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Photo crédit : randotunisie.tn

Passé ou encore de mode, l’écotourisme en Tunisie ? Difficile de répondre de manière tranchée à cette question, car ce secteur peine encore à émerger et prendre place dans le paysage économique. Une question demeure toujours en suspens par rapport à cette activité (définie comme un tourisme respectueux de la nature et de la culture, mais aussi dont les revenus passent directement aux populations locales) est le rôle dévolu aux populations locales et aux revenus qu’ils peuvent tirer de ce genre d’activités.

Il est vrai que dans un contexte où les questions sécuritaires passent au premier plan, il est difficile de parler d’activités touristiques, surtout que le tourisme conventionnel vient d’être frappé de plein fouet par les derniers évènements survenus à Sousse, après ceux ayant affecté le musée du Bardo. Dans le présent papier, l’écotourisme sera réduit au tourisme nature, sans évoquer les autres formes d’activités (agritourisme, tourisme saharien…).

Certaines formes d’écotourisme ont longtemps été pratiquées en Tunisie, à savoir le « Bird watching » ou encore les visites organisées à certains parcs nationaux et quelques réserves naturelles où un public plus ou moins averti y a été conduit, le plus souvent par des structures associatives ou quelques opérateurs privés. De toutes ces formes d’écotourisme, aucun bénéfice n’est laissé aux populations locales, si ce ne sont parfois les quelques services fournis sur place (notamment des repas), mais où aucun mécanisme transparent n’a été mis en place pour assurer une implication de ces populations dans les activités de conservation et pour le partage des bénéfices qui pourrait être tiré de cette forme de tourisme.

La Tunisie ne peut pas être considérée comme pionnière dans ce domaine, étant donné que de nombreuses expériences ont été menées avec plus ou moins de succès un peu partout dans le monde. De ces différentes expériences, nous retenons surtout le fait que le public concerné par ce mode de tourisme est sa recherche d’authenticité et sa volonté de sortir des sentiers battus, en exprimant une volonté de se rapprocher des cultures des populations visitées.

En Tunisie, l’erreur est originelle quant au développement même de l’écotourisme, car on l’a toujours pensé comme un corollaire du tourisme de masse, alors que son public est bien différent. Il y a eu toujours l’idée de rester dans les sentiers battus, en omettant le rôle des populations locales dans son développement. Derrière cela, l’idée étant de les garder à l’écart et de ne pas les faire profiter des revenus potentiels de ce type d’activités économiques. Il faut bien ajouter que le lobby des hôteliers a joué un rôle considérable par sa volonté de freiner le développement d’un tourisme durable, à faible profit et à public non conventionnel, invoquant surtout des questions d’hygiène ou de sécurité quant au rapport direct entre le visiteur et l’habitant.

Le tourisme nature

Il est indéniable que la Tunisie renferme de nombreuses richesses naturelles dignes d’être connues et protégées. En effet, notre patrimoine naturel vivant (animal ou végétal) ou minéral (roches et formations géologiques) mérite d’être montré à tous ceux qui s’y intéressent. Notons ici que l’intérêt de ceux qui veulent voir notre patrimoine vivant porte essentiellement sur les espèces dont la répartition géographique à l’échelle mondiale est limitée à la zone géographique à laquelle la Tunisie appartient (Maghreb, nord du Sahara).

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Paysage attrayant pour les nationaux, une forêt sous la neige à Aïn Draham.

Or, à ce niveau, ces espèces ne sont pas celles qui sont les plus connues, et pour lesquelles aucun programme de conservation spécifique n’est encore mis en place, du moins pour ce qui concerne le monde animal. Les connaissances relatives à ces espèces sont encore fragmentaires ou connues uniquement des spécialistes. Un effort de vulgarisation est à consentir à ce niveau, afin de réorienter les efforts de conservation autour de ces espèces qui constituent au fait l’essentiel de la richesse de notre patrimoine vivant. Il s’agit essentiellement de Reptiles et Mammifères, deux groupes d’animaux difficiles à trouver et à reconnaître.

D’autres espèces peuvent susciter un intérêt pour nos visiteurs, à savoir celles dont la limite de distribution géographique s’arrête à la Tunisie. Il s’agit d’espèces européennes dont la répartition couvre le petit Maghreb et se limite en Tunisie à sa partie Nord, telles que la Loutre d’eau ou l’Emyde lépreuse (tortue d’eau douce).

Pour ce qui est de notre patrimoine floristique, il est bien plus riche que notre faune, mais en dehors des espèces facilement reconnaissables (chêne afarès par exemple), la plupart des espèces pouvant susciter de l’intérêt sont des herbacées (Orchidées par exemple) dont l’aire de distribution précise n’est pas encore bien établie.

Conditions de développement d’un tourisme nature

Pour qu’un tourisme nature digne de ce nom puisse voir le jour et se développer en Tunisie, certaines conditions sont nécessaires pour y arriver. Il s’agit surtout de former des guides compétents et le mieux est qu’ils soient spécialisés chacun dans une région particulière. Les modes de formation classiques sont le plus souvent inopérants, mais dans ce cas, les formations doivent se baser sur les aspects pratiques de terrain. Les profils correspondants à ce type de formation concernent les géographes et les naturalistes de tous bords. Bien qu’une seule session de formation soit insuffisante, un modèle de formation en alternance serait convenable, pour couvrir les différentes régions et saisons.

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Chêne kermès à l’état arborescent, une curiosité méditerranéenne.

Une des autres conditions, et non la moindre, est l’organisation des populations locales fournisseuses de service aux écotouristes, pour que ces dernières soient mieux préparées aux différents types de services qu’elles seraient amenées à procurer à ce type particulier de clientèle.

Telles sont, à notre sens, les conditions nécessaires pour que ce type d’activités soit mis en place et développées. Les organisations de la société civile, en plus des institutions concernées (environnement, tourisme, enseignement supérieur), auraient à jouer un rôle moteur…