Les articles publiés dans cette rubrique ne reflètent pas nécessairement les opinions de Nawaat.

Des boutiques ont fermé à défaut d’y consommer. Des bateaux amarrés à défaut de s’y marrer. De la verdure à volonté dont on est pourtant privés. Et que fait-on? Où va-t-on? On attend impatiemment, le retour des commerçants. Sans capital, on capitule. La fin du capital est pour nous, capitale. On meurt de ne pouvoir consommer. On meurt asséchés, de ne pouvoir au moins acheter.

Confinés, consumés, à défaut de consommer. Confinés, et rongés par le désir de consommer. Nous-mêmes consommés par l’envie de consommer, l’urgence de consumer, le besoin de fumer, aspirer, écraser, un mégot, un objet; quelque chose, peu importe, une richesse qui transporte: une marchandise fraîchement achetée, des outils de jardinage pour un jardin jamais frôlé, des paquets de pâtes qui seront bientôt entièrement jetés, des vêtements de printemps, qui seront mis de côté.

Consumés par l’ennui, que fait-on? On consomme. Consumés par l’envie, que fait-on? On casque, on claque, et on plaque. On achète, on rachète et on jette. On vide et on dévide, on file et on défile. Défilé de tous ces fils, achetés, puis filés, épuisés, oubliés.

Aussitôt déconfinés, c’est le bal masqué devant Zara: une foule marquée par le besoin: de dépenser, de dé-penser, acheter pour exister, consommer pour respirer. Foule masquée, empressée, de s’arracher les robes d’été, de respirer l’air parfumé d’une boutique longtemps fermée. Foule masquée, mais bas les masques.
On aime casquer, claquer, calquer. Acheter, jeter, plaquer.

Foule masquée, mais bas les masques. La capitale exige, le capital oblige: quel plaisir de toucher des tissus bariolés, au risque de vider un compte essoufflé. Déconfinés, libérés, attroupés au centre ville, le cœur battant, le corps haletant au moment d’approcher, un vêtement épinglé; les yeux riants, la voix chantant au moment d’essayer, un haut intéressant.

La mort du capital est pour nous, capitale. Quand s’ouvrent les portes des enseignes fatales, elles aspirent les cohortes comme dans un tourbillon. Des gens de toutes sortes, s’agitent et se bousculent pour être les premiers à découvrir, les joies irisées des produits fabriqués, dans des usines tristes où des gens entassés, enchaînent en mort-vivants mille et une corvées.