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Le « Rapport final de la première phase de l’évaluation du développement des médias en Tunisie » (Voir le document PDF) réalisé par Sahbi Ben Nablia, consultant en développement et communication, et publié par le Bureau de l’UNESCO pour l’Algérie, le Maroc, la Mauritanie et la Tunisie est entaché de beaucoup d’erreurs factuelles et d’appréciation. Il est rédigé dans un style qui manque de rigueur, d’objectivité et de précision ; ce qui est de nature à fausser le diagnostic sur l’état de développement des médias en Tunisie.

Au plan méthodologique, l’auteur de ce rapport n’a pas fait un bon usage des sources documentaires et humaines disponibles. Par manque de clairvoyance, il s’est parfois référé à des sites web peu crédibles et négligé de consulter des sites obligatoires.

La terminologie utilisée est trop simpliste, approximative, subjective. Le rapport est truffé de fautes de frappe, de grammaire et de syntaxe. En raison de toutes ces imperfections, ce rapport n’a pas la qualité requise pour être diffusé en tant que document de l’UNESCO et devrait être retiré de la circulation.

Voici un échantillon, non exhaustif, des imperfections que comporte le rapport :

P.7 (introduction) :

« Le décret du monopole de la radiodiffusion sonore et audiovisuelle ».
« Toute tentative de partage de l’information était durement réprimandée» (Ce terme est utilisé à plusieurs reprises dans le texte pour dire « réprimé »).

P. 8 :

« Les appels (…) se sont confrontés à une sourde oreille de la part de l’ancien régime ».
« Les programmes de formation (…) étaient devenus bien en-deçà des standards internationaux pour les pratiques journalistiques».

P.9 :

«… des membres du groupe des bailleurs des fonds ».

P.10 :

« Abdelwaheb Abdallah, connu sous le nom du « Raspoutine des médias ».

P. 11 :

« Le droit de réponse est un autre point qui soulève des interrogations. Dans la deuxième version du projet de loi du code de la presse, l’article 38 accorde le droit de réponse aux représentants de l’autorité publique si ces derniers jugent que la correction des informations publiées est nécessaire… »

Faux : Le droit de rectification, qui était reconnu aux autorités publiques dans l’ancien code, a disparu de la version finale du nouveau texte (décret-loi du 2 nov. 2011 sur la liberté de presse, d’imprimerie et d’édition).

P. 13 :

« Enfin la réaction des patrons des médias qui dénoncent le nouveau code de la presse comme une loi liberticide ne donne aucune chance d’applicabilité à ce projet. »

Faux : L’Association Tunisienne des Directeurs de Journaux a accepté la dernière mouture du nouveau code, à laquelle son président (M. Moncef Ben Mrad) a été pleinement associé.

P 13 :

1.2 Le droit à l’information est garanti par la loi et respecté dans la pratique.

Cette section est plagiée du rapport sur le droit d’accès à l’information réalisé pour le compte de Transparency Maroc. Il ne suffisait pas d’indiquer la source, il fallait mettre ce texte des pages 13 et 14 entre guillemets.

P.14 :

« Le décret-loi n°41-2011, du 26 mai 2011, modifié et complété par le décret-loi n°54-2011 ».

P.18 :

« L’indépendance du système de régulation est garantit par la loi »
« La création du Conseil Supérieur de l’information (…) renvoie à un modèle centraliste de gestion unitaire de l’activité de communication ».

P.19 :

« Le projet de décret portant la création de la HAICA a été voté début septembre. Cependant la réaction négative des patrons des médias et des professionnels ne donne aucune chance d’applicabilité à ce projet et une vague de contestation contre l’INRIC a pris forme ».

Ce paragraphe sans nuance relève de la désinformation, l’auteur reprend à son compte la position des patrons de médias privés de l’ère Ben Ali, qui rejettent toute régulation par souci de préserver leurs privilèges acquis. Business News, cité par l’auteur, est une source peu fiable, surtout que le promoteur de ce site web a mené une campagne très agressive à l’encontre de l’INRIC et s’est comporté en porte-parole des chaînes privées déjà existantes (Hannibal TV et Nessma TV).

P.19 :

« La diversité dans le secteur audiovisuel n’est pas abordée »

Cette affirmation est exagérée, extraits du texte :
La HAICA « établit le cahier des charges et…veille au respect de la liberté d’expression, du pluralisme des idées et des opinions… » (Article 16)

P.19 :

« La publicité n’a pas été abordée dans le projet de loi »

Ce n’est pas vrai ; l’article 16 fixant les attributions de la HAICA stipule qu’elle « élabore les règles de conduite relatives à la publicité et veille à leur respect par les médias audiovisuels ».

P19 :

« La deuxième version du projet de révision du code de la presse, rendue publique en juillet 2011, a allégé ces restrictions. Toutefois, la presse écrite est encore soumise aux autorisations administratives. Dans les pays démocratiques, ces procédures administratives sont injustifiées et considérées comme un frein à la liberté d’expression (voir 1.1). »

Faux ! Aucune autorisation administrative n’est exigée pour créer un journal. C’est le régime de la simple déclaration qui a été retenu :
Art. 18 : « Le directeur du périodique remet au président de la Cour d’Appel territorialement compétente une déclaration écrite sur papier timbré et reçoit en échange un récépissé ; en cas de refus de délivrance du récépissé, l’envoi effectué par lettre recommandée avec accusé de réception tient lieu de récépissé. »

P.19 :

« Le processus du remplacement des membres du conseil d’administration de la HAICA n’est pas spécifié ».

FAUX : l’article 7 du décret-loi portant création de cette instance prévoit, en détails, le mode de renouvellement de ses membres.

P.21 :

« …opposants, activistes et journalistes victimes des plumes empoisonnées du régime tunisien »

P. 26 :

« L’organe de régulation (…) en matière nomination et de révocation des dirigeants des organismes du secteur public et des sanctions pour le respect de la loi ».

P.28 :

« Les parts du beau-frère du président Ben Ali dans « Mosaïque FM » ont été nationalisées ». FAUX : « Mosaïque FM » n’appartient pas à l’Etat tunisien. Seules la Radio « Shems FM » et « Radio Zitouna » sont propriété de l’Etat.

P.29 :

« Pour la télévision, les demandes reçues sont au nombre de 25 » FAUX : le nombre est de 33

P30 :

« Les recommandations de l’INRIC pour l’attribution des licences à des radios et télévisions privées laissent les professionnels perplexes. Les critères de sélection des demandes et ceux d’attribution des licences n’ont pas été rendus publics ».

Cette affirmation est inexacte, toutes les étapes de la procédure à l’INRIC ont été transparentes et les critères de sélection des demandes et ceux d’attribution des licences ont été rendus publics : www.inric.tn

P.30 :

« Le promoteur de Radio 6 a refusé de dévoiler son plan d’affaires ». FAUX : Aucun promoteur de radio n’a refusé de dévoiler son plan d’affaires. Lors de la séance publique d’audition des promoteurs, la promotrice de Radio 6 n’était pas présente. Elle a été auditionnée séparément ».

P.31 :

« Les revenus publicitaires sont en baisse à cause de la conjoncture politique et économique au pays ».

P32 :

« Il est important de souligner que la perception des médias, en Tunisie, est intimement liée au pouvoir. Les Tunisiens ne conçoivent pas les médias comme des médias de proximité à la portée de la population locale et répondant à leurs préoccupations quotidiennes. »

Ce genre de généralisation relève du jugement de valeur et n’a pas sa place dans un rapport de diagnostic qui se veut objectif.

P.32 :
Le refus d’utiliser le vocable « radios communautaires » n’était pas du tout justifié, comme le prétend le rapport, par la crainte de provoquer « une fracture sociale » ou une « libanisation de la Tunisie ».
P.32 :

« Il est à noter qu’une quinzaine de demandes de licences pour des stations de radios régionales ont été déposées »

FAUX : il fallait dire une cinquantaine.

« Le président de l’INRIC nous a confirmé la volonté de l’instance pour la promotion des médias communautaires ».

P.33 :

« Les licences sont temporaires d’une année ».
« La publication des recommandations de l’INRIC pour l’attribution des licences ne montre pas explicitement sa volonté d’encourager la diversité de la propriété et du contenu ».

FAUX : la diversité au niveau de la propriété et du contenu est l’un des principaux critères retenus par l’INRIC. Il est mentionné explicitement dans tous les communiqués de l’Instance.
P.34 :

« L’agence tunisienne de communication extérieure (ATCE), supprimée le 26 janvier 2011 » :

FAUX, l’ATCE n’a pas été supprimée ni dissoute. Cette assertion est reprise dans plusieurs autres pages du rapport. (PP.35, 38)

P35 :

« … la haute commission indépendante pour les élections »

Il fallait écrire « l’Instance Supérieure Indépendante pour les élections » (ISIE).

P 37 :

« Le français est la deuxième langue officielle … »

Cela est faux, il n’existe pas de « 2ème langue officielle » en Tunisie, l’Arabe étant la seule langue officielle.

P.38 :

« Un discours de langue de bois qui miroitait les réalisations économiques et politiques de Ben Ali ».
« La diversité des opinions n’est pas encore intégrée aux réflexes des journalistes ».

P.41 :

« En Tunisie, la notion de l’autorégulation a toujours été mélangée avec la notion de l’autocensure au sein des professionnels des médias ».

P.42 :

« Certaines presses écrites, fidèles aux lecteurs ».

P.44 :

« victimes des violences ou d’harcèlement ».

P.45 :

« Sous l’ancien régime l’ambiance d’insécurité à laquelle font face les journalistes au quotidien les poussaient à l’autocensure ».

P.48 :

« Depuis le 14 janvier 2011, les activités du CAPJC sont suspendues en attente de révision de son statut. »

Faux : le CAPJC a repris ses activités et organisé plusieurs sessions de formation et séminaires depuis le mois de mai 2011. Voir programme détaillé sur le site : www.capjc.nat.tn
P.48 :

« Il est prévu l’annexion du CAPJC à la structure administrative du syndicat afin de limiter l’intervention de l’État dans la formation des journalistes. »

Cette prévision est fantaisiste, n’a jamais été évoquée publiquement et ne figure dans aucune décision ou document du syndicat (SNJT).

P49 :

« Le verrouillage des médias par le régime du président déchu pendant 23 ans a vidé les programmes de formation en journalisme de leur contenu. Le journalisme d’investigation est un terrain inconnu pour les journalistes.
La formation à l’IPSI est basée sur la culture générale, mais exclut jusqu’à présent les fondements démocratiques et les droits et libertés. Les diplômés en journalisme touchaient plusieurs sujets d’ordre général sans aborder ceux qui les servent dans leurs métiers ».

Ce jugement simpliste et caricatural est bien éloigné des réalités de la formation à l’IPSI, de ses atouts et handicaps, on a l’impression que l’auteur n’a pas consulté les sources humaines et documentaires disponibles avant de se prononcer.

P.50 :

« En 2008, le SNJT a été créé avec le concours de la FIJ ».

FAUX : la création du SNJT était, au départ, l’initiative d’un groupe de journalistes proches du pouvoir qui voulaient barrer la route à la création d’un syndicat indépendant. Une initiative qui a mal tournée.

« La FIJ a annulé l’adhésion de l’AJT ».

FAUX : L’AJT (Association des Journalistes Tunisiens) a perdu son siège de membre de la FIJ depuis 2004 à la suite de l’attribution de la « plume d’or » au Président Ben Ali.

P50 :

« Il n’existe aucune statistique qui nous confirme le nombre des adhérents au sein de SNJT. Sur un total de 1500 journalistes qui exercent dans les différents médias, environ 1000 sont membres du SNJT et détiennent une carte professionnelle. »

Ces chiffres approximatifs sont inacceptables, le nombre précis de détenteurs de la carte nationale de journalistes professionnels est connu, il suffisait de s’adresser au secrétariat de la Commission de la carte de journaliste pour avoir les chiffres de 2010. De même, le nombre exact d’adhérents au SNJT a été rendu public avant la tenue de son congrès en juin 2011.

P.51 :

« La SNJT (…) négocie les salaires ».

FAUX : C’est le syndicat général de la culture et de l’information, relevant de l’UGTT, qui négocie les salaires des journalistes et des professionnels des médias.

« Le SNJT travaille pour remplir son mandat en tant que syndicat » !!!

P.53 :

« Les citoyens osent envoyer des emails aux animateurs et aux journalistes » !!!

P.53 :

« La radio nationale ne couvre pas tout le pays. Elle diffuse à presque 50% de la population tunisienne concentrée dans les villes côtières… Par ailleurs, la radio des jeunes et la radio culturelle, deux radios du service public, couvrent l’ensemble de la Tunisie. »

Faux : la chaîne nationale couvre l’ensemble du territoire grâce notamment à sa diffusion sur bande AM. Voir site web de l’Office National de télédiffusion (www.telediffusion.net.tn)
P.55 :

« L’INRIC (…) a recommandé l’attribution des licences à six radios »

FAUX : Il s’agit de douze radios (dans la page 33, le rapport parle bien de douze fréquences » !!