Comme je l’ai noté dans la première partie, Eveil et Résistance, deux sujets ont dominé pour un certain temps l’espace virtuel de l’opposition tunisienne. L’un comme l’autre ont fait coulé beaucoup d’encre. Le premier, celui du négationnisme, qu’on va traiter dans cette deuxième partie de l’article, a divisé les tenants en deux groupes.

Comme je l’ai noté dans la première partie, Eveil et Résistance, deux sujets ont dominé pour un certain temps l’espace virtuel de l’opposition tunisienne. L’un comme l’autre ont fait coulé beaucoup d’encre. Le premier, celui du négationnisme, qu’on va traiter dans cette deuxième partie de l’article, a divisé les tenants en deux groupes. Pour ne pas emprunter les mêmes moyens j’éviterai de qualifier le premier camp de Toscanistes et leurs adversaires de Sfaristes comme l’ont fait, maladroitement, Ivan et Angélica lorsqu’ils ont écrit : « Le propre de ces rouges-bruns en général et sfaristes en particulier (…) » (1) Mourad et Angélica reproche à Derbali et « ceux qui raisonnent hélas comme lui » de construire un monde qui tourne par blocs « si possible opposés » alors que c’est bien eux qui ont crée des blocs en sortant de leur imagination le bloc des sfaristes. J’éviterai aussi d’accuser en bloc Réveil Tunisien, car le travail génial de tout le groupe ne peut en aucun cas être mis en cause sur la base de certains agissements de quelques uns.

Je veux avant de commencer ce sujet reprendre trois questions, parmi tant d’autres, posées par Dominique Eddé et Danièle Sallenave : « [1] Pourquoi les crimes du passé sont-ils plus à la mode que les crimes du présent ? [2] A-t-on allumé une seule bougie pour le demi-million d’enfants morts en Irak ? [3] Pourquoi la vie d’un Palestinien ou d’un Pakistanais vaut-elle moins cher que la vie d’un Israélien, d’un Américain ou d’un Français ? » (2) J’y ajouterai deux autres questions qui me paraissent nécessaires : qu’est-ce qui est plus négationniste celui qui réduit les drames du passé ou celui qui ne parle même pas des drames du présent ? Y-a-t-il une quelconque classification des tragédies et massacres qui soit basée sur une classification des races humaines ? Je laisse à Noam Chomsky le soin de répondre à ces deux dernières questions : « Les atrocités que l’on [Occidentaux] commet ailleurs « n’existent pas », et ça peut durer des siècles. Regardez les États-Unis : pourquoi sommes-nous ici ? Je suis ici assis en face de vous parce que des fanatiques fondamentalistes religieux ont débarqué d’Angleterre et commencé à décimer une population autochtone avant d’être joints par beaucoup d’autres – qui ont achevé l’extermination. Des millions de victimes – ce n’était pas rien ! Les gens savaient ce qu’ils faisaient à l’époque. Aucun doute là-dessus. Il y a quelques centaines d’années que c’est arrivé et ça ne fait toujours pas partie de notre conscience. » (3) Ou plus explicite encore : « Si l’on fait des décomptes des crimes, la liste est monstrueuse, mais nous ne comptons que ceux de l’ennemi tout en les déplorant douloureusement. Quant aux nôtres, même s’ils sont parfois bien pires, ils n’entrent pas dans notre champ visuel. Ils ne sont pas étudiés. Personne n’y pense ; personne n’en parle ; on ne nous permet pas d’y penser. Si nous acceptons cet état de chose, c’est que nous le voulons bien. » (4)

Il est inutile de dire qu’on ne peut critiquer Israël, le sionisme ou le soutien occidental à Israël sans avoir peur d’être accuser d’antisémitisme. On ne dira pas combien de penseurs, d’intellectuels, d’écrivains, de politiciens et autres ont subi les attaques, ont été déférés devant les tribunaux, ont été calomniés à cause de leur critique à l’égard d’Israël. Ce dernier, à cause de sa judaïté, est le seul pays au monde qui soit protégé par une censure, une autocensure et des lobbies installés à travers plusieurs pays du monde qui sont prêts à intervenir à n’importe quel moment pour instrumentaliser l’antisémitisme et les drames des juifs durant la seconde guerre occidentale contre leurs adversaires ou simplement contre les critiqueurs de la politique israélienne. Les exemples sont innombrables. Je me limite de nommer certains très signifiants. Parlant des territoires occupés, l’écrivain Sud Africain Breyten Breytenbach, dans sa « Lettre ouverte au général Sharon », publiée par le journal Le Monde, avait avoué, après avoir reconnu la difficulté de la critique d’Israël vu l’accusation de l’antisémitisme, « qui clôt définitivement toute discussion », et après avoir considéré l’embarras de la comparaison entre l’apartheid et la politique israélienne vis-à-vis des Palestiniens, il a franchement étalé cette peur qui le terrorise en tant qu’intellectuel : « oui, j’ai peur de dire qu’on peut raisonnablement (…) décrire [les territoires] comme des bantoustans – car ils rappellent trop souvent les ghettos et les camps de la misère qu’on a connus en Afrique du Sud. » (5) Pourquoi éprouver de la peur lorsqu’il s’agit de critiquer Israël ? On croit connaître la réponse ! Mais de l’autre côté, pourquoi quand l‘ambassadeur de la France en Israël, Stéphan Hessel, avait osé comparer la bataille, celle de 48, des pères d’Israël contre les Arabes avec la bataille des Français contre l’occupation nazie, aucune voix ne s’est faite entendre pour dénoncer de tels propos outrageux qui mettaient les Palestiniens, défenseurs de leur terre occupée, dans la position des nazis occupants (6) ? Pourquoi n’avait-il pas senti aucune peur en prononçant ses propos ? On croit aussi connaître la réponse. Lorsque Rachid Mimouni, dans l’une de ses conférences publiques à l’Université de Genève avait dit qu’ « une femme pour un islamiste est comme un juif pour un nazi »(7) personne n’a élevé la voix pour dénoncer ces comparaisons insultantes car, dans cette guerre totale contre les islamistes, de tels propos sont politiquement rentables ! Pourtant, lorsque Sfar compare le drame palestinien avec celui des victimes du nazisme, c’est la fin du monde. Ou plutôt, en ce qui nous concerne ici, c’est une annonce de la fin de l’avenir politique de Sfar que certains ont cru avoir la légitimité et la capacité de réaliser. Ils se trompent et de combat et d’arme.

Malgré cela, à l’instar de Leïla Shahid qui qualifiait les attaques contres les synagogues et autres lieux juifs comme « un crime contre les Palestiniens », je pense que le négationnisme ou le révisionnisme qui tente par ce procédé de trouver une légitimation à la lutte contre Israël est une négation de la lutte du peuple palestinien. Car, Israël, ses pratiques, sa politique, son arsenal et tout ce qu’elle a fait depuis sa création jusqu’à aujourd’hui est de fond en comble illégitime. On n’a pas besoin de chercher ailleurs, en Europe de la deuxième guerre, pour trouver des arguments contre Israël surtout lorsque ces arguments sont considérés, en cette même Europe, comme immoraux. On ne va pas entrer dans un débat que je considère comme extraterritorial, qui ne concerne pas la raison arabe et musulmane et ne doit pas être instrumentalisé pour discréditer nos militants. Ni le négationnisme, ni l’ anti-négationnisme ne peuvent être débattus de la même manière qu’ils le sont en Occident. Ceux qui se sont lancés dans un tel débat, ont oublié que nous sommes des arabo-musulmans. Parfois il faut le rappeler, même si certains ici et là se serrent les dents à l’écoute du qualificatif musulman ou arabe. Oui, personnellement je me définis comme étant musulman et cet Islam me prohibe de haïr les juifs même si, malheureusement, et je le reconnais, un certain enseignement classique, collé abusivement à l’Islam, continue d’alimenter la haine des juifs. La crise palestinienne et l’alignement des USA sur la politique israélienne ne font que raviver cette animosité en lui conférant un fort sentiment religieux. Ce sentiment est, et il faut aussi l’avouer, alimenté par un arsenal de textes, coraniques et autres, fustigeant le Juif. Cela est, selon les valeurs de la modernité, du pur racisme qu’il faut combattre de l’intérieur par une contextualisation de certains textes équivoques. Sans une contextualisation de ces textes qui sont le produit de certains événements très spécifiques de l’histoire musulmane on restera toujours prisonnier du passé sans parvenir un jour à affronter le présent avec sa logique. C’est au principe de l’amour et du respect de la dignité humaine qu’il faut ramener le discours islamique et/ou islamiste, là où l’enseignement du prophète a démontré la profondeur humanitaire de l’Islam.

Lorsque le prophète s’est levé un jour au passage d’une procession funèbre et qu’on lui avait informé que c’était la dépouille d’un juif, n’avait-il pas répondu : « Ne s’agit-il pas d’une âme humaine ? » Dans son Jardin de la rose mystique (Gulchân-i-Râz), le poète mystique iranien Shabistari n’avait-il pas joliment formulé que « Si ’Moi’ et ’Toi’ n’existaient pas / Que signifie alors la mosquée et la synagogue/ Et que signifie le temple du feu ! » ? Mohammed Iqbal n’avait-il pas dit dans Les Secrets du Soi (Asrâr Khudî ) que « Le croyant et l’incroyant sont les fils de Dieu ? Qu’est ce que l’humanité ? Le respect de l’homme ? » Ibn Arabi dans son Interprète des désirs (Torjoumân al-achwâq) avait pour sa part quitté la logique de l’appartenance en embrassant toutes les possibilités de l’existence : « Mon cœur est capable de toutes les formes. C’est une pâture pour les gazelles, un couvent pour les moines chrétiens, un temple pour les idoles, la Kaaba du pèlerin, les Tables de la Loi mosaïque et le livre du Coran. » Traitant le sujet de la Vérité Divine, l’émir Abdel Kader, ce fameux combattant algérien qu’on ne connaît de lui que son intransigeance dans sa lutte contre la colonisation française, dans son magnifique livre mystique Le livres des haltes (Kitâb al-mawâqif), avait exprimé la même idée que celle d’Ibn Arabi, quoi que de façon moins poétique mais non moins profonde : « Si tu penses qu’Il est ce que croient les diverses communautés – musulmans, chrétiens, juifs, mazdéens, polythéistes et autres -, Il est cela et Il est autre que cela ! et si tu penses et crois ce que professent les connaisseurs par excellence- prophètes, saints et anges-, Il est cela ! Il est autre que cela ! (…) Dès lors l’erreur n’existe pas en ce monde, si ce n’est de manière relative. Il y a donc en fait unanimité des religions quant à l’objet de l’adoration (…) Et nous, musulmans, ainsi qu’Il [Dieu] nous l’a prescrit, sommes soumis au Dieu universel et croyons en Lui. » (8)

En ce qui nous concerne en Tunisie, et pour ranimer le caractère de tolérance qui heureusement nous distingue, je lance encore une fois le même appel que j’ai formulé sur TUNeZINE pour la construction d’une forte amitié judéo-musulmane, entre citoyens tunisiens. Chaque musulman porte en lui une ration judéo-chrétrienne, c’est la conscience vécue et raisonnée de tout musulman portant le valeureux legs abrahimique. Oui pour la construction d’une telle amitié, mais cela ne devra pas être centré sur les effets de la II guerre occidentale, car notre histoire, notre passé commun avec les juifs, que ce soit en Andalousie, en Tunisie, au Maroc et ailleurs diffèrent de ce qu’a connu l’Europe. Notre logique est autre, la tension qui existe entre nous est de toute autre nature ; cela incombe que la (re)construction de cette amitié devrait prendre en compte les spécificités culturelles des deux groupes en respectant les douleurs historiques et/ou actuelles de l’un comme de l’autre et en donnant de l’importance aux préoccupations propres à chacun des deux.

Revenons maintenant au débat sur le négationnisme. Je ne veux, et, je ne vais pas m’attarder sur le sujet-même du débat. Je profite avant tout de cette occasion pour dénoncer les accusations gratuites lancées de part et d’autres à l’encontre de Luiza Toscane ainsi que les procès d’opinion intentés contre Mondher Sfar, Ahmad Manai, et Taoufik Mathlouthi. Il était souvent commode d’opter pour l’une ou l’autre partie. Etant donné que je respecte les deux parties pour leurs parcours de militants et de défenseurs de la cause tunisienne et/ou arabe en général, je me réserve le droit de ne pas entrer dans ce débat qui n’a fait que diviser d’avantage une opposition déjà désunie. Si Luiza Toscane a fait son travail dans un souci d’objectivité selon ses principes et ses valeurs -découlant de sa culture européenne profondément influencée par les séquelles de la deuxième guerre occidentale- qui ont dicté sa position -qui est en son honneur-, d’autres se sont malheureusement jetés sur cette opportunité pour diriger leur haine rancunière à l’encontre des personnes citées dans l’article de Luiza et surtout à l’encontre de Mondher Sfar. Après que Ivan ( Mourad) en son nom, mais surtout au nom de Réveil Tunisien, a défini la mission de ce site, entre autres, dans ces termes : « je tiens à dire que RT [Réveil Tunisien] et moi-même nous mènerons un combat, sans aucune concession, contre les idées véhiculées par les adeptes du négationnisme et leur alliés de l’extrême droite et de l’ultra gauche européenne. » (9), j’ai décidé de ne plus écrire sur ce site et j’ai fait savoir de la manière la plus directe et la plus franche mon désaccord avec les deux volets de ce combat qui, à mes yeux ne concernent en rien la cause de la Tunisie et les causes arabo-musulmanes, qui ne sont pour la majorité des Tunisiens, heureusement, que des causes nationales, comme celle de la Palestine ou de l’Irak. Bien que je sache, et comme on l’a remarqué sur le forum de TUNeZINE, pour certains dont la lignée idéologique est en train de se dévoiler jour après jour, ces causes sont totalement étrangères à la Tunisie. Une raison de plus pour se démarquer, en la dénonçant, de cette lignée qui risque de « noyauter » la dénommée troisième opposition au vu de la détacher, lentement, de son terreau arabo-musulman.

Comme je venais de dire je ne vais pas entrer dans le cœur du débat ; toutefois je vais me contenter de présenter certaines remarques sur le discours de ceux qui ont voulu faire du négationnisme une affaire centrale pour l’avenir de l’opposition tunisienne. Ainsi, je me permets de citer quelques passages qui en disent trop sur l’air arrogant et hautain de Ivan (Mourad) – que je considère comme étant mon ami-, Angélica et Hasni. Ce dernier, concernant le débat autour du négationnisme, nous informe que « Pour le moment, je n’ai vu aucune critique fondée, juste des déblatérassions habituelles, menaces et autres du même genre. Tout cela n’impressionne absolument pas. » (10) Quant à Ivan et Angélica, ils disent avec la même autosatisfaction orgueilleuse : « A la lecture des réactions de Moncef Marzouki, de Lahmed Beji, de Mondher Sfar, de Derbali, etc. au texte de Luiza Toscane, « Aspects actuels du négationnisme en Tunisie », un constat s’impose : tous ont adopté la posture de l’autruche par une suite de clichés collés les uns aux autres, dans le seul but de jeter le discrédit sur la personne de Luiza Toscane (…)Toutefois, les réactions à l’article de Luiza Toscane se sont toutes réduites à des anathèmes bouffons et cocasses, à l’exception de celle de Moncef Marzouki qui qualifie néanmoins le texte de Luiza Toscane, en oscillant selon les circonstances, de maladroit ou pervers. » (11) Ainsi, ce brillant trio nous révèle, enfin, une réalité qui a échappé à tout le monde : ou bien on est d’accord avec eux ou bien on est incapable de formuler pas même une simple et primaire critique acceptable aux yeux de Leurs Majestés, tenants de La Vérité Suprême !

Dénonçant l’instrumentalisation que les « milieux de la nébuleuse négationniste » font des thèmes comme le sionisme, Israël, la cause palestinienne, nos amis oublient que c’est bien Hasni qui a instrumentalisé le premier le thème du négationnisme pour discréditer une partie de l’opposition tunisienne, en l’occurrence M.Sfar. On a le droit de se demander pourquoi vouloir disqualifier ce dernier, et ceux que le texte de Luiza Toscane a cité, de l’avenir de l’opposition tunisienne sur la base de leur appartenance à « une nébuleuse négationniste » ( je mets cette formule entre guillemets parce que je n’ai pas vu jusqu’à aujourd’hui aucune preuve sur l’existence d’une telle nébuleuse tunisienne, ce que Luiza a fait était, à mes yeux du recoupement au vu d’argumenter sur un fait jugé d’avance existant, alors qu’il ne l’est pas ) ? Ne s’agit-il pas là d’une instrumentalisation ? Allons ! Le négationnisme n’est-il pas devenu une épée de Damoclès qui risque de tomber sur les têtes de certains au vu de les « tuer politiquement », ou selon le joli terme de Ivan sur TUNeZINe, de leur promettre un terrible « bye bye à la politique » ? Pourquoi le parcours militant de Sfar ou des autres personnes concernées est-il devenu si insignifiant par rapport au seul fait du négationnisme au point que certains veulent déclarer sa mort politique ? Je ne défends pas la pensée de Sfar. Je suis même de l’autre côté idéologique que lui. Car, je me considère comme appartenant à la très large et très variée idéologie islamiste. Chose que je ne regrette pas et dont je profite de cette occasion pour appeler les islamistes à quitter ce profil-bas dans lequel ils se sont emprisonnés et ne pas faire des apologies et des excuses à cause de leur appartenance à cette idéologie. Idéologie qui tire ses raisons d’être, ses racines, ses objectifs de son terreau naturel qu’est la civilisation arabo-musulamne. Il faut assumer ce choix tout en réformant l’esprit de cette école de pensée en s’ouvrant sur tout le savoir contemporain.

Revenons à l’instrumentalisation. Que disent Ivan et Angelica. Ils nous informent de ceci. Parlant de la réaction de Derbali. « Il réagit donc, comme d’autres l’ont fait sur le forum TUNeZINE, à un texte parlant du négationnisme dans les milieux de la résistance tunisienne, en parlant de sionisme, d’Etat d’Israël, de “marché” de la Shoah instrumentalisé par le sionisme pour justifier le massacre des Palestiniens : nous avons de la peine à trouver le lien de causalité entre un sujet et l’autre, sans penser à une instrumentalisation à l’envers. »(12)Quant à Hasni, le spécialiste du sujet sur l’instrumentalisation, puisqu’il a écrit sur ce sujet nombre de fois, il nous informe, encore que l’« instrumentalisant la cause des uns ou des autres, les Palestiniens pour ne pas les nommer, servent également à répandre ce venin haineux et criminel. » Moi-même, personnellement, je n’ai pas échappé aux foudres accusatrices et hautaines de ce Hasni. « Mais arrête de te la jouer, fervent défenseur des causes arabes face à l’oppression des sionistes impérialisés au coca car si c’est tout ce que tu as trouvé en pensant que cela allait impressionner , c’est mince et surtout c’est déjà vu. » (13) Ou encore concernant d’autres forumiers qui ont critiqué sa manière de réagir aux photos postés par Nationalite Arabe, Hasni martelait la même formule : « Maintenant que certains sautent sur l’occase d’une critique sur la forme pour s’ériger en défenseur des hautes causes arabes est d’une banalité affligeante. » (14) Pour Hasni comme pour Ivan et Angelica tout tourne autour de l’intrumentalisation de la cause, palestinienne ou irakienne. Ils ne sont pas arrivés à accepter le fait que la cause palestinienne est centrale dans l’inconscient tunisien et arabe en général. Et que le fait de la mentionner ne veut pas dire instrumentalisation. Peut-être que Hasni ne le savait pas à cause, selon certains formiers, qu’il est né et a grandi en France. Peut-être qu’il n’a pas eu l’opportunité de suivre l’acheminement de la pensée politique arabe ! On lui rappelle deux remarques indispensables.

L’une est que les idéologies des partis politiques du monde arabe se sont scindées, concernant la cause centrale de la Palestine, et ce depuis la Nakba, en deux parties. Le premier groupe voit que la libération de la Palestine est la condition sine quoi non de la libération du reste du monde arabe. Le second groupe voit le contraire. Chose qui en dit trop sur la place centrale de la cause palestinienne. Si Hasni voit en tout cela une intsrumentalisation on lui conseille de réviser sa culture politique relative au monde arabe car, franchement, il est à côté de la plaque. Cela ne veut point dire qu’il doit adopter les mêmes points de vue que ceux du reste des partis arabes, mais seulement de prendre en compte l’historique idéologique et le poids central de la cause palestinienne dans la formation de la littérature politique arabe pour ne pas balancer des propos qui ne discréditent que son approche de la réalité arabo-musulmane qu’il méconnaît en grande partie. S’il a fait du négationnisme un critère de réussite ou d’échec de la carrière politique pour l’opposition tunisienne et s’il lutte sur TUNeZINE, avec d’autres contre les postes solidaires avec la cause palestinienne et irakienne les considérant comme étrangères à la cause tunisienne, c’est que sa culture politique est en décalage par rapport au reste des tunisiens qui hissent ces deux causes au même niveau des causes nationales. Pour mesurer le niveau de l’emprise de la culture de sa mère-patrie la France, il faut voir comment il a osé utilisé, sans peser ses mots, des propos insultants à l’égard de la culture arabo-musulmane : n’avait-il pas dit « Il est temps d’arrêter les salamalecs et les courbettes. » (15) Voilà que le salut des musulmans Salam ‘alaykom, qui est selon la foi islamique porteur d’Un nom Divin et salut du paradis « tahiyyatohom fîha Salâma », est devenu une de ces moqueries sur les lèvres de ceux qui répètent comme des perroquets ce que se dit chez-eux, là-bas, sans imaginer à un instant que de tels propos peuvent blesser les Tunisiens attachés à leur culture. C’est ce genre de culture que nous promet une partie de cette jeunesse produit à la chaîne par les hauts lieux de l’acculturation. Acculturation, oui ! Car si ce salamalec, mot d’origine arabe, désigne en français les salutations exagérées et répétées, il ne faut pas le reprendre pour l’adopter chez-nous en humiliant la valeur de notre salut plein de paix et d’amour de l’autre. C’est par ces petits menus détails inaperçus que commence l’aliénation de ce corps qui se veut pensant et réveillé puis du peuple tout entier. Alors de grâce, remâcher SVP vos mots avant de les balancer à tort et à travers et n’oubliez pas que votre discours vise un lecteur majoritairement arabe et musulman qui est fier de l’être. Jamais on n’évolue en insultant la culture et les symboles culturels de son propre peuple. La salutation en est une des plus importants symboles surtout lorsqu’elle est imprégnée d’une touche sacrée. Questionnez l’histoire de l’humanité ! Elle vous informera que le symbolique n’est pas insignifiant. Au contraire. Alors Réveillez-vous !

Hasni qui dans un autre texte (16) avait qualifié les attentats contre les occupants israéliens de « lâches » fera bien de recycler sa vision de la réalité palestinienne et régler les pendules de son réveil sur l’heure locale avant d’entrer dans ce bazar. Il faut lire ses quelques textes et autres interventions concernant ce sujet précis pour comprendre où il veut en venir : discréditer et rendre caduc toute manifestation de sympathie avec le peuple palestinien. Il suffit de fouiller ses écrits pour s’ apercevoir qu’il y a quelque part une utilisation systématique et répétée d’un subterfuge. En insinuant que toute sympathie avec la cause palestinienne porte en elle une graine d’instrumentalisation de celle-ci au vu de véhiculer un message de haine contre les juifs et l’humanité toute entière, il vise à faire taire toute expression de solidarité avec le peuple palestinien, et actuellement irakien. C’est son droit de penser ce qu’il veut. C’est notre droit aussi d’exercer le nôtre en dénonçant cette vision laborantine du néocolonialisme et de l’abondant de la résistance contre ce spectre. Ce que je note ici n’est pas un fait divers, mais il s’agit là d’une constante dans la pensée de Hasni – et d’autres d’ailleurs. J’étais moi-même soumis, de sa part, à cet exercice qu’il maîtrise si bien. Il m’a aussi accusé d’instrumentaliser la cause arabe pour « impressionner » lança-t-il ! Impressionner ? Instrumentaliser ? Si tout tourne autour de ces deux termes qu’il utilise pour noircir ceux quoi vivent, émotionnellement, la cause arabe, pourquoi ne pas accuser de même tous ceux, comme lui, qui veulent assécher le capital de soutien à la cause palestinienne ? A Hasni et ceux qui usent de ce subterfuge pour discréditer le discours de ceux qui rappellent le drame d’un peuple quotidiennement persécuté, humilié et menacé sur sa propre terre, on leur signale qu’on va profiter de chaque occasion pour rappeler au monde, celui-là même qui tolère l’injustice israélienne, partout et comme bon cela nous semble le drame de nos frères palestiniens. Et que même s’ils nous accusent, comme ils sont entrain de le faire, de vouloir instrumentaliser cela pour semer la haine, ou pour impressionner, on n’avalera pas cette pilule, en contraire, on la fera retourner dans leurs gorges. On leur fera savoir qu’on n’est pas dupes et qu’heureusement on a appris, dans l’école de la littérature arabe, à décoder le discours, et à le soumettre à une longue et minutieuse opération chirurgicale pour saisir les structures compactes et stratifiées qui le composent et dissimulent ses furtives intentions. On n’est pas Arabe pour rien ! Renseignez-vous, ô Hasni & Co, sur l’intérêt que suscite l’œuvre de Ferdinand De Saussure chez les intellectuels arabes. Vous en apprendrez de ces nouvelles qui vous aideront à mieux ordonner les structures de votre discours et peut-être à mieux disséminer vos visées, si elles existent. En tout cas je ne soupçonne pas votre bonne foi. Croyez-moi, je suis laïc à la française dans mon analyse de vos textes. Et votre foi, quelle soit bonne ou mauvaise, cela ne concernera que vous. Moi, j’appartiens à l’école mohamedienne disant que « Nous sommes des gens qui basent leur jugement sur les apparences. Et qui laissent à Dieu le soin de s’occuper des substances (des secrets intimes). » ( Nahnou qawmon nahkomo bi-thahiri. Wallaho yatawalla assara-iro). Par conséquent, j’évite de me prononcer sur l’intention réelle de Hasni et ces pairs. Je mets seulement les faits entre les mains du lecteur en faisant confiance à son discernement et en espérant que ce savoir débouchera sur une conclusion, qui, à mes humbles yeux, s’impose.

L’autre remarque dont nos amis peinent à comprendre l’importance, ce qui fait qu’ils ne voient partout que de l’ instrumentalisation, est l’étroite corrélation entre les conséquences de la deuxième guerre occidentale et la création de l’entité sioniste. Corrélation tellement évidente qu’elle ne vaut pas la peine d’être clarifiée. Il est donc normal et tout à fait attendu que les intervenants sur le problème de la seconde guerre occidentale et le drame juif, que nous déplorons, finiront par aborder le problème palestinien puisque ce dernier est une conséquence du premier. Le drame palestinien a été entretenu par la volonté occidentale de dédommager le drame qu’ils ont causé aux juifs, puis maintenu par la volonté américaine de dominer le Machrek par le biais d’Israël, cette base militaire Offshore selon la définition que lui donne Noam chomsky. (17) Citer cela et faire un parallèle entre cela et le drame palestinien n’est pas l’instrumentaliser mais, rappeler que l’histoire n’est pas plate et que ce qui se passe ici a des répercussions ailleurs. Parler d’instrumentalisation pour réfuter les arguments ou les contre-argumentsdesautres est une façon très simpliste de camoufler la réalité de la corrélation quiexiste entre deux drames, l’un, juif, vieux d’un demi-siècle mais, qui continue néanmoins de peiner les rescapés et les proches des victimes et l’autre, palestinien (donc libanais, jordanien, syrien etc., vu les conséquences de l’exode forcé des Palestiniens) qui est plus qu’actuel puisqu’il produit quotidiennement des malheurs humains.

Je veux, si vous me permettez, répondre à une question que m’avait posée Ivan. Lorsque j’ai dit, sur le forum de TUNeZINE « qu’on a aimé Roger Garaudy avant la parution de ses « mythes fondateurs de la politiques israélienne » et que l’engouement pour ses écrits remontait au temps de son « Appel aux vivants », « Promesse de l’islam » , « Dialogues des civilisations », etc, Ivan, mon ami, m’a posé une question classique du forum : qui est ce on ? Je n’ai pas voulu répondre à sa question et je profite de l’occasion pour lui éclaircir un peu la situation. Par une anecdote. A quelques mètres de ma maison se trouvait un « Club des Ingénieurs », juste à l’entrée du vieux port de Bizerte. Roger Garaudy y avait donné un jour l’une de ses conférences, suivie, comme le veut la tradition, d’une séance questions-réponses. Comme je n’étais pas au courant de l’événement, c’était le tollé des présents, leurs applaudissements et le mouvement anormal tout autour de ma maison qui m’ont intrigué et conduit au milieu d’une foule constituée de jeune filles et garçons ; jeunes et moins jeunes. J’ai su, de la manière qu’on lui posait des questions dans lesquelles on récitait des longs paragraphes de son œuvre que je n’étais pas le seul à aimer le travail intellectuel de ce penseur. Et je ne crains personne pour réaffirmer mon adoration pour Garaudy.

Quelques années plus tard, en Syrie, c’était autour du livre du penseur libanais Ali Harb, dans lequel il s’est donné à l’une des plus violente, mais, constructive, critique de R. Garaudy et de l’engouement des Arabes pour son œuvre, que j’ai assisté à l’un des plus farouche débat. Tout ces gens sont-ils bêtes à ce point ? qui suis-je pour me prononcer sur un tel sujet. Ce que je sais c’est que ce on est général à la jeunesse arabe qui a rencontré un jour la pensée de Garaudy et il suffit à Ivan d’écrire, en arabe, le nom de Roger Garaudy sur n’importe quel moteur de recherche pour vérifier que ce on est plus étendu qu’il ne le pense.

On peut justement se poser la question sur le rapport de la présente partie de l’article avec le titre indépendance et liberté et surtout avec la première partie de l’article. Ma réponse à cette question est que je considère le fait d’imposer des thèmes occidentaux à la raison arabo-musulmane – car il s’agit bien d’imposer – est une atteinte à notre spécificité, condition de toute indépendance culturelle. Lorsqu’on instrumentalise ce thème comme une menace pour disqualifier l’avenir de certains militants tunisiens ou pour noircir le parcours d’autres on ne fait qu’alourdir le poids de cette acculturation, arme de toute dépendance à l’étranger. Lorsqu’une transmutation culturelle tend à remplacer nos valeurs découlant de notre culture et histoire par d’autres appartenant à un air culturel différent, cela concerne directement la survie de notre spécificité et menace de rendre les valeurs étrangères supérieures aux nôtres. Sinon qu’est-ce que cela veut dire d’annoncer caduc un long parcours de militant comme celui de Sfar ou autres parce qu’ils ont exercé leur droit de penser autrement ? Dans le passé, l’astuce de la supposée supériorité et primauté des valeurs du colonisateur « civilisé » sur les valeurs autochtones était l’arme d’une élite harki qui en vendant cela légitimait aux yeux de l’indigénat toutes les atrocités de la colonisation. Imaginons quelle serait la réaction des Israéliens ou des Américains si on menaçait l’avenir politique de leurs politiciens pour le simple fait qu’ils ont nié la réalité de la colonisation des terres palestiniennes ! Bien que cet exemple ne tienne pas, il en dit trop sur le cynisme et l’absurdité de cette arme qu’on est en train d’utiliser contre les opposants tunisiens. Est-ce que le thème sur le négationnisme relatif au drame juif a une valeur universelle collectivement acceptée par l’ensemble de la communauté internationale ? – par communauté je désigne les peuples et non les gouvernements. La réponse est selon moi négative. Et je ne sais pas si en dehors du monde occidental il y a une réponse positive à cette question. Est-ce qu’il y a une clause dans le droit international prohibant cet exercice de la raison qu’est le révisionnisme ou le négationnisme ? Pourquoi les penseurs travaillant en dehors de la France ou de l’Occident ne sont-ils pas menacés par une telle mesure ? Alors pourquoi cet acharnement à vouloir transformer ce qui est propre à l’occident comme indispensable ailleurs. Si des non Tunisiens, et des Tunisiens nés ou grandis en Occidents et ayant allaité les valeurs occidentales vont nous imposer une nouvelle logique née et grandie comme eux ailleurs, cela deviendra, comme il est entrain de devenir : un jeu d’enfants !

Enfin, un constat. Hier, la Knesset israélienne avait décidé de ne plus considérer la Cisjordanie et Gaza comme des territoires occupés, mais comme une terre israélienne. Autre négationnisme ! N’est-ce pas ? Cela avait-il causé un tollé ? Evidement que non ! A part deux posts à TUNeZINE, la nouvelle est passé inaperçue. Pourquoi certain négationnisme suscite un débat et d’autres non ? Ou bien il s’agit d’une quelconque instrumentalisation du silence par les discoureurs habituels de ce sujet, ces VRP de l’amour ? Je pense que les propos de Noam Chomsky, cités en haut de la page, présentent des éléments de réponse.

Lire aussi : Indépendance et liberté I

1 (1) Le fonds du panier négationniste, par Angelica et Ivan (Mourad), mercredi 2 juillet 2003, Tunisie Réveille-toi !

2 Eddé et Danièle Sallenave, Questionnaire, Le Monde, 28 septembre 2001.

3 Pouvoir et terreur, Noam Chomsky, Le Serpent à Plumes, 2003, p.15-16

4 Noam Chomsky, op. cit. p.85.

5 Lettre ouverte au général Sharon, Breyten Breytenbach, Le Monde, 16 avril 2002.

6 Lire : Rentre en toi-même Israël, de Stéphane Hessel, paru au journal Le Monde du 10 avril 2002, où on peut lire ceci : « Tes pères [ceux d’Israël] en avaient hâté la venue en faisant usage de moyens violents, que leurs adversaires qualifiaient de terroristes et que nous comparions à nos propres actions contre l’occupation allemande. »

7 Cité in L’islamisme en face, François Burgat, La Découverte, Paris 2002, p. 210 (chapitre 11 : l’islamisme et les femmes.

8 Emir Abdel Kader, Kitâb al-mawâqif (Le livres des haltes), Écrits spirituels, Éditions du Seuil, 1982, p. 129-130. 133-134.

9 A tous les forumiers, Ivan (Mourad) Le terrible, Forum de TUNeZINE, 30 juin 2003.

10 Honnêteté, Hasni, TUNeZINE 30 juin 2003.

11 Le fonds du panier négationniste, Par Angelica et Ivan, Réveil Tunisien, mercredi 2 juillet 2003.

12 Ibid.

13 Monsieur donneur de leçons, par Hasni, forum TUNeZINE, le 17 juillet 2003.

14 Aux blaireaux qui déforment tout, par Hasni, forum TUNeZINE ,15 juillet 2003

15 La détresse des hommes politiques en Tunisie, à M. Salah Karkar, par Hasni, mercredi 16 juillet 2003, Tunisie, réveille-toi

16 Mon message aux VRP de la haine, par Hasni, Réveil Tunisien, mercredi 23 octobre 2002.

17 Lire Noam Chomsky, Pouvoir et terreur, Op. Cit.

Lire aussi : Indépendance et liberté – I –