… que ceux qui sont islamophobes ou musulmanophobes – c’est pratiquement la même chose – le soient, persévèrent et justifient leur phobie par toutes sortes d’arguments rationnels et apodictiques. Cela nous laisse indifférents. Les sentiments ne se commandent pas. Seulement le respect est de droit exigible. C’est pour cette raison que nous nous adressons exclusivement à nos frères musulmans qui peuvent être troublés par l’argumentation que nous tenons pour malhonnête des islamophobes. Car aucune opinion n’est « intouchable ».

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Dans ce texte, nous nous adressons aux musulmans qui risquent d’être scandalisés par une présentation de leur religion qui en provoque la phobie. Mais d’abord qu’est-ce que la phobie ? Le Robert la définit ainsi : « Forme de névrose caractérisée par la peur morbide, l’angoisse de certains objets, actes, situations ou idées… Couramment : peur ou aversion instinctive. V. haine, horreur. »

Distinguer islamophobie et musulmanophobie revient à ceci : on peut ne pas avoir de l’aversion pour les musulmans, mais on ne peut pas ne pas en avoir pour leur religion, une religion de haine, de violence, d’intolérance et d’infériorisation de la femme, une religion qui légalise l’esclavage et bafoue les droits de l’homme. On est tout à fait dans l’esprit de la déclaration « Nostra Aetate » (Vatican II, 1964), qui parle avec sympathie des bons musulmans, car après tout, il y en a, mais fait l’impasse sur l’islam et le Coran dont le statut théologique avait été définitivement scellé par le deuxième concile de Constantinople (680).

Bref, l’islamophobie est non seulement justifiable, en raison même de la nature de l’islam, mais elle est aussi un devoir et un droit en régime démocratique, car aucune religion n’est « intouchable ». Soit. On peut donc avoir de l’aversion pour l’islam, on peut la dire, et en fait, historiquement, on en a toujours eu, et on l’a toujours dit. Il ne s’agit pour nous ni d’une nouveauté ni d’une surprise. Je peux très facilement multiplier les citations à l’infini, depuis saint Jean Damascène (650-749) jusqu’à ce jour. Et c’est justement là la grande différence entre nous et nos frères chrétiens particulièrement. Nous n’avons aucune phobie ni pour Moïse ni pour Jésus – sur eux le salut ! Ils sont des nôtres. On ne peut en dire autant de Muhammad et de sa religion pour les non-musulmans. Traditionnellement, l’aversion domine, et c’est un euphémisme.

En fin de compte, que ceux qui sont islamophobes ou musulmanophobes – c’est pratiquement la même chose – le soient, persévèrent et justifient leur phobie par toutes sortes d’arguments rationnels et apodictiques. Cela nous laisse indifférents. Les sentiments ne se commandent pas. Seulement le respect est de droit exigible. C’est pour cette raison que nous nous adressons exclusivement à nos frères musulmans qui peuvent être troublés par l’argumentation que nous tenons pour malhonnête des islamophobes. Car aucune opinion n’est « intouchable ».

En dehors du bouddhisme, les trois religions monothéistes qui coexistent actuellement en France sont fondées sur des textes écrits : les Écritures. Nous les définirons comme elles sont définies par leurs adeptes.

Pour les juifs : la Torah n’est pas seulement dictée par Dieu en personne à Moïse ; elle fut, du moins pour le Décalogue, écrite avec son propre doigt : « Le Seigneur m’a donné les deux tables de pierre, écrites du doigt de Dieu, où étaient reproduites les paroles que le Seigneur avait prononcées pour vous sur la montagne du milieu, au jour de l’assemblée » (Dt., 9 : 10). Et, selon les rabbins, « avant la création, Dieu contemplait la Torah(1) », qui est « un mode de vie qui régit, en pratique, tant l’éthique personnelle de chacun que la conduite à tenir avec autrui (2) ».

Pour les catholiques : « Notre Sainte Mère l’Église, de par sa foi apostolique, juge sacrés et canoniques tous les Livres, tant de l’Ancien que du Nouveau testament, avec toutes leurs parties, puisque rédigés sous l’inspiration de l’Esprit saint, qu’ils ont Dieu pour auteur et qu’ils ont été transmis comme tels à l’Église elle-même(3). »

Pour les musulmans, le Coran se définit lui-même ainsi : « C’est le Seigneur des Univers qui le fit descendre. L’Esprit fidèle en assura la descente. Le mit dans ton coeur pour que tu sois parmi les avertisseurs. En une langue arabe claire. Et il y était déjà gravé [zubur] chez les anciens » (Coran, 26 : 192-196 ; voir aussi 16 : 102, où l’agent transmetteur est appelé l’Esprit saint).

Pour les musulmans, Dieu a toujours parlé aux hommes. Son Message (Qur ’ân, quelque chose qui se transmet pour être à la fois écouté et lu) n’a jamais varié en son essence. Au temps où était descendu le Coran, on pouvait difficilement comprendre comment Dieu avait parlé aux hommes. On ne savait pas que les ondes (appelons-les Esprit fidèle ou Esprit saint) pouvaient porter les messages en parfaite exactitude et que, bientôt, quiconque aurait un portable pourrait téléphoner en anglais de la Terre, et se faire écouter en russe sur la Lune. Dieu nous a seulement précédés : il avait son « portable », et il a doté les cerveaux de ses Messagers des capteurs capables de recevoir et de décoder ses messages. Y a-t-il quelque chose d’irrationnel là-dedans ?

Lorsque vous entendez donc nos frères chrétiens, y compris les théologiens les plus renommés, affirmer que, pour nous, le Coran est un livre tout fait tombé du Ciel comme un pavé sur la tête malade de l’épileptique Muhammad, souriez de leur touchante et sincère naïveté, et dites, comme nous recommande le Coran lorsque nous sommes confrontés « à des ignorants » : « Paix ! » (Coran, 25 : 63).

Le Coran n’appelle jamais les premières Écritures « anciennes », car la parole de Dieu n’est jamais ancienne. Elle descend bien dans l’Histoire, et obéit à ses lois, mais elle transcende l’Histoire, et délivre toujours un enseignement. Voici comment le Coran se situe en continuité avec la Torah et l’Évangile, qui sont aussi nos Écritures, avec une lecture qui nous est propre à la lumière du Coran, qui est pour nous furqân, grille de criblage, en raison des altérations (tahrîf) qu’elles ont subies au cours de leur transmission :

« Nous avons fait descendre la Torah : on y trouve Guidance [Hudan] et Lumière [Nûr] » (Coran, 5 : 44).
« Nous avons envoyé ensuite Jésus, fils de Marie, confirmant la Torah qui avait précédé. Nous lui avons donné l’Évangile : on y trouve Guidance et Lumière » (Coran, 5 : 46).

« Nous avons fait descendre, pour toi, le Livre, en toute Vérité, confirmant les livres précédents et prédominant sur eux. […] À chacun, parmi vous, Nous avons tracé une Voie [Shir’atan] et une Trajectoire [Minhâjan]. Si Dieu l’avait voulu, Il aurait fait de vous une seule communauté. Mais Il a voulu vous éprouver par le don qu’Il vous a fait. Faites donc émulation dans les bonnes actions. À Dieu votre retour, tous, et alors Il vous éclairera sur vos divergences » (Coran, 5 : 48).

En résumé : toutes les Guidances et toutes les Lumières qui sont dans la Torah et dans l’Évangile sont les nôtres. Nous les partageons avec nos frères juifs et chrétiens. Nous faisons émulation dans le Bien, nous ne jugeons personne, nous souhaitons le Bien ici-bas et dans l’au-delà à toute l’humanité qui est « la Famille de Dieu », et nous nous en remettons à Lui pour nous éclairer sur nos divergences. Donnons une meilleure formation à nos imams, purifions nos sermons et nos discours, et ouvrons surtout nos mosquées à tous pour que chacun écoute directement « la parole de Dieu » et aille ensuite vaquer paisiblement à ses affaires, car les islamophobes « sont des gens qui ne savent pas » (Coran, 9 : 6), tellement ils sont intoxiqués par les préjugés et par certains discours de nos trop pieux et très ignorants imams, que Dieu leur pardonne !

Cela dit, le reste en bref.

-  Banû Qurayza : c’est le chewing-gum des islamophobes. Il s’agit d’une tribu juive coupable d’un crime de haute trahison en état de guerre (siège de Médine, avril 627) et d’intelligence avec l’ennemi aggravés d’une tentative d’assassinat du Prophète. Les musulmans, qui venaient de l’échapper belle, étaient furieux et réclamaient qu’on leur appliquât leur propre loi, c’est-à-dire l’extermination intégrale, les animaux y compris (Dt. 20 : 10-20). Après arbitrage d’un intermédiaire choisi par les traîtres eux-mêmes, et par mesure dissuasive nécessaire qui se révéla salutaire, quelques centaines d’hommes furent exécutés. Que l’on pense aux lois de la guerre aujourd’hui ! Que l’on pense aux pogroms du « Peuple déicide » anathématisé à chaque messe jusqu’au milieu du siècle dernier ! Que l’on pense surtout à la Shoah et au silence effrayant des plus hautes autorités ecclésiastiques ! Les musulmans n’ont pas à rougir.

-  Esclavage : qui a vidé le continent africain de sa population – inutile de rappeler dans quelles conditions – et pratiqué l’apartheid jusqu’à la fin du siècle dernier avec la bénédiction des Églises et des prêtres ?

-  Tolérance : l’intolérance était, au nom de la Sainte Vérité, la doctrine officielle de l’Église apostolique et romaine jusqu’à Vatican II (1964). Ce n’est qu’après Vatican II que l’Église catholique a fini, à son corps défendant, par reconnaître la liberté de conscience. Le Coran n’est pas « tolérant ». Aucun mot n’y exprime ce concept occidental dédaigneux, accepté comme un pis-aller pour mettre fin aux guerres de religions. Dès le départ, le Coran proclame haut et fort la liberté de conscience (Coran, 2 : 256), qui est un droit et non une hautaine condescendance, et le respect de la dignité humaine (Coran, 17 : 70).

-  Les grillades de l’Enfer : rappelons à nos frères chrétiens que le Christ leur a rendu visite. Pour nous, Dieu parle dans le Coran à tous les hommes, avec leurs différents coefficients intellectuels, dans le seul langage universel, celui des symboles (mathal, pl. amthâl). Le terme revient dans le Coran quatre-vingts fois.
La femme : le Coran, qui seul oblige, proclame l’égalité absolue des sexes. La charia, élaboration humaine non contraignante et, à part le culte, obsolète, l’a desservie. La femme musulmane s’en est affranchie et s’en affranchira toujours plus avec le Coran à ses côtés.

-  La violence : le Coran est un livre d’Amour et de Miséricorde. Chaque sourate commence par ce signe qui en est la clé de lecture : « Au nom de Dieu le matriciellement miséricordieux [Rahmân] qui fait matriciellement miséricorde [Rahîm]. » Rahmân et Rahîm renvoient à la matrice de la mère. On ne peut exprimer avec plus d’intensité l’Amour de Dieu pour Sa famille. Mais si l’islam est Paix, il n’est pas, à tout prix, pacifisme, qui peut devenir coupable par démission devant le mal. Marcel Proust disait : « Le pacifisme multiplie quelquefois les guerres, et l’indulgence la criminalité. » Par pacifisme, en ne nous dotant pas des moyens de dissuader le mal, comme nous le recommande le Coran, nous nous sommes rendus coupables envers nous-mêmes en laissant l’Occident islamophobe nous coloniser, nous envahir et nous calomnier.

1. Rabbin Adin Steinsaltz, La Rose aux treize pétales, éd. Albin Michel, Paris, 1996, p. 102.

2. Ibidem, p. 103.

3. Catéchisme de l’Église catholique, Mame/Plon, Paris, 1992, p. 35.

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Source : JA/L’Intelligent N°2262 du au mai 2004