Décidément, le feuilleton de la Banque Franco-Tunisienne (BFT) est interminable. Après d’innombrables rebondissements ayant jalonné les quarante ans écoulés, le litige opposant l’Etat tunisien à ABCI N.V., actionnaire majoritaire de cet établissement, continue et continuera jusqu’au clap de fin de connaître de nouvelles péripéties. Au moment où la décision du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI) sur les indemnisations que la Tunisie devra verser à ABCI est attendue, le gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie (BCT) a officialisé, le 1er mars 2022, la liquidation de la BFT.

Lors d’une conférence de presse, il a révélé que les membres de la Commission de résolution des banques et des établissements financiers en situation compromise ont «constaté la cessation de paiement de la Banque franco tunisienne (BFT) et l’impossibilité de son redressement et qu’elle a procédé, à cet effet, à la transmission d’un rapport au tribunal de première instance de Tunis pour rendre un jugement de dissolution et de liquidation de la banque et désigner un liquidateur conformément aux dispositions de la loi susmentionnée».

Suite à cela, on a cru ce dossier définitivement clos. D’autant plus que les autorités ont, dans la foulée, lancé une procédure d’indemnisation des déposants.

Mais voilà que c’est à ce moment-là que l’actionnaire majoritaire de la BFT décide de contre-attaquer. La partie tunisienne avait justifié la liquidation de la banque par le coût prohibitif de son redressement, soutenant en outre que son capital actuel est très en-deçà du minimum requis par la législation locale, soit 50 millions de dinars. Or, ABCI a pris au mot la partie tunisienne, et a proposé de recapitaliser la BFT à hauteur de 50 millions de dinars, d’après des sources proches du dossier en Tunisie.

L’Etat tunisien rejette la nouvelle offre d’ABCI

Pourtant, ABCI n’est pas tenu d’agir ainsi. Car la relation entre cette société et l’Etat tunisien est encadrée par le droit international et non la loi tunisienne. Or, le droit international ne prévoit pas, contrairement à la législation tunisienne, de capital minimum pour les banques. Ce sont les ratios d’une banque qui déterminent le niveau du capital.

D’ailleurs on peut se demander, si la sous-capitalisation de la BFT est la vraie raison de sa liquidation, pourquoi l’Etat n’a pas procédé à l’augmentation de son capital ou obligé la Société Tunisienne de Banque (STB), elle-même actionnaire de la banque objet du litige, à le faire ?

Une question qui s’impose et prend tout son sens quand on apprend que les autorités tunisiennes ont rejeté l’offre d’injection de 50 millions de dinars par la société ABCI N.V. De surcroît, sans motiver leur «Niet».

A quoi rime ce revirement inattendu ? Changement stratégique ou seulement manœuvre tactique ? Les deux scénarios sont possibles. On peut être en présence d’un changement de fond. Les autorités auraient peut être compris, comme au moment du litige avec l’homme d’affaires saoudien Ghaith R.Pharaon, qu’elles avaient tout intérêt à trouver une solution amiable au litige au sujet de la BFT. Cette option, si elle se confirmait, présenterait un double avantage pour l’Etat tunisien : réduire un tant soit peu la facture de l’indemnisation que le CIRDI va accorder à ABCI N.V., améliorer l’image du pays, fortement dégradée, à destination des investisseurs étrangers de moins en moins nombreux à frapper à la porte de la Tunisie.

Mais il n’est pas exclu que l’invitation de l’Etat à l’actionnaire majoritaire soit une manœuvre tactique visant toujours les deux objectifs que les autorités ont toujours eu dans le viseur : gagner du temps et, surtout, amener ABCI N.V. à abandonner la procédure arbitrale en cours au CIRDI.

C’est ce qui risque de se produire ou, du moins, ce que la partie tunisienne ne se priverait pas d’affirmer, si d’aventure l’actionnaire majoritaire de la BFT acceptait de venir, comme on le lui propose, dire ce qu’il pense de la liquidation de cette banque devant la justice tunisienne saisie par le gouvernement de ce dossier pour acter cette opération. Les prochains jours et semaines révéleront plus d’informations sur els manœuvres des uns et des autres.