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Ce qui n’est disponible à Jaén nous le cherchons ailleurs. Les navires transportant l’huile d’olive ont commencé à arriver dans les ports espagnols, les entreprises étant convaincues que la récolte totale d’olives espagnoles ne sera pas suffisante pour alimenter leurs clients. En raison de la diminution de la productivité des oliviers à Jaen, de nombreuses entreprises ont commencé à chercher des sources [d’approvisionnement] dans d’autres pays, en particulier au Maroc et en Tunisie … Personne ne doute de l’émergence de l’« or liquide » originaire principalement de ces deux pays d’Afrique du nord. Enrique Alonso, Arrival of Ships Carrying Olive Oil

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Le premier à signaler la réglementation de l’Union européenne concernant l’importation de l’huile d’olive tunisienne est naturellement le plus grand exportateur mondial d’huile d’olive : l’Espagne. Parmi les destinations les plus importantes pour l’exportation de l’huile d’olive tunisienne, l’Espagne (seconde après l’Italie) a vendue quelques 1,6 millions de tonnes d’huile d’olive l’année dernière, selon Enrique Alonso de la revue en ligne DiarioJaén. Au début du mois dernier, deux articles de presse publiés sur DiarioJaén décrivent le récent ajustement des quotas d’importation pour l’huile tunisienne dans le contexte de la production locale et le marché de l’huile d’olive. « L’intérêt pour le produit tunisien est basé sur sa qualité qui découle de la tradition du pays [dans la production oléicole] mais aussi de son bon prix ».
A Jaén, où l’activité économique la plus importante est la production d’huile d’olive, le coût par kilo de l’huile tunisienne extra-vierge (la plus haute qualité) est d’environ € 2,90 ; quelques 30 centimes de moins que l’huile d’olive produite à Jaén.

La décision de l’UE de suspendre la délivrance de certificats d’importation pour le mois de mars est une aubaine pour l’économie locale, avance Enrique Alonso, car elle diminue la menace que l’huile d’olive tunisienne représente.

Le règlement d’exécution (UE) 2015/380 de la Commission du 6 mars 2015

L’Union européenne a l’obligation d’arrêter l’importation [en provenance] de la Tunisie parce [la quantité demandée] a dépassé le quota établi. Le déficit de l’Espagne en or liquide » a poussé les entreprises de packaging et d’exportation à rechercher l’huile d’olive d’autres pays, la Tunisie étant la source préférée.Enrique Alonso, Europe Obligated to Suspend Entry of Tunisian Olive Oil.

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Guidée par l’Accord d’association UE-Tunisie signé en 1995, l’exportation de l’huile d’olive tunisienne en Europe est soumise à un quota de 56 700 tonnes par an. Le 30 Janvier 2015, le règlement d’exécution (UE) 2015/153 a ajusté le quota mensuel de février, mars et avril afin d’accueillir une « excellente saison » de la production oléicole en Tunisie sans modifier le quota annuel. Au début du mois mars, une autre modification a été émise par le règlement d’exécution (UE) 2015/380. Il s’agissait de suspendre la délivrance de certificats d’importation et de répondre aux demandes de l’huile d’olive avec un coefficient d’attribution de 5,451531%.

Afin de comprendre comment ces règlements affectent la production et l’exportation de l’huile d’olive tunisienne, Nawaat a visité l’Office Nationale de l’Huile (ONH à Tunis. Mme Ikbel Ahmed, ingénieur spécialisée dans l’oléiculture et la production, et M. Abdellatif Ghedira, directeur général de l’ONH ont répondu à nos questions.

M. Ghedira nous a rapporté que le contingent Union européenne-Tunisie correspond à l’exportation de 56 700 tonnes par an d’huile d’olive tunisienne en franchise de droits à l’Europe, des quotas mensuels (1000 tonnes en janvier, 1000 tonnes en février, 3000 en mars, et 8000 en avril et le reste de l’année).
De plus, les entreprises européennes désireuses d’importer de l’huile d’olive tunisienne sont obligées d’exporter le produit vers des pays hors de l’Europe, ou de payer des impôts à la hausse d’un euro par kilo.

Cette année, en raison d’une baisse de 27% de la production d’huile d’olive dans le monde entier et de la saison relativement abondante en Tunisie, l’UE a augmenté les quotas mensuels pour Février et Mars (à 9000 tonnes par mois) pour compléter sa production et satisfaire la demande de l’Europe en huile d’olive. Plus précisément, l’augmentation des allocations pour les mois désignés permet aux producteurs européens de vendre leur propre produit au cours des mois de janvier, février et mars lorsque la qualité de l’huile produite est à son apogée.

M. Ghedira affirme qu’au départ ce sont les entreprises européennes qui sont à l’initiative de l’exportation vers leurs pays de l’huile d’olive tunisienne. Ils ont en ce sens effectué une demande auprès des institutions européennes. Ces dernières ont accordé à chacune des entreprises une quantité déterminée d’importation par rapport à la quantité totale : c’est ce que l’Union Européenne appelle le coefficient d’attribution.

Avec un quota d’importation augmenté à 9000 tonnes, le mois de février a connu une percée stupéfiante de la demande en huile d’olive tunisienne atteignant les 105 000 tonnes, ce qui représente une augmentation d’importation pour chaque entreprise européenne de 7 à 8 % de la quantité totale des importations en huile d’olive. Idem pour le mois de mars, où la demande d’huile d’olive tunisienne s’est élevée à 173 000 tonnes et dont le coefficient d’attribution de 5,451531 % a été fixé dans le règlement d’exécution de la Commission en date du 6 mars.

Coûts de production, qualité et marché international

Exportation de l’huile d’olive tunisienne en 2015 : Jusqu’au mois de février, la Tunisie a exportée 110 000 tonnes d’huile d’olive. 75% vers l’Europe (82 500 tonnes), 20% vers l’Amérique du Nord (22 000 tonnes et dont 19 000 pour les USA), et 10 % vers le reste du monde (11 000 tonnes). Abdellatif Ghedira, 18 mars 2015.

La Tunisie est le plus grand producteur d’huile d’olive en dehors de l’Union Européenne, et le premier producteur mondial d’huile d’olive biologique. Sur les 200 000 tonnes produits annuellement, la Tunisie en exporte 75% (150 000 tonnes). Seulement 7,5% (15 000 tonnes) est exportée sous emballage tunisien. Le conditionnement de l’huile d’olive nécessite des moyens et des installations de stockage, de mise en bouteille, d’étiquetage et de commercialisation que la Tunisie n’a pas en abondance. Mais ce conditionnement permettrait à l’exportateur tunisien de vendre son huile à un prix bien plus élevé qu’actuellement.

Selon M. Ghedira, l’huile d’olive tunisienne a longtemps été exportée en vrac vers l’Europe pour être mélangée à la leur. Cela leur permet d’améliorer la qualité de leur huile et fait le bonheur des grandes enseignes oléicoles européennes.
Si l’huile d’olive tunisienne est vendue en vrac, cela n’est pas dû à sa qualité mais bien à une absence de vision marketing. En effet, en février, la Tunisie a produit 79% d’huile d’olive extra—vierge, 8% d’huile d’olive vierge et 13% d’huile d’olive de moindre qualité.

Au-delà de la qualité de l’huile, de son coût de production et du volet marketing, c’est surtout l’influence du marché international qui est déterminante dans le prix de l’huile d’olive tunisienne.
L’année dernière, l’Europe a profité d’une fructueuse saison. Le coût de l’huile d’olive tunisienne était donc forcément « bas » (4 dinars 700 millimes le kilo, soit 2 euros et 2 centimes). La baisse de la production mondiale cette année a entrainée une hausse de la demande de l’huile d’olive tunisienne dont le prix a grimpé à 6 dinars 500 millimes le kilo soit près de 3 euros.

L’Office Nationale de l’Huile (ONH)

L’Office Nationale de l’Huile a été légalement crée par le décret n°1970-13 du 16 octobre 1970 comme étant : un « Etablissement Public Interprofessionnel à caractère industriel et commercial ». Affilié au ministère de l’Agriculture, l’ONH joue un rôle de régulateur entre agriculteurs, producteurs, usines et exportateurs composant le paysage oléicole tunisien. L’office est aussi responsable du contrôle de la qualité de l’huile d’olive à travers la présence de 5 laboratoires accrédités et reconnus par le Conseil Oléicole International.

L’ONH a tenue un monopole sur l’exportation de l’huile d’olive tunisienne jusqu’en 1994 lorsque le décret législatif a été révisé. La Tunisie a commencé, selon les dires de M. Ghedira, « un processus de désengagement du gouvernement en vue de promouvoir les opérateurs privés dans l’exportation de l’huile d’olive conditionnée, organique, et même de l’huile d’olive en vrac », à tel point que le secteur a été ouvert aux sociétés privées. Aujourd’hui l’Office représente plus de 150 entreprises privées qui détiennent plus de 80% de l’huile d’olive tunisienne exportée.

Quand les directives de l’Union Européenne ralentissent les exportations tunisiennes d’huile d’olive

Comment les règlements de l’UE et les ajustements de quotas récents affectent la production et l’exportation de l’huile d’olive tunisienne ?

Invoquant la question initiale qui a incité notre visite au l’Office Nationale de l’Huile, nous rappelons l’élaboration par la Commission européenne en Janvier du règlement 2015/153 : « A la demande de la Tunisie, la Commission a décidé d’augmenter ces quotas mensuels pour permettre aux opérateurs tunisiens de tirer profit au maximum de leur potentiel d’exportation ».

Grace aux informations fournies par l’ONH, si l’on compare les chiffres représentant la demande en Europe pour l’huile d’olive tunisienne (173 000 tonnes) au quota d’importation en place pour le mois de Mars (9000 tonnes), et si la quantité d’huile d’olive tunisienne produite cette année dépasse un approvisionnement suffisant pour la consommation domestique (tel que confirmé par l’ONH), il apparaît que les politiques de l’UE représentent plus un frein qu’un facilitateur pour l’exportation de l’huile tunisienne.

Pour l’actuelle saison, l’administration Européenne semble représenter un mur entre les producteurs et les exportateurs qui sont désireux de vendre l’huile d’olive tunisienne et les entreprises européennes désireuses de l’acheter.

Avec un potentiel d’exportation bien plus important que la seule Europe puisse ou est prête à absorber, la Tunisie a commencé à chercher de nouvelles destinations pour l’exportation de son abondance en « or liquide ».