France.

Génération Identitaire (GI) a inventé la ratonnade sur mer. Au-delà de ses péripéties, cette entreprise mériterait qu’on s’interroge plus avant sur sa signification. On ne peut y voir une simple opération aventureuse menée par quelques excités d’extrême-droite, adeptes du suprématisme blanc. Si Génération Identitaire (GI) a pu penser une telle opération, si elle a pu en assurer, au moins jusqu’à un certain point, la réalisation et la coordonner à l’échelle européenne, cela suppose, outre des moyens, un contexte favorable et la possibilité d’en tirer partie. Cette ratonnade maritime ne peut probablement pas être comprise, dans ce qu’elle a de politique, de distinct d’une simple « haine de l’Autre », si on ne la met pas en relation avec les grands chambardements politiques en cours. Je ne m’étendrai pas là-dessus sinon pour en évoquer les manifestations les plus significatives de notre point de vue, en l’occurrence l’intensification des guerres impériales, la mise en œuvre, par les Etats occidentaux, de dispositifs anti-migratoires exceptionnels et l’influence croissante, en leur sein, de courants et d’idéologies racistes qui débordent largement les rangs de l’extrême-droite pour s’exprimer, plus ou moins ouvertement, dans tout l’échiquier politique.

De même que l’expédition de Génération Identitaire (GI) témoigne de la nouvelle agressivité impériale, la mobilisation de nos marins et pêcheurs ne doit pas être interprétée comme l’expression d’un antiracisme moral, nourri d’un humanisme apolitique et de bons sentiments comme l’aiment certaines de nos élites. Sinon dans son langage public, du moins dans sa signification politique, cette mobilisation s’apparente bien plutôt à la grève des dockers algériens qui, en 1950, ont boycotté les bateaux d’armements affrétés par la France coloniale à destination du Vietnam.