Image Par Hassan Raza

Les crises culturelles et identitaires auxquelles on assiste depuis la révolution tunisienne ont favorisé la montée de l’extrémisme de tous genres idéologiques.

À cet effet, on a souvent avancé les facteurs économiques liés à la politique du développement, à la pauvreté frappante de certaines familles, au taux élevé du chômage chez les jeunes et à la grande densité urbaine dans certaines villes. La montée de ce courant socio-politique n’a rien d’étonnant pour les spécialistes car les normes de la vie quotidienne sont restées inspirer par l’utopisme et la métahistoire .

Or la vérité reçue en héritage doit être acquise à nouveau par chacun des héritiers en suivants des nouvelles voix qui ne signifient pas la rupture avec le patrimoine mais un dépassement par la découverte d’un soubassement commun qu’on pourrait l’appeler le rationalisme.

Cette nouvelle structure mentale qui se présente contre l’ancienne culture de l’homogénéisation (ijmâ’) exige qu’il y ait des différences à partager, à confronter, à discuter dans un climat de tolérance et de respect. Une telle vivacité intellectuelle exige une nouvelle terminologie plus adaptée à la logique du multiculturalisme.

Ainsi, la différence politique doit trouver sa place dans la sphère publique pour traduire le dynamisme constructif de la société. Néanmoins, bien que chaque groupe comporte sa part irréductible de spécificité, il reste d’utiliser un certain nombre de paramètres et de catégories fonctionnelles pour pouvoir comparer les différents projets politiques dans leurs ensembles afin de relever les régularités.

S’efforçant de procéder à un effort de réflexion (ijtihâd), les intellectuels de la nouvelles Tunisie doivent chercher à initier une nouvelle vision moderne insérant la conscience musulmane de plain-pied dans son époque actuelle pour contribuer à l’émergence d’une nouvelle société qui accepte l’autre et le différent. Dès lors, toute tentation de penser que l’autre est dans l’erreur devint déraisonnable.

Dans la plupart des philosophies, qu’elles soient d’essence spirituelle ou matérielle, l’éducation apparaît comme la pièce angulaire de la réforme sans laquelle rien de durable ne pourrait se construire. Sans une éducation qui renforce l’esprit critique, l’innovation et les libertés rien ne pouvait favoriser l’épanouissement. Faut-il renvoyer dos à dos à toutes les tentatives avortés ? Certes, mais non sans avoir analysé les causes de l’échec et surtout les dangereux glissements de sens.

Un projet de société qui veut reproduire des modèles dépassées est d’avance risqué, en fait inopérant et porteur en lui-même des conditions de son propre échec. Une société ne peut même pas se reproduire elle-même car les conditions qui lui entourent l’exercice de ses propres prérogatives sont-elles changeantes et mouvantes.

Un projet de société pour être fécond doit être novateur car c’est la créativité qui fait la différence. Or, la création dans tous les domaines est attachée à la notion de liberté et de tolérance qui sont les deux conditions déterminantes pour faire réussir l’émancipation sociale. C’est pourquoi l’État doit pouvoir garder son autonomie et sa spécificité malgré la sensibilité qu’elle peut nourrir à l’endroit du religieux.

De même, la religion doit pouvoir garder son indépendance malgré l’attachement qu’elle peut représenter à l’égard de la vie publique. La question fondamentale demeure de trouver l’équilibre approprié qui est susceptible de tenir compte de la dimension culturelle et sociologique de la pensée religieuse sans favoriser une logique de subordination, de domination, absorption ou d’asservissement.

Cette démarche appelle beaucoup de sagesse et de tolérance. Elle concourt à la réalisation tant de la liberté socio-politique que de la liberté religieuse.

Dans ce cas, la paix sociale est nécessaire pour faire naître des nouvelles normes qui renvoient aux valeurs universelles où les droits de l’homme occupent une place primordiale. La rénovation structurelle de la société tunisienne doit s’inspiré de notre langue tradition réformatrice accompagnéed’une importante activité intellectuelle pour déterminer les véritables causes de notre retard.

Le rapport entre révolution et modernité devint ainsi l’un des principaux sujets de notre réflexion et l’une des préoccupations majeures de l’État postrévolutionnaire pour faire hâter la prise d’une nouvelle conscience et d’une nouvelle volonté pour pouvoir sortir de la stagnation vers des horizons plus ouverts.

Mohamed Arbi Nsiri