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Un mois et vingt jours. C’est le temps qu’aura mis Mehdi Jomâa pour sortir de son mutisme politique et médiatique. Et pour cause : la complexité de la situation politique est telle qu’elle a imposé au chef du gouvernement samedi de prendre à témoin les 26 partis représentés à l’ANC, à l’occasion d’une énième mouture du dialogue national. A Dar Dhiafa de Carthage, autour d’une table où siégeait notamment Mohamed Jegham, la question qui occupe tous les esprits était moins l’économie en crise que la dissolution, entamée de facto, des Ligues de protection de la révolution.

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Arrestation d’Imed Dghij, la revanche des ripoux

L’esprit de corporatisme qui a conduit cette semaine à une bataille rangée entre avocats et magistrats avait presque fait oublier que les forces de l’ordre sont le corps de métier le plus touché par le phénomène corporatiste, une tendance inhérente à l’après révolution. Sauf qu’en l’occurrence, syndicalisme rime paradoxalement avec la tentation du retour à l’Etat policier.

Dans la guerre d’usure que se livrent « Rijel el thawra du Kram », bastion le plus radical des LPR, et le Syndicat national des forces de l’ordre, ce dernier a craqué le premier. Le syndicat avait donné 10 jours aux décideurs politiques pour arrêter Imed Dghij. Mais il aura suffi d’une escalade verbale du vidéo blogueur pour subir une arrestation spectaculaire au premier jour de l’ultimatum.

Malgré le silence embarrassé des démocrates et des défenseurs des droits humains, il y a quelque chose de similaire entre cet épisode et celui des procès à répétition de rappeurs coupables de crime de lèse-majesté d’offense à la police. Ce n’est pas tant Dghij qui est au-dessus des lois que cette police qui se pense encore au-dessus de la critique.

Le réflexe d’une police juge et parti, en plus d’être hérité de l’ancien régime, est un réflexe qui ne prend pas en compte la donne révolutionnaire encore d’actualité, surtout dans des zones défavorisées où le militantisme pourrait difficilement être laïque et sans référentiel religieux.

L’homme a certes fait ses classes dans l’ex MTI, mais qui connait Dghij sait pertinemment qu’il fait en réalité peu de cas de la charia et de l’avènement du califat, des slogans qui ont valeur de figures du discours, simples vecteurs de radicalité davantage issus du monde des stades que des mosquées.

L’intelligentsia aurait tort de sous-estimer ce qu’elle appelle « l’épiphénomène Dghij » ou de balayer d’un revers de main « un trublion anarchiste ». Il suffit de se rendre sur place pour constater que cette figure locale jouit d’une notoriété bien réelle auprès des jeunes « zonards » et au-delà.

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Bavure ou faute politique ?

Dghij était un symbole, les autorités sont en train d’en faire un mythe vivant. Le retour aux méthodes musclées d’antan, le délit d’appartenance, et surtout les évènements qui ont suivi de répression sommaire au rassemblement de solidarité vendredi sont autant de petites victoires pour le leader provocateur des LPR.

Au Kram Ouest, pour la 3ème nuit consécutive de heurts, l’armée est dans la rue pour assurer un semblant de calme… Dghij pourrait en rire. Il sait qu’il a gagné.

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Quel qu’en soit l’auteur, l’ordre de sa capture est sinon une faute politique, du moins une gageure. 3 ans à peine après la révolution, toucher à cette forteresse du quartier du 5 décembre relève du risque non calculé.

Comme toujours, révolutionnaires idéalistes et petites gens sont les premiers exclus des calculs politiciens, les laissés pour compte des arrangements à huis clos. Ennahdha condamne par communiqué et a présidé une délégation d’élus pour protester auprès du ministre de l’Intérieur Lotfi Ben Jeddou, mais dans les coulisses du Conseil de la Choura, la consigne donnée en direction des « jeunesses enthousiastes » du parti est de calmer le jeu.

Ces dernières considèrent que décision a été prise de fermer les yeux au nom du consensus et de la logique implicite de partage du pouvoir à moyen terme. Le prix à payer pour ne pas perdre la main, mais un prix que les jeunes radicaux brièvement arrêtés à la Kasbah vendredi refusent de payer.

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Si le mandat de Ridha Sfar en tant que nouvel homme fort à l’Intérieur consiste à faire retourner l’extrême droite islamiste à la clandestinité, le « ministre bis » sera combattu y compris au sein de son ministère où des résistances se font déjà sentir dans les directions générales.

Au Bardo, on s’auto congratule

Que fêtait-on au juste ce samedi 1er mars sur l’esplanade du Bardo ? Sur une affiche concoctée par le Front du Salut, on pouvait lire « Ils sont partis, c’est grâce à vous ». A défaut d’avoir pu chasser l’Assemblée, la pression populaire très encadrée d'”Errahil” avait en effet conduit le gouvernement Ennahdha à remettre les clés du pouvoir, mais la majorité parlementaire est toujours en place.

L’ex opposition tente de faire de l’humour, sauf qu’elle est prise au premier degré lorsqu’elle propose du « couscous aux fruits secs », synonyme d’embourgeoisement qu’elle reprend à son compte. Sommes-nous dans l’autodérision ou plutôt dans le constat assumé ? Difficile à dire.

Quoi qu’il en soit, Nidaa Tounes a multiplié cette semaine les occurrences de surenchère verbale et de fuite en avant guerrière précoce. Vendredi le parti arrivait à la conclusion que « le CPR et Ennahdha sont impliqués dans le meurtre de Lotfi Naguedh ». Le même jour, un débat télévisé au Palais des congrès autour de l’islam politique, censé opposer « de façon civilisée » Lazhar Akremi à Noureddine Bhiri, vire au pugilat entre les jeunes nationalistes de Nidaa et les partisans d’Ennahdha.

Le parti de Béji Caïd Essebsi saluait enfin « l’arrestation tardive » d’Imed Dghij qui va selon Ridha Belhaj « dans la bonne direction ».

Très attendu pour son premier entretien en tant que Premier ministre, accordé à 3 télévisions ce lundi 3 mars, Mehdi Jomâa devra apparaître comme l’artisan de sa propre politique et non l’exécutant d’une politique nostalgique déguisée. Faute de quoi son intervention serait le signal d’un mandat de l’affrontement et non de l’apaisement.