J’accompagne ma mère pour son premier retour en Tunisie, depuis la mort de mon père, l’hiver dernier. Donc si le moment n’est pas forcément joyeux, il est important et tout en symbole, pour nous. Dans tous les cas, j’y ai placé beaucoup d’espoirs. Et des symboles, nous allons en recevoir. Et des costauds.
Vol 717 TUNISAIR départ de l’aéroport de Paris Orly, à 11 heures, 8 juillet 2025
Comme le vol est à 11 heures, nous partons à 6h45 d’une petite ville de province située à 200 km de là. Histoire d’arriver avec les deux bonnes heures nécessaires pour l’enregistrement.
Ma mère, âgée de 80 ans, a demandé une assistance pour les personnes à mobilité réduite.
L’accompagnement sera de très bonne qualité tant à Paris Orly qu’à Tunis Carthage.
Avec cet accompagnement il lui aura été permis de survoler les innombrables difficultés qu’ont pu rencontrer les autres voyageurs pour s’enregistrer, passer la douane et accéder à la porte d’embarquement F17. La chance dis-je ! Nous étions à 10 heures devant ladite porte.
Nous attendons fébrilement l’heure fatidique pour ce beau voyage lourd en symboles donc.
11 heures
L’écran nous annonce (car il n’y a aucun personnel de TUNISAIR de présent) que la porte a changé et nous devons nous rendre à la porte F2. Vous imaginez sans aucun souci, cette migration de voyageurs tous pressés d’être le premier à pourvoir embarquer. Vous m’imaginez alors dépité car devoir remonter les couloirs d’Orly avec ma mère âgée avançant avec sa canne au rythme saccadé des douleurs de genoux rencontrées à chaque pas.
Des maux, encore des maux, toujours des maux, les mêmes maux
Arrivés à la porte F2, Il n’y a encore personne de présent de TUNISAIR au guichet pour évoquer la raison de ce retard. Personne n’est là pour rassurer les familles, les parents avec les enfants, les personnes âgées déjà fatiguées, les touristes interloqués, ou donner une simple explication. Personne.
Vers midi, une source internet indique déjà une possibilité de départ à 19h00. Vers 16h, une autre indique 20h.
Un “pauvre homme“, sans doute de l’aéroport, est dépêché sur place pour distribuer des bons alimentaires d’une valeur de 15 euros (vus les prix à l’aéroport, on exclut de suite le restaurant gastronomique).
Bien entendu, ce monsieur est harcelé de questions : à quelle heure décolle l’avion ? Pourquoi n’est-il pas là ? Il ne peut pas nous donner d’information puisqu’il a été dépêché uniquement pour distribuer les bons.
Le panneau d’affichage des départs, lui, va apporter une réponse glaciale : le vol est attendu pour 18 heures.
18 heures
L’avantage de la porte F2 est qu’elle est tout au bout de l’aéroport. On peut ainsi parquer les gens dans un coin au long-court.
Tout l’après-midi, des tas d’informations contradictoires nous parviennent. Entre les rumeurs, les infos glanées sur les sites spécialisés, des agences de voyages, toutes sortes d’horaires de départ circulent entre les voyageurs abandonnés.
Finalement, il pourrait partir à 13H15. 15h00 etc
A 16 h, toujours aucune présence d’un responsable de TUNISAIR. Les rumeurs, basées sur les sites internet, commencent à évoquer un départ à 20h.

Les enfants sont crevés, énervés. Beaucoup sont intenables car très fatigués. Les parents n’y peuvent rien. A part quelques consoles de jeux pour les plus grands, rien n’est prévu pour les plus petits.
Bien entendu, les esprits de beaucoup d’adultes commencent à s’échauffer. Mais il n’y a toujours personne sur qui passer ses nerfs. L’aérogare devient très, très, très bruyante.
Une femme qui travaille pour l’aéroport arrive et annonce qu’un avion est affrété. C’est sûr ! Promis ! Craché ! (Enfin, mais c’est l’idée). Et on est sûr d’avoir de la place. Par contre, il est question de 21h. Les voyageurs autour d’elle s’énervent fort, car rien n’est fiable dans les informations données depuis 11 heures ce matin.
On nous raconte que le 717, décolle dans 20 mn de Tunis. Donc, le temps d’arriver quoi. Un couple qui est là avec un enfant en bas âge et dont le vol de la veille a été annulé n’a plus de patience. L’homme est en colère et crie. Autre information : l’avion ne viendrait plus de Tunis mais de Corse. Tiens donc.
Des policiers viendront en faction pour éviter les débordements. Car effectivement, les voyageurs, même les plus calmes depuis le matin, ont perdu le sourire. L’image de la Tunisie commence à bien se ternir pour les touristes du vol 717. Dans quelle galère, se sont-ils embarqués ? Pourront-ils rejoindre leurs hôtels ? Qui contacter ? Y’aura-il des taxis, des navettes ? Les vacances tant attendues commencent bien mal.
21h15
Le panneau glacial des départs vient d’annoncer 21h15. Encore deux heures de plus à attendre.
Mais peut-on lui faire confiance, alors qu’à 18h45, il annonçait encore un départ pour 18h ?

A 19h30, “on” décide de faire bouger la viande. Car oui, à ce moment, nous ne sommes plus qu’un troupeau complétement déshumanisé. Le panneau du comptoir nous annonce que l’on doit changer de porte et aller en F7/F8. La grande migration reprend. Chacun veut être le premier et avec encore plus d’impatience. Pas de cadeau. De mon côté, je suis hors course car il me faut accompagner ma mère sur ces dizaines mètres et avec sa canne et la fatigue depuis 6h30, ce matin. Autant dire que nous sommes disqualifiés dès le départ.
Merci aux voyageurs qui, voyant son état, la feront passer devant. Un agent est tout seul. Mais il est là, face à la meute agglutinée devant son comptoir. Un troupeau qui n’en peut plus, qui a faim, qui a soif et qui s’entasse sous la chaleur. Pour certains enfants, c’est trop. Pleurs, crises de nerf. Je sens que les conditions d’une émeute sont réunies et ce n’est pas ce seul agent avec un policier très en retrait qui pourront faire quoi que ce soit si l’étincelle jaillit.

Un avion roule vers le terminal alimentant les spéculations. Il n’a rien d’un avion de Tunis Air. Il faudra encore attendre 3/4 d’heure avant d’embarquer. Les personnels pour l’enregistrement ne savent rien de notre historique et sont complètement dépassés, débordés par la situation. L’équipage, adorable et très compétent, est visiblement un équipage assemblé à la va-vite et l’avion un A340 sorti des années 70. Le départ de 21h15 se fera à 21h45. Nous arriverons à 23 h (heure locale). Il faut encore passer par la douane, la police, récupérer les valises et rentrer, vers 2 heures du matin, la boule au ventre, épuisés chacun chez soi.

Quand les annonces de la veille ne produisent… qu’un effet d’annonce
Le ministère adresse un avertissement strict aux chefs d’escale et représentants de la compagnie à l’étranger. Ils sont sommés de prendre en charge les passagers dans les aéroports touchés par des perturbations, en leur fournissant une information fiable et actualisée. Toute négligence sera sanctionnée, avec remplacement immédiat par des personnes jugées compétentes et engagées à servir le citoyen et à préserver la pérennité de Tunisair.
La Presse, 5 juillet 2025.
Il faut croire que cela n’a pas suffi pour faire comprendre à toute la chaîne des responsables qu’ils devaient se remettre en question, et très rapidement s’améliorer. Les promesses n’engagent que ceux qui y croient. Et visiblement, aucune leçon n’a été tirée ce que qui venait de se passer. Ou alors, plus probablement, tout le monde s’en contrefout à TUNISAIR et pas uniquement le PDG ou les responsables d’escale. Les annonces de la veille n’ont visiblement impressionné personne.
Nous n’aurons pas vu depuis le matin et jusqu’à l’arrivée, aucune personne de TUNISAIR. Nous n’aurons pas eu depuis le matin aucune information de la part de la compagnie. Nous avons été maltraités, méprisés, considérés comme des moins que rien, comme de la m…. Alors l’avertissement strict du ministère prête à sourire.
Il n’y a pas de meilleure compagnie qui ne se quitte ?
Donc non, il n’y a visiblement toujours pas de pilote à TUNISAIR. Il n’y a pas de personnel non plus, en tout cas, nous ne l’avons jamais vu, il n’y a pas de système d’information. Pas de qualité de service, puisque pas de service tout court. Il n’y a pas de considération des voyageurs, qu’ils soient vacanciers touristes ou tunisiens retournant au pays. TUNISAIR est une coquille vide.
Si TUNISAIR, considérée comme la vitrine de la Tunisie, est incapable de se remettre en question pour s’améliorer alors que le moment est grave, crucial pour son avenir, que pouvons-nous déduire ?
P.S. : Si vous souhaitez faire une réclamation pour obtenir un dédommagement, inutile d’essayer de la faire en ligne. Une fois le formulaire rempli et envoyé, la réponse est “la page n’existe pas”.
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