Les articles publiés dans cette rubrique ne reflètent pas nécessairement les opinions de Nawaat.

Ces derniers temps, on a vu naître un vrai malaise au sein du PDP. Les options et les orientations des dirigeants de ce parti ont fait que l’implosion ne pouvait plus être évitée. Cette progression inexorable vers ce constat  amer était  prévisible. Tous  les ingrédients y été réunis. C’était l’accumulation d’une multitude d’erreurs fatales, qui ont fini par entacher irrévocablement  l’image du parti. La stratégie utilisée-que l’on a que trop signalée par ailleurs- pose problème   dès le début. En politique, on ne peut pas axer  sa raison d’être, essentiellement, sur la diabolisation de l’adversaire. A un moment ou à un autre, il va falloir proposer une  alternative. Montrer que l’on peut proposer autre chose qu’une vision d’apocalypse, où toutes les perspectives sont négatives.

Tout dans l’attitude du bureau dirigeant du PDP laissait présager  des moments difficiles pour l’avenir du parti. Lesquels vont se conjuguer avec  le désir, chez certains militants, d’un  retour aux sources, aux fondamentaux qui ont fait la réputation du parti. A mesure que l’on  s’avance dans le processus démocratique du pays, des forces obscures tenteront, toujours, de   ramener  la locomotive en arrière.  Entre les forces qui tirent vers l’avant et celles qui tirent vers l’arrière, l’amalgame est vite fait et, évidemment, la nuance n’est pas toujours perceptible. D’où la question somme toute  légitime : les dirigeants du PDP ont-ils pris  la mesure exacte de leurs erreurs depuis le 14 janvier ? Ou bien s’agit-il tout bonnement  d’une  remise en cause fondamentale des principes qui ont toujours guidé  le passé militant de ce parti ?

En effet, de la réponse à cette question dépendent  les clés du puzzle. Mais encore faut-il reconnaitre que, dans les deux cas, il y a péril en la demeure. Car l’attente populaire placée en ce parti était telle  que tout écart de conduite, aussi minime qu’il soit, ne pouvait passer inaperçu.

On s’attendait à autre chose de la part du PDP qu’une guéguerre sur fond de démagogie et de critique sans effets. A aucun moment, nous n’avons imaginé monsieur Chebbi enfiler son uniforme de guerre et tirer à boulets rouges sur  ses compagnons de lutte. Compagnons  dont le tort était  d’avoir tendu la main à une Tunisie blessée et  pillée de toute part. En même temps, on s’autoproclame avocat de l’ancien régime et de tous ses suppôts corrompus. On n’hésite pas à s’afficher au grand jour avec toutes ces cautions morales qui, par un effet rémanent, sont devenues défendables. De même, on s’autoproclame   défenseur des médias de Ben Ali, des ministres de Ben Ali, du Parti de Ben Ali, de la police politique de Ben Ali. Tous  devenus, à l’occasion, des militants pour la démocratie, des droits de l’homme, de la libre expression. D’où la nécessité impérieuse, pour une partie  des militants, de prendre sa distance  avec la ligne directrice du parti. C’était une question de principe et d’éthique pour certains. On ne pactise pas avec le bourreau d’hier. On ne tourne pas le dos au peuple et à ses choix légitimes, pour se jeter dans les bras des élites que le peuple avait  rejetées par deux fois : une première fois le 14 janvier ainsi qu’une seconde fois, lors du scrutin du 23 octobre.

Le choix du peuple ne doit plus être au centre d’aucune polémique. Le peuple tunisien est suffisamment mature  pour faire ses choix en toute liberté. S’il a choisi ceux qui sont aujourd’hui au pouvoir, c’est parce qu’il estime qu’ils sont les plus à même de  lui réaliser ses objectifs à condition, en effet, qu’on les laisse travailler. En revanche, s’il n’en a pas choisi d’autres, c’est parce qu’il sait pertinemment de quel  coté se cache la contre-révolution.

L’heure est grave, le moment est difficile,  la Tunisie est à un tournant des plus critiques de toute son histoire. Nous marchons tous sur une corde sensible où l’on n’a pas le droit à l’erreur. Chacun doit  assumer sa part de responsabilité, pour  la construction d’une Tunisie nouvelle où toutes les composantes de la société peuvent cohabiter en paix  et  dans le respect mutuel.

Tout dépend du rapport de force qui va se dessiner à l’approche des prochaines élections ; un PDP réformé peut encore jouer un rôle important dans un échiquier politique en constant  mouvement. En effet, c’est un parti qui peut encore rassembler autour de lui s’il retourne à ses vraies valeurs. Pour cela, il va falloir éradiquer cette image passéiste à laquelle s’était longtemps attachée Mr Chebbi. Le pays qui a vu naître la plus noble des révolutions et, qui a rendu l’espoir à tous les opprimés du monde, est plus que jamais capable de se reconstruire sur des bases nouvelles, avec des idées nouvelles et des hommes nouveaux. Il suffit de traiter les problèmes à la base, à condition, en effet, que chacun apporte sa pierre à l’édifice. Mais aussi, il faudrait  qu’il y ait  la  volonté  de servir humblement le pays, sans à priori, ni arrière pensée. Car il est évident que dans l’état actuel des choses, la Tunisie a besoin de partenaires et non d’opposants.

En fonction de ces éléments- et avec la difficulté qu’il y aura, certes, de  redorer son blason, et de restaurer une bonne image  – il n’est pas impossible de recouvrer le capital sympathie dont jouissait le parti avant ces écarts de conduite.

Monsieur Chebbi  peut donner le  visage qu’il veut  à ses convictions et ses orientations à condition, en effet, de ne pas déroger à certaines règles et principes de base  qui ont fait connaitre son parti. Mais tout dans son attitude montre le contraire et la fable a toujours  trahi des faits  maintes fois constatés. On peut très bien soutenir qu’il ne s’agit pas, en évidence, d’erreurs comportementales mais d’un repositionnement politique qui n’est pas forcément en phase avec  le passé militant du parti. Cet argument, une fois  théorisé, peut être défendable. Par contre, il va falloir prendre en compte plusieurs paramètres dont celui  concernant  l’avis des militants qui font la force d’un parti et qui ne sont pas forcément  d’accord avec ces choix. La concentration du pouvoir décisionnel aux mains de monsieur Chebbi et de sa garde rapprochée a fini par exaspérer, non seulement les militants, mais aussi certains élus. Ceci est d’autant plus vrai que l’effet  fédérateur,  qui a  naguère  forgé l’image du parti, n’a de cesse de se liquéfier. En effet, le parti perd en crédibilité à mesure que  cette  progression  inexorable, vers un futur qui se dessine en dehors du sillon de la révolution et de ses principes fondamentaux, se fait  sentir.

Pour faire simple, le PDP aurait bien pu s’appeler  le Parti Démocratique Populaire. Ainsi il serait en phase avec son temps et avec le moment dans un pays où le mérite revient au peuple et non aux élites. « Progressiste » aura fait son temps. Ce n’est plus la peine de rester prisonnier d’un « dogme » devenu religion pour certains. Ce glissement sémantique est nécessité par le besoin de virer cap dans le bon sens. Celui du vent de la révolution et, surtout, pour ne plus nager à contre courant. Ce sera toujours le PDP d’apparence. On n’aura  pas à toucher à la « phonétique »  pour ne pas désorienter la base électorale en cas de changement d’appellation.  En même temps  on aura opéré un bouleversement « dialectique » qui servira de point de départ pour toute action future à condition, bien évidement, d’être dans le bon sens.

Il est regrettable de voir le brillant passé militant de monsieur Chebbi terni par un comportement oscillant entre le dictatorial et une sorte de déni du présent érigé en spécialité maison. En s’obstinant à donner une image sombre du présent, mais aussi en s’affichant avec les barons du Rcd , monsieur Chebbi a certainement raté une belle occasion de conduire la révolution , qui rappelons le à commencé le 14 janvier. Il est même à se demander si, consciemment ou inconsciemment, il n’est pas entrain de conduire la contre-révolution en prenant, à chaque fois que possible, la défense du système qui a servi le dictateur, jusqu’au bout. C’est comme si  les maux de la Tunisie reposaient, uniquement, sur   le dictateur et sa famille. Le reste (les médias, l’administration, les ministres, les hommes d’affaires etc.) : tout le monde est beau, tout le monde est gentil.

Le   bureau dirigeant du PDP est, plus que jamais, invité à éclaircir sa position vis-à-vis  de la révolution et de ses revendications réformatrices. Cela induit, à contrario, qu’il est possible de faire le tri parmi ce qui existait déjà, mais sans perdre de vue le peuple qui a fait la révolution. Or jusqu’à preuve du contraire, le PDP apparaît au jour d’aujourd’hui comme une  force d’opposition, non pas au gouvernement, mais aux principes mêmes pour lesquels le peuple s’est soulevés. Cela étant,  la récente vague de démissions nous conforte dans l’idée que quelque chose ne tournait pas rond au sein de ce parti. Le fait que ces conflits internes remontent en surface avec autant de véhémence montre que le doute suscité par le comportement du bureau dirigeant était à sa place. Une multitude de possibilités qui convergent toutes vers l’idée que, l’ancien régime qui n’a jamais disparu  et qui cherche par tous les moyens de garder ses privilèges, a trouvé en  monsieur Chebbi un très bon défenseur et une belle façade.

            C’est ainsi qu’on pense avoir résolu l’énigme  de celui qui a été pressenti pour conduire la révolution, mais que l’on retrouve, désormais, en première ligne de la contre-révolution. Le destin controversé de celui qui a combattu un régime pour lui tendre une bouée de sauvetage, une fois à terre. La divergence d’ordre idéologique  avec Ennahdha n’explique pas tout ce revirement. Mais, le calcul, si calcul il y’ a, a été fait en fonction du chemin qui a été jugé le plus court pour l’accession au pouvoir.