Révélé sur la toile avec des mashups de chansons orientales et occidentales de Mohamed Abdelwaheb, Hindi Zahra, Feyrouz ou Lana Del Rey, Yuma dont le nom est une traduction d’ « alliés » en amérindien a vu le jour fin 2015. Tous deux auteurs et compositeurs, Sabrine Jenhani et Ramy Zoghlami se donnent corps et âme à ce projet qui était un énorme challenge pour eux. Enregistré et mixé par Ahmed Galai, précédemment connu comme rappeur et surtout beatmaker, leur premier album Chura est sorti en 2016. Ils proposent un univers Indie Folk avec des textes en arabe dialectale, s’inscrivant dans la nouvelle vague de la scène émergente tunisienne. Baignant dans un registre romantique teinté de mélancolie, leur musique a été très bien accueillie par le public tunisien et même au-delà des frontières de leur pays.
Divergences artistiques
Le compte à rebours est lancé pour Yuma. Plus que 10 mois en tournée avant la dissolution du groupe. « C’est pour des choix artistiques », nous confie Ramy, estimant que mettre un terme à cette collaboration va sans doute laisser place à d’autres possibilités. « Yuma est une alliance et comme toute chose a une fin, eh ben c’est la fin d’une alliance. Il n’y a rien de dramatique dans ça, nous n’avons plus la même vision », poursuit-il. Pour sa part, Sabrine nous révèle qu’elle a déjà commencé à travailler sur un projet en solo. « Musicalement, on commence à avoir des envies différentes. On a tout fait ensemble pour concrétiser ce projet. Maintenant, il est temps de continuer chacun de son côté ». Cette décision de se séparer est inattendue pour la plupart vu que le duo a le vent en poupe et présente en ce moment son deuxième album Ghbar Njoum [poussières d’étoiles, en français] sous le label français Innacor.
Propulsé par les réseaux sociaux, ils se sont lancés en autoproduction sans quelconque aide des structures étatiques. D’ailleurs, leurs expériences précédentes les ont découragé d’emprunter cette voix. « On a choisi de ne pas se laisser démonter par le système. On a galéré mais ça nous a forgé un caractère », ajoute Ramy. Au fur et à mesure de l’évolution du projet, le doute a commencé à s’installer chez ces deux musiciens qui se sont pleinement consacrés à leur musique. Au début, leurs moyens étaient rudimentaires: une guitare par ci, un micro par-là, un pote aide à filmer, Ramy donne un coup de main, un autre ami fait le montage et Sabrine apporte sa touche en étalonnant les images. « On a essayé de réaliser le maximum de ce que peut réaliser une production en étant que deux. Des potes nous aidaient mais c’est énorme comme travail. J’étais à deux doigts du burnout », se souvient Sabrine.
Parcours semé d’embûches
En 2016, ils remportent le prix du public aux Journées Musicales de Carthage (JMC). Premier accomplissement pour ce duo qui compte déjà des milliers de fans. Ils se voient propulsés aux devants de la scène tunisienne avec cette récompense sonnant comme un geste de reconnaissance. Mais coup de théâtre. Sanctionnés pour avoir diffusé le contenu du projet un mois avant le concours, ils ne recevront pas la prime convenue par le ministère de la Culture. « Bien évidemment, on jouait pour vivre. Un mois avant, on était en concert », relève Ramy. « Nous n’avions aucune connaissance de cette clause qui stipule que le spectacle destiné aux JMC ne peut pas être joué un mois avant », précise Sabrine.
Le succès fulgurant de Ÿuma est frappé en plein fouet par les inconstances d’un système corporatiste. « Nous n’avons pas de sources de revenu à part les concerts. Il n’y a pas de mécanismes qui nous font éviter la précarité comme le statut d’intermittent du spectacle qu’on trouve dans d’autres pays », s’indigne Sabrine. « Je n’ai pas de CNSS, pas de CNAM, aucune couverture sociale parce que je n’ai pas la carte professionnelle puisque je suis autodidacte. D’ailleurs, fiscalement, je n’existe pas », ajoute-t-elle.
Mais le duo ne s’avoue pas vaincu. « Malgré tout, on continuera à y croire et à faire de la musique. Je pense que tous les artistes, et pas que les musiciens, doivent se battre pour faire valoir leurs droits », revendique Ramy.
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