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« Médias tunisiens : Le long chemin de l’émancipation (1956-2023) », publié par Mohamed Larbi Chouikha, chez Nirvana, est une œuvre majeure pour comprendre le fonctionnement des médias en Tunisie et les conditions d’exercice du journalisme professionnel ou militant, qui vient en temps approprié, puisqu’elle coïncide avec la fermeture d’une courte période démocratique de 10 ans, enclenchée après la révolution de 2011, où les médias ont connu en terme de contenu et de liberté d’expression une mutation inégalée depuis 1956, et où le cadre juridique de leur action a été radicalement transformé.

Mais ce livre témoigne aussi de l’ouverture d’une nouvelle étape « politico-médiatique », après le 25 juillet 2021 (proclamation de l’État d’urgence), et y consacre les deux derniers chapitres, caractérisée par le retour des travers classiques d’une presse sous pression et d’un métier de journaliste exercé dans la peur, mais dans un contexte politique inédit dans la mesure où les écoles de pensées politiques traditionnelles connues en Tunisie, qui ont longtemps animé la vie publique au pouvoir ou dans l’opposition, ont été mises hors circuit.

Ce livre est le fruit d’une double synthèse. C’est d’abord une synthèse de l’ensemble des travaux de Mohamed Larbi Chouikha, observateur et acteur du champ médiatique en tant que militant pour la liberté d’expression et chercheur sur une période de plus de trois décennies, mais c’est aussi une synthèse critique du fonctionnement du système médiatique tunisien depuis l’indépendance qui s’étend sur environ 60 ans.

La presse tunisienne et l’élite des journalistes qui ont suivi les multiples interventions dans le champ journalistique de Larbi Chouikha, ont bénéficié des outils théoriques que l’auteur a forgé progressivement et a su mettre au service de son idéal de développement de la presse et particulièrement la liberté d’expression et le pluralisme. Mais l’œuvre scientifique de Larbi Chouikha a aussi à son tour, largement bénéficié de son engagement constant et de sa grande connaissance du terrain et de ses contacts avec les acteurs des milieux médiatiques, qui lui ont progressivement permis d’être en meilleure position pour observer le monde des journalistes et leurs pratiques professionnelles.

Depuis la parution en 1983 du livre de Fethi Houidi et Ridha Najjar, « Presse radio et télévision en Tunisie », je n’ai pas eu connaissance à mon humble niveau, d’un livre publié en Tunisie avec une ambition synthétique aussi large, qui intègre une période aussi longue de l’histoire des médias en Tunisie, sans pour autant se limiter à une approche strictement historique, car l’auteur a recours à trois éclairages disciplinaires différents, « l’histoire politique de la Tunisie, les sciences politiques et la sociologie des médias ».

Mais ce livre est surtout, un livre à thèse et l’approche synthétique est soumise à une grille de lecture théorique qui examine l’évolution des médias en rapport avec un projet de contrôle systématique de la presse et plus largement de la société, par un processus d’« étatisation » conçu et tenu en main par Bourguiba (1956-1987), un « Zaïm » auréolé par son passé de leader de l’indépendance et mû par un souci de réformes accélérées de la société, mais qui fera face progressivement à une série de crises politiques et à une volonté de plus en plus affirmée d’indépendance exprimée par les journalistes professionnels, la société civile, et les partis d’opposition qui sauront tirer profit de ce que l’auteur appelle des « embellies démocratiques » qui sont des périodes où le pouvoir, essoufflé et en position de faiblesse, concède un espace réduit d’expression libre, pour se reconstituer une légitimité mise à l’épreuve avant une reprise en main autoritaire.

La période Ben Ali (1987-2010), largement et finement analysée par l’auteur, obéit grosso modo au même état d’esprit, mais avec une démarche différente du pouvoir et un contexte technologique radicalement différent, avec en particulier l’extension de la diffusion satellitaire dans les années 1990, qui permet aux citoyens de se « libérer » de la mainmise médiatique locale, et de suivre les médias étrangers et surtout avec le développement des TIC, nouvelles technologies de l’information de de la communication qui vont bouleverser les modes de production et de diffusion de l’information au tournant du siècle, et qui donneront naissance à une résistance digitale et à des militants du cyberespace, que Larbi Chouikha a observé et analysé avec une grande connaissance.

Embellies politico-médiatiques

Le concept « d’embellies politico-médiatiques » adopté par l’auteur pour décrire ce mouvement de va et vient qu’il observe régulièrement entre une période autoritaire caractérisée par un souci de contrôle des médias par une « étatisation poussée » qui interdit ou étouffe dans l’œuf toute velléité d’indépendance et de pluralisme politique et médiatique, et une période où le pouvoir lâche du lest et tolère l’existence d’expériences politiques et médiatiques, qui bénéficieront d’une relative liberté, mais feront l’objet d’une surveillance sans failles sous forme de suspensions et de procès qui n’en finissent pas et de multiples entraves à la diffusion ; est très pertinent et permet d’observer le rapport pouvoir et médias en Tunisie sur le long terme, au-delà des changements des acteurs majeurs à la tête des pouvoirs politiques.

En effet l’auteur ne sous-estime pas les spécificités de chaque acteur ni celles des contextes de chaque période, mais il trouve des ressemblances répétitives permises par ce mouvement de balançoire Autoritarisme/Embellies démocratiques comme cela est observé à la fin de la décennie 1970 avec la création de la Ligue Tunisienne des droits de l’homme et l’autorisation de parution du journal d’opinion indépendant « Errai » fondé en 1977, par un ministre « libéral » de Bourguiba.  Hassib Ben Ammar et confirmé un peu plus tard en 1980, par la reconnaissance de certains partis d’opposition comme le Mouvement des Démocrates Socialistes MDS dirigé par un ministre dissident de Bourguiba Ahmed Mestiri qui publiera le journal « Al Mostakbal », et la parution du journal « Attarik Al Jadid » du Parti Communiste Tunisien (PCT), interdit depuis 1962.

Il décrit aussi le processus d’ouverture prudente et formelle dans la mesure où les principaux bénéficiaires en ont été des proches, et néanmoins balisée par plusieurs mesures restrictives (comme par exemple autoriser une chaîne de télévision sans lui permettre de diffuser un journal télévisé), qui a permis sous le régime du président Ben Ali une privatisation partielle de l’audiovisuel. De même après une fermeture politique, qui a largement réduit l’espace public vers la fin des années 1990, la Tunisie connaît avec la révolution en 2011, une explosion de la liberté d’expression mais qui s’avérera une « embellie de plus », qui prendra fin avec la proclamation de l’État d’urgence le 25 Juillet 2021.

Ce concept, n’a pas révélé encore tous ses secrets il peut être repris et enrichi dans un autre travail ou par d’autres auteurs. Une plus grande précision chronologique de la périodisation, de ces multiples mouvements de balançoire et de leurs caractéristiques spécifiques ou respectives, serait un éclairage utile. Peut-être qu’un tableau des « embellies » est nécessaire pour préciser les débuts approximatifs, la fin et les caractéristiques majeures.

A titre d’exemple quand Mohamed Mzali est nommé premier ministre en 1980 il y aura quelques mesures d’ouverture politique, mais le mouvement « d’embellie » est déjà timidement enclenché avec « Errai » en 1977. De même, quand Ben Ali arrive au pouvoir en 1987, il y avait déjà cette « embellie » certes essoufflée déclenchée par Bourguiba à la fin des années 1970, et son arrivée a entraîné, entre 87 et 92 une relative reprise de «l’embellie » avec l’autorisation du journal de la tendance Islamiste « Al Fejr » et d’autres comme le journal du POCT , « Al Badil » et la publication dans le journal « La Presse » d’opinions d’intellectuels indépendants, et bien d’autres signes d’apaisement politique. Il y a certes la non-autorisation de parution du premier numéro post 7 Novembre d’Errai qui a contraint son propriétaire Hassib Ben Ammar à mettre fin à cette expérience fondamentale dans l’histoire de la presse tunisienne, et bien sûr l’emprisonnement du bâtonnier Me. Bechir Essid. Pourrions-nous parler d’embellie dans l’embellie ou de coup de pouce conjoncturel dans une embellie essoufflée ? De même pourrait-on parler d’embellie à courte durée comme par exemple celle observée à travers les contenus plus « critiques » des journaux de l’époque, après la suspension en 1969 de l’expérience de collectivisation et l’élimination du principal ministre de Bourguiba à l’époque Ahmed Ben Salah ?

L’auteur a bien délimité la période observée à partir de 1956, mais s’il est permis de spéculer au-delà de cette limite, il y a peut-être une extension possible du fonctionnement de ce concept d’embellie à l’ère coloniale.  Ahmed Kassab, dans son livre « La Tunisie Contemporaine » (STD, 1976) écrit:

la proclamation de l’État de siège en 1912 et l’éclatement de la première guerre mondiale, provoquèrent un arrêt quasi total de l’activité culturelle et en particulier de l’activité journalistique. Ce fut en Mars 1920 que les mesures frappant les journaux tunisiens furent levées par les autorités du protectorat.

(A. Kassab,1976 p:253).

Peu de temps après 1881 et après la fin de la résistance armée à l’occupation française, quelques signes d’une vie publique tunisienne moderne naissante, apparaissent avec le lancement du journal Al HADHIRA en 1888 puis du journal « Ezzohra » en 1890, et la création de l’association Al Khaldounia, et plus tard le lancement du journal LE TUNISIEN en 1907 par le mouvement Jeunes Tunisiens.

Cet élan sera suspendu en 1912 après les évènements tragiques du Jallaz et les suites de la grève du tramway. Bref nous avons de manière explicite les ingrédients d’une « embellie politico-médiatique ». Disons même d’une première expérience d’« embellie », suivie d’une période de fermeture politique (1912-1920), qui se répétera tout au long du 20ème siècle et au-delà, comme l’auteur l’a bien analysé et documenté dans son livre pour la période post indépendance.

Les cycles Embellies/Retour autoritaire se succèdent, mais peut-on observer quelques « acquis » même très lents ou discrets, qui échapperaient au retour de manivelle de l’autoritarisme et du souci de contrôle systématique des médias ou assistons-nous chaque fois à un effacement « réussi » des acquis de chaque embellie ? C’est en fait le sens de la question que se pose Larbi Chouikha en début de conclusion sur la fermeture de la période démocratique le 25 Juillet 2021 : 

Comment expliquer ce prompt passage d’un paysage démocratique diversifié et pluriel… à une configuration estampillée aujourd’hui du sceau des restrictions des espaces d’expression et des entraves au travail des journalistes?

Étendre cette question à la fin de chacun des cycles antérieurs nous mettrait peut-être sur des pistes riches en explications.

Etat et pouvoirs publics, quels rôles, quelles responsabilités ?

Le livre décrit et explique de manière abondante et convaincante comment l’État déploie sa puissance de contrôle des médias par le biais de politiques qui concernent aussi bien le cadre légal qui peut avoir parfois une apparence libérale rapidement restreinte par des pratiques contraires à l’esprit des lois, comme le fameux récépissé que doivent recevoir les promoteurs de nouveaux journaux et que l’administration tarde à leur remettre, que les médias publics réduits à fonctionner en porte-voix du régime, que l’action de surveillance et de blocage que joue l’administration par différents subterfuges qui empêchent le métier de journaliste de s’exercer selon les normes professionnelles. Et bien d’autres dérives dont la gestion policière et brutale des questions politiques et médiatiques.

Cela quand l’État et les détenteurs de l’autorité publique qui le dirigent, sont en position de force comme cela a souvent été le cas en Tunisie. Mais la longue période qu’étudie l’auteur, nous offre l’occasion d’observer une situation apparue après la révolution de 2011 et qui s’étendra sur une décennie, où État et les détenteurs légitimes des pouvoirs publics sont en situation de faiblesse.

L’affaiblissement de l’État n’a pas fait les beaux jours des médias, bien au contraire Comme le note en conclusion Larbi Chouikha : 

 Le constat est donc amer, les réformes structurelles tant attendues dans le secteur des médias n’ont pas abouti ou peinent à se mettre en place et parmi les raisons invoquées, cette propension dans la Tunisie post-14 Janvier  à vouloir privilégier la norme juridique au dépend d’une démarche pragmatique, fondée  à la fois sur l’émergence d’une nouvelle politique de l’État, sur les institutions publiques fortes et crédibles et sur des entreprises de presse réellement professionnelles et indépendantes du monde politique et financier. Dans ce contexte marqué par le foisonnement des intérêts privés et l’affaiblissement des structures de l’État, l’application de la règle de droit dans le secteur des médias s’avère difficile à mener (p:309).

Ce rapport paradoxal de l’État et des médias dans le contexte tunisien m’amène à avancer quelques remarques et quelques questions. Les médias publics, créés, financés et développés par l’État constituent l’ossature du système médiatique global puisque les médias privés étaient en tout petit nombre avec des moyens limités exceptés les deux expériences majeures que sont « Dar Assabah » dont le fondateur Habib Cheikhrouhou, était très proche du parti Destourien en période de pleine lutte anticoloniale (1951), et bien plus tard l’expérience « Dar Al Anouar », éditrice du journal hebdomadaire « Al Anouar »  (1981) puis du quotidien « Echourouk » (1988), mais paraissant de manière hebdomadaire depuis 1984.

Les médias publics avaient la politique de recrutement, la plus ambitieuse du secteur surtout dans les années 70-80, en nombre et en qualité puisqu’elles ont été bien plus accueillantes pour les diplômés de l’IPSI, qui comme école publique de journalisme pouvait être soumise à un interventionnisme politique comme le mentionne l’auteur, mais qui a joué un rôle positif dans la valorisation de l’activité journalistique par l’injection d’un nouveau profil de journaliste qui ne se réduit pas à un beau prosateur.

L’État a créé les conditions objectives pour l’existence et le développement progressif du métier de journaliste, et la donne démographique ne doit pas être sous-estimée dans l’émergence du journalisme comme activité professionnelle. Même si le premier journal tunisien ARRAIED a été créé en 1860 plus d’un siècle plus tard, la population de journalistes professionnels ne dépassait pas 300 personnes.

C’est au sein des médias publics et souvent avec la participation active des diplômés de l’IPSI que les revendications pour de meilleures conditions de travail et une plus grande autonomie de l’activité journalistique par rapport aux contraintes politiques, vont s’exprimer progressivement et les succès électoraux au sein de l’Association des Journalistes Tunisiens (AJT), en 1977 et en 1980 témoigneront de cette présence croissante.

Serions-nous face à une contradiction entre un État et un « processus d’étatisation » concept clé chez Larbi Chouikha, qui d’un côté crée les conditions objectives pour l’émergence et le développement du métier de journaliste dans le contexte tunisien, et d’un autre côté entrave l’activité journalistique dans un de ses attributs fondamentaux la liberté d’expression ?

Une des pistes de réflexion possible serait de soumettre les termes d’État, étatisation et pouvoirs publics à une analyse en vue de distinguer les contours de chaque concept dans ses rapports avec le développement des médias ou au contraire dans les entraves qu’il peut causer à leur développement.

Poser la question de la culture politique des détenteurs successifs de l’autorité publique qui gèrent l’État et le représentent, me paraît nécessaire à ce niveau, et quel rôle politique et social ils accordent aux médias et aux journalistes. Il n’est pas moins utile aussi de poser la question de la connaissance que les principaux acteurs de la vie publique, ont du fonctionnement des médias et des spécificités de l’activité journalistique, comme activité intellectuelle et culturelle de haut niveau, semblable à d’autres activités comme la médecine ou l’enseignement ou les métiers artistiques, qui s’accommodent mal avec une gestion bureaucratique étouffante.

L’essentiel du livre de Larbi Chouikha, porte sur les rapports conflictuels entre les acteurs politiques détenteurs du pouvoir et ce qu’ils considèrent comme leurs adversaires ou ennemis politiques, mais il y aurait une histoire à écrire sur les journalistes partisans politiques du régime, mais à plusieurs reprises victimes d’une gestion bureaucratique d’un métier où l’intelligence, la créativité, l’initiative personnelle, l’autonomie et la liberté sont les ingrédients de base. De même quelques expériences « prometteuses » de médias partisans du pouvoir, mais animés avec une certaine « originalité » toute relative pour l’époque, ont été sabordées parce que non conformes au modèle que peuvent se faire les responsables politiques de haut niveau ou tout simplement suite à des luttes intestines des détenteurs du pouvoir, qui pour être cachées ne sont pas moins nombreuses.

Larbi Chouikha parle d’un « code de bonne conduite » auquel doivent se soumettre les propriétaires de médias, « constitué de variables visibles et non visibles dictées par des contingences politico-personnelles du moment »(p:27), et plus loin il parle de « lignes rouges mouvantes ». Cette incertitude imposée par les décideurs, ne concerne pas uniquement les indépendants et les opposants, mais aussi les partisans du régime. Je citerai de mémoire 4 cas :

Le différent au tout début de l’indépendance, entre Bourguiba et Bechir Ben Yahmed et son équipe (Mohamed Masmoudi, Mohamed Ben Smail, Habib Boulares) sur la gestion éditoriale du journal « l’Action » puis « Afrique Action », mérite un examen approfondi, car c’est peut-être une crise annonciatrice de beaucoup de difficultés et des incompréhensions entre responsables politiques et journalistes, que connaîtra notre pays.

« Dialogue », l’hebdomadaire du parti au pouvoir, publié au cours de la décennie 1970, au bout de quelques mois de sa sortie relativement « brillante et originale » sous la direction de Omar Shabou, a subi un changement de direction et a perdu ce style qui faisait son originalité. La revue a payé les frais de divergences de haut niveau au sein du parti au pouvoir

Un supplément culturel du journal « Al Amal » a été suspendu suite à une caricature du poète du président Bourguiba, Ahmed Loghmani. Ce supplément faisait vendre le numéro du vendredi et était apprécié par les milieux littéraires, alors que le quotidien était à l’époque presque sans lectorat sauf par distribution gratuite dans l’administration et les cellules du parti.

Rached Hamzaoui, universitaire et homme de lettres, a dirigé un mensuel en arabe مجلة 7 نوفمبر et lui a donné une orientation intellectuelle de haut niveau avec la participation de collaborateurs indépendants. Mais au bout de quelques mois, il a été démis et son remplaçant a redonné à la revue le style convenu à l’époque d’une presse de parti terne et laudative et la revue a disparu rapidement.

Bien d’autres cas peuvent être documentés, qui traduisent les méfaits d’une gestion politique et bureaucratique, de la presse du parti au pouvoir, et de la presse tunisienne de manière plus générale comme l’a longuement et brillamment soutenu Larbi Chouikha. Les responsables politiques qui dirigent l’État, pensant qu’ils luttaient contre des « dissidents », en arrivent à tuer la poule aux œufs d’or. Ils sont forts pour diriger des médias sans audience. Tatillons pour contrôler les contenus ils ignorent qu’il est difficile de contrôler les esprits, ceux des lecteurs. Les chiffres même approximatifs ne manquent pas très tôt pour alerter sur les faibles taux de circulation de la presse écrite au service du régime, dans les années 1970. D’ailleurs un beau sujet serait de traiter de l’évolution historique des audiences des médias tunisiens sur le long terme.

Ce livre est appelé à devenir un livre incontournable pour tous ceux qui veulent comprendre le fonctionnement des médias et du journalisme dans le contexte tunisien. Les matériaux de base sur lesquelles a travaillé Larbi Chouikha ont souvent été des données observées et collectées dans les conditions difficiles de terrain des années 1990-2010 et c’est ici que le militant vient au secours du chercheur, digne héritier de la praxis marxiste.


Mohamed Larbi Chouikha, MÉDIAS TUNISIENS LE LONG CHEMIN DE L’ÉMANCIPATION (1956-2023), NIRVANA, Tunis , 2024, 317p.