Ici, tout le monde se jette à l’eau. Les vieux qu’incommode la touffeur d’une saison sèche ; mais aussi les jeunes cinéastes qui supportent mal la canicule mentale. Les films tunisiens de la 32ème édition du FIFAK semblent pourtant peu mouillés. L’un des rares qui sortent du lot est 1999 de Haithem Sakouhi. C’est que ce film, d’un quart d’heure, a de la spécificité plein les moustaches. Parce qu’il cherche à déroger aux conventions d’un premier geste, Haithem Sakkouhi tente la greffe de deux portraits sur un autre. C’est l’histoire d’un scénariste campé par le réalisateur lui-même, qui voit son projet de scénario refusé par une police de la pensée nichée dans la tête. Mais cette greffe, où tout ou presque s’en trouve expédié cul par-dessus tête, n’est peut-être qu’un pur prétexte collé aux fesses de l’autofiction.
Les portraits que brosse Haithem Sakouhi sont de deux de ses amis, jouant leurs propres rôles d’artistes et trimballant avec eux une part de révolte qui les encombre. Muni d’un casque scooter, Gatone est un artiste de rue très discret, qui pratique le graffiti comme des interventions coups de poing. Biggy, le batteur, ne jure quant à lui qu’avec son abracadabrante batterie fidèle à divers groove salant du reggae au rock. Mais nous n’en saurions pas grand-chose sans le monologue du scénariste qui prend prétexte de leur street art pour s’attaquer, bile en tête, à un système rampant et une société hypocrite, beaucoup plus que pour en régler le compte symbolique. Chez ces trois compagnons d’armes, une rage se palpe ; elle inspire un propos drôle, vivant, mordant, pétant le feu.
Sans tendre la perche au discours direct, le désir de cinéma qui irrigue 1999 favorise l’inconfort des reins. Filmée à la diable, entre les murs de la ville et le hors-champ mental du scénariste, cette autofiction capte un pourcentage de regards-caméra pour en faire les fouets du récit. Avec une allègre férocité, les personnages n’y vont pas de main morte ; ils nous recrachent, chacun à leur manière, des bouquets de névroses. Mais une fois que la caméra se braque sur leurs gueules, et que le spectateur accepte d’échanger avec eux les mots les plus indomptés, que reste-t-il à faire ?
La roublardise venant vite, 1999 a la qualité de ne pas tailler à coups de serpe dans le consensus. À mesure que le film déroule sa pelote par un montage épuré, les scènes s’enchaînent vite pour porter à bout de bras le propos du scénariste. Mine de rien, les musiques de Roger Molls, Dave Brubeck et Teddy Pendergrass prêtent à dégoupiller nos oreilles, touchent au coin d’une scène et nous empêchent de bâiller poliment. Au fond de l’œil, tout ou presque se confond en surimpression. Mais là où le film cède parfois sur son élan, c’est quand il laisse entre les portraits de ses trois personnages une part aux citations impondérables de Jazzy Bazz, Sabatier et Camus. Heureusement qu’entre piqûres et clins d’œil, ces maladresses ne durent pas. Le jeu en vaut la chandelle.
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