Avec une grosse typographie bien kitsch comme un salon empereur doré, l’affiche donne le ton. Elle arbore des visages de stars rendues célèbres avec la contribution du petit écran. Lofti Abdelli, Karim Gharbi, Kamel Touati, avec en prime mais en plus petit, Racha Ben Maaouia. L’actrice n’est pas très connue, mais il faut bien une jolie femme sur l’affiche. En plus petit encore, Fathi Akkari qu’on a vu deux fois en un seul mois jouer un rôle dans une geôle de prison. A gauche, des pièces d’or, en haut, il y a des étoiles. Bref c’est le souk. Et ici, on aime le souk, l’excessif, avec la promesse de comprendre sans trop se fouler les méninges. De la dopamine à 9 dinars la place, garantie sans malaise en famille. Pas de sexe, pas de violence, pas d’immoralité. C’est écrit : “Grand public”.
Le groupe Goubantini, producteur et exploitant de la salle le Colisée programme 5 séances par jour. Nous allons à la séance de 17h. Nous sommes à peine assis que le projectionniste lance le générique. Il faut aller vite.
Les ingrédients
Ouverture sur le générique avec une musique de film fantastique. Dans la première scène, on voit Karim Gharbi derrière les barreaux. Et comme l’exige le film commercial, le monologue de présentation est purement informatif. Le deuxième protagoniste du film, Lotfi Abdelli, apparaît à l’image, et rebelote. Son dialogue est tout aussi informatif et n’est là que pour donner les clés de lecture aux spectateurs. En quinze minutes, on connaît le contexte, les personnages et leur lien. Ni une ni deux le nœud dramatique fonctionnel arrive. Il s’agit de Fathi Akkari, qui donne aux deux protagonistes la mission constituant le fil rouge du film. On est dans la structure la plus efficace et primaire du film commercial en duo.
La structure est celle de «Salam Ya Sahbi» avec le duo Adel Imam et Saïd Salah ou encore «Bikhit w Adila». Et devinez quelle est la mission? Trouver un trésor ! Le duo part alors à l’aventure pour le dénicher. Les répliques ne sont qu’un enchaînement de vannes. Les situations cocasses sont puisées dans l’humour bien local, ce qui en fait un film quasi impossible à exporter.
La politique, le terrorisme et les femmes
Des politiciens désespérés qui ne savent plus où trouver l’argent pour sauver le pays de la faillite. Des terroristes qui squattent une maison en y fondant une cellule terroriste à la Club Med. Des femmes qui dansent, des femmes qui gueulent, des femmes fortes et d’autres soumises, mais à la langue bien pendue. Une chose est sûre : il n’y a pas de femme victime dans ce film.
C’est un monde naïf et coloré sans prise de tête ni complexité. Avec un long-métrage qui ne fait que recycler les clichés les plus répandus. Au final, le film satisfera tout le monde, sauf les cinéphiles qui le classeront sans doute dans la catégorie des séries B. Quel mal y-a-t-il à proposer ce genre de films ? Sont-ils nécessaires pour doper l’industrie et l’activité du secteur ? Oui. La rentabilité ne rime pas nécessairement avec la qualité. Or le cinéma fast-food rapporte plus que le cinéma indépendant. Surtout quand ce dernier a encore du mal à décoller en salle.
Films fast-food
D’aucuns pourraient s’inquiéter de se retrouver noyé sous les films à la «Sabbak El Khir» ou du style de «Rebelote», trauma cinématographique de l’année 2020 signé par le même réalisateur, Kais Chekir. A la manière des réseaux sociaux, ces films gagnent du terrain dans l’imaginaire collectif. Ils risquent même d’attirer davantage les capitaux privés appâtés par le cinéma mercantile. Revers de la médaille : moins attrayant pour le grand public, le cinéma indépendant de qualité pourrait se retrouver quelque peu évincé des salles. Car on aura habitué le public au rire facile et au confort du fastfood.
La solution (miracle) est que les films d’auteurs indépendants arrivent enfin à être produits sans passer par le schéma économique actuel qui ne repose que sur des subventions étatiques et des fonds étrangers. Que les réalisateurs qui souhaitent créer du drame ou du naturalisme libèrent leur récit tout en adoptant une solution de production propre à leurs univers, à leurs récits et à leur réalité économique. Ou que les producteurs de films commerciaux consacrent une partie des bénéfices au cinéma indé de qualité comme à Hollywood. On aurait ainsi quatre films “grand public” pour un film qui serait une vraie œuvre cinématographique. Une problématique que le cinéma du sud devra tôt ou tard s’atteler à résoudre.
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