Cet avocat est sorti de prison en 2007./ S. ORTOLA / 20 MINUTES« Je ne regrette rien, je savais qu’il y avait un prix à payer », explique calmement Mohamed Abbou. Cet avocat tunisien de 43 ans, qui a obtenu ce mois-ci sa première autorisation de voyager depuis 2007, a passé deux ans et trois mois en prison en Tunisie. De passage au siège de l’organisation Amnesty International, à Paris, il a voulu témoigner de son expérience.

« A l’époque de mon arrestation, je dérangeais », explique-t-il. En 2004, il publie un article où il compare les tortures infligées aux prisonniers politiques en Tunisie aux actes commis par des soldats américains dans la prison d’Abou Ghraib, en Irak. Mais pour les autorités, la limite est franchie en février 2005 lorsque paraît sur Internet un article où il critique le président Ben Ali. Interpellé dès le lendemain de la publication, il est condamné à trois ans et demi de prison pour « diffusion d’écriture de nature à troubler l’ordre public » et « diffamation à l’égard des autorités judiciaires ».

Détenu à la prison d’El Kef, à 170 km de Tunis, où vivent sa femme et ses trois enfants, Mohamed Abbou sait qu’il a bénéficié de conditions particulières. « On voulait m’empêcher de témoigner sur la torture, m’empêcher d’écrire à ma femme sur ce qu’il se passait, raconte-t-il. Mais je garde en mémoire les cris que j’ai entendus. »

Le 24 juillet 2007, Mohamed Abbou est libéré avant la fin de sa peine. Nicolas Sarkozy aurait intercédé en sa faveur lors d’une visite en Tunisie, quinze jours plus tôt. Mais les choses ne se sont pas arrangées pour autant. « Dès ma sortie de prison, j’ai été constamment surveillé par la police. »

Lorsqu’il demande à pouvoir voyager, on lui rétorque qu’il doit attendre la fin de sa période de liberté conditionnelle. Mais à ses yeux, il y a pire que la prison. « Je n’exerce plus, à ma demande, mon métier d’avocat. Ça ne servirait pas à grand-chose pour le moment : des policiers sont postés devant le cabinet, et dissuadent les clients de venir. » Des pressions économiques dénoncées par Amnesty dans un rapport sur les droits humains au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. L’ONG y mentionnait également des « actes de harcèlement et d’intimidation ». Mohamed Abbou prend son mal en patience. Il prépare une thèse sur le droit à la formation, et dit vivre grâce à ses ressources immobilières. « J’espère pouvoir reprendre mon métier en octobre », confie-t-il.

Sophie Cois

Source : 20minutes.fr