rapport-amnesty

Si le rapport 2013 d’Amnesty international sur la situation des droits de l’Homme dans le monde note certaines avancées de la Tunisie depuis la révolution en matière de Justice et de droits de l’Homme, il pointe cependant du doigt de nombreuses régressions et points alarmants.

Les progrès de la révolution remis en cause

« Malgré quelques progrès, les efforts en faveur d’une justice de transition et de la garantie de l’indépendance du pouvoir judiciaire n’ont pas encore porté leurs fruits et les mesures […] relatives aux droits humains sont insuffisantes. »

Il est intéressant de noter qu’Amnesty International souligne dans son rapport complet sur la Tunisie que certaines avancées, acquises lors de la prise de fonction du gouvernement provisoire en 2011, sont en passe d’être remise en cause par le gouvernement actuel.

De nouvelles lois ont été introduites, d’anciens textes législatifs ont été amendés et plusieurs traités internationaux importants relatifs aux droits humains ont ainsi été ratifiés au lendemain de la révolution ; Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), la Convention contre la Torture, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes ou encore la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

Un revirement semble pourtant s’être fait ressentir par la suite, notamment lors de la 13e session de l’Examen périodique universel des Nations Unies en mai 2012.

Ainsi, bien que le gouvernement tunisien actuel ait approuvé plusieurs propositions du Conseil, il est resté catégoriquement hermétique aux importantes recommandations appelant à « dépénaliser la diffamation et les relations sexuelles entre personnes de même sexe, à abroger les dispositions du droit tunisien discriminatoires à l’égard des femmes et à abolir la peine de mort. »

Les experts de l’ONG vont ainsi jusqu’à révéler que « Les déclarations de certains responsables gouvernementaux font douter de la sincérité de l’engagement des autorités en faveur des droits humains ».

Justice transitionnelle

« Les procédures par lesquelles les anciens représentants de l’État ont été traduits en justice pour les crimes commis au cours du soulèvement étaient contestables à divers égards »

Amnesty international n’hésite pas à souligner l’irrégularité de ces procès, tenus devant des tribunaux militaires plutôt que des juridictions civiles, et ayant souffert de « l’absence d’enquêtes rigoureuses du Parquet ». Certaines victimes se seraient plaintes d’être l’objet d’intimidation de la part des inculpés dont certains jouissaient encore de responsabilités dans l’administration tunisienne.

Les progrès concernant l’élaboration d’un projet de loi préconisant la création d’une instance de la vérité et de la dignité, organe indépendant chargé de superviser le processus de justice transitionnelle, ont également été suivi avec attention. Lors de sa visite en Tunisie, en novembre 2012, le Rapporteur spécial des Nations Unies a néanmoins déploré « l’absence d’une approche globale appliquant de manière simultanée les quatre dimensions de la justice transitionnelle. »

La Commission nationale Bouderbala sur les dépassements commis lors de la révolution a également été épinglée pour, notamment, ne pas avoir donné de manière nominative les responsables de l’utilisation de la force meurtrière et des violations des droits humains.

Liberté d’expression

« Bien qu’elles se soient engagées à respecter la liberté d’expression, les autorités s’en sont prises aux journalistes, aux blogueurs et aux détracteurs du gouvernement. »

L’utilisation par le gouvernement des articles 121(3) et 226 du Code pénal pour intimider les voix dissidentes a été mise en cause par le rapport de L’ONG. Ces articles érigent en infraction pénale toute forme d’expression considérée comme une atteinte à l’ordre public, à la morale publique et aux valeurs sacrées. Les cas de Jabeur Mejri et Ghazi Beji, tous deux condamnés à une peine maximale de sept ans et demi d’emprisonnement pour des commentaires et caricatures publiés sur internet, ont été ainsi mis en avant.

Droits de la femme

« Les femmes continuent d’être victimes de discrimination, dans la législation et dans la pratique. »

Le gouvernement tunisien refuse ainsi toujours d’abroger les lois discriminatoires en matière de garde des enfants et d’héritage malgré les recommandations énoncées par l’ONU lors de l’Examen périodique universel de 2012. Plus grave encore, suivant le Code pénal, un homme coupable de viol ou d’enlèvement sur fille mineure peut encore échapper à toute sanction en épousant simplement la victime.

Réaffirmant sa volonté d’aider les autorités tunisiennes en vue d’une évolution en matière des droits humains, Amnesty International clôt son rapport par plusieurs recommandations ayant trait aussi bien à l’indépendance du pouvoir judiciaire et à la liberté d’expression qu’à la torture et à la réforme nécessaire des forces de sécurité, concluant ainsi que « Le changement en matière de droits humains est essentiel pour garantir que tous les Tunisiens [puissent] être fiers de l’héritage du soulèvement. »