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Les premières élections libres de la Tunisie n’ont pas mis fin à une activité favorite qui fait prospérer de nombreux observateurs et médias, à savoir les discours obséquieux ou en dialecte tunisien : le t’hiin.

Ce que nous observons, aujourd’hui, comme congratulations ou du moins comme « caresses intéressées » ne sont pas moins que de vieux réflexes ayant fait le bonheur d’une dictature qui n’en demandait pas tant : celle de Ben Ali. Si l’on compare les articles parus les jours suivants le 7 novembre 1987 et ceux parus au lendemain de la présidentielle 2014, on a l’impression que rien n’a changé : les hommes changent et les Unes restent identiques. La plume des laudateurs reprend du service. Elle nous rappelle la grotesque habitude de la « langue de bois » pratiqué sous Bourguiba et Ben Ali.

Ce « culte de la personnalité », nous croyions l’avoir vu disparaitre lorsque, le 14 janvier 2011, le peuple s’est insurgé contre tout un système. Et dans ce système figurait, entre autres, la figure patriarcale du chef de l’Etat, son omniprésence et son autoritarisme loué par des courtisans au verbe mielleux et à la plume césariste.

C’est sans compter sur certaines mauvaises habitudes lesquelles, malgré les années, gardent la peau dure. Politiciens, médias, administrations, artistes, entreprises et citoyens dépassent l’infime frontière entre « soutien » et « discours obséquieux ». Qu’ils aient de la tendresse et de la sympathie pour « sa bonhommie » certes, que cela devienne un culte à la personne, non !

Etre patriote ne veut pas dire être « dithyrambique ». On peut saluer un changement de cap politique sans tomber dans l’excès des louanges ostentatoires.

Car derrière, tapis dans l’ombre, les instruments de la propagande et de la désinformation n’attendent que cela pour ressurgir brandissant l’étendard du « crime de lèse-majesté ».

Dans le contexte sécuritaire tendu que nous traversons, les vieux réflexes peuvent très vite ressurgir. A côté du « tbandir » habituel, il existe un « tbandir » né de la peur. Et celui-là est d’autant plus dangereux dans cette néo-démocratie, car le culte de l’Etat peut très rapidement laisser place au culte du parti et par extension au culte de la personnalité. Nous l’avons vu au cours de l’histoire en Allemagne, en France, en Italie et ailleurs. Et comme le rappelait Benjamin Franklin : « Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’une ni l’autre, et finit par perdre les deux ».

Si ce culte ne se crée pas de lui-même, il est malheureux de constater que nous en sommes toujours au stade des idoles et de leur sanctification, quitte à ce qu’ils y prennent goût.

En espérant, que l’on ne va pas si vite retomber dans ces phrases si obséquieuses et non moins décadentes, à l’instar de celle-ci, choisie au hasard : «  l’importance de la dimension humanitaire de la pensée du Chef de l’Etat garantit un avenir serein et une large participation pour aiguiser cette sagesse propre au génie tunisien, le même génie qui a engendré Hannibal, Ibn Khaldoun, Bourguiba et Ben Ali…  ». Rien que ça… Comprendra qui pourra !