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TSIPRAS-grece

Les détonations de joie résonnent encore dans le ciel athénien en signe de célébration de la victoire écrasante du « Non » aux diktats de l’euro groupe quand Alexis Tsipras, le premier ministre grec se précipite au siège du parlement européen à Bruxelles. Il ne donne même pas le temps aux électeurs de savourer jusqu’au bout leur victoire au terme d’un référendum historique. Du coup, il dévoile l’instrumentalisation du référendum réduit à une simple manœuvre politicienne visant à impressionner les décideurs européens. Désertant Athènes, Tsipras choisit de séduire Bruxelles alors que c’est à la capitale achéenne qu’il faut forcer le destin !

Au jour d’aujourd’hui, c’est d’un homme pris en tenailles entre les siens et les rapaces de l’euro groupe que nous sommes en présence. Car, les députés européens, mus d’une discipline de fer se sont pliés aux décisions de leurs seigneurs et maitres banquiers consistant non seulement à piétiner la souveraineté du peuple grec mais à lui infliger, de surcroit, une lourde sanction.

Le dindon de la farce

Il faut le voir le jour de son passage au parlement européen. Mis au pied du mur, cuisiné, dénigré, lynché verbalement Tsipras est livré, sans pitié, aux attaques des députés déchainés. L’un deux, un belge le tourne en ridicule lorsqu’il s’acharne sur lui le traitant de tous les maux et le qualifiant d’incapable. Il pousse la dérision jusqu’au bout lorsqu’il lui dicte ce qu’il devrait faire dans un style démagogique et de méprise manifeste. Et tandis que les applaudissements assourdissant accompagnent par intermittence le réquisitoire du Belge, le premier ministre grec se résigne à une attitude de soumission à la fois dégradante et étonnante. Profil bas, il s’incline devant la tirade de son vis-à-vis se contentant d’afficher de temps à autre  un demi-sourire d’obéissance. « La correction » est d’autant plus cruelle qu’on ose souhaiter être en présence d’un Nikita Khroutchev se déchaussant pour taper sur la table et forcer le respect de la présence mais en vain… Une autre député, une vraie vipère celle ci, lui interdit de toucher à l’histoire. Sans doute en raison de l’allusion de Tsipras aux dédommagements dus par l’Allemagne à la Grèce au terme de la seconde guerre mondiale. Que dire de plus de cette humiliation grotesque que n’a déplorée le ministre démissionnaire grec des finances Yanis Varoufakis ? « La Troïka ( l’UE, le FMI et la BCE) veut être certaine qu’elle lui (Tsipras) fera avaler chaque mot critique qu’il prononça au cours des cinq dernières années à son adresse »*, martela-t-il. Il ne s’agit, toutefois, pas d’humiliation personnelle mais, bel et bien de celle lancée contre le peuple grec. Et ce n’est pas le résultat glorieux du référendum qui va épargner le pays et ses dirigeants de Syrisa de ce châtiment. Bien au contraire, les ennemis de classe des grecs grincent rageusement les dents car c’est dans le spectre de la Démocratie grecque d’antan, la Démocratie directe qu’ils ont perçu leur banqueroute.

Démocratie dites-vous ?

Il faut dire que l’argumentation politique dans cette crise grecque est chargée d’histoire souvent à juste titre. Varoufakis dénonce « un coup d’Etat nazi ». Pour lui,  les militaires ont, en 1967, opéré un coup d’Etat par la force des chars, à présent c’est à l’aide des banques que le pays est mis sous une domination qui s’étend à « tous les domaines publics »**. Autrement dit, « l’espace vital » que Hitler n’a pas réussi à conquérir d’une manière durable est maintenant acquis au nom d’une démocratie à la con ! A ne point confondre avec la Démocratie directe, cette invention révolutionnaire grecque que les forces réactionnaire n’ont de cesse à tenter vainement de contourner depuis le VIe siècle AVJC.

On ne dira jamais assez qu’à l’origine de la Révolution démocratique grecque conduite par Solan en 590 AVJC, il y avait une Révolution sociale ayant comme assise la paysannerie pauvre soumise à la domination de l’aristocratie terrienne. Le passage du régime oligarchique à la démocratie avec les aléas de l’époque, s’est opéré sur fond de cette Révolution Sociale. Ce passage n’aurait aucun lieu d’être si le stratège et poète Solon n’a pas eu l’intuition et l’imagination pour fondre dans l’âme du peuple. Il répondit immédiatement aux revendications populaires en entreprenant les réformes sociales au profit de la paysannerie pauvre avant la promulgation de la Constitution d’Athènes. Démocratie ancestrale. A présent le peuple grec et ses forces vives sont en train de renouer avec cette Démocratie ancestrale ou l’affranchissement politique est indissociable de l’affranchissement social. La question de la dette est certes incontournable. Mais elle colle à la tyrannie du libéralisme sauvage fondé sur le partenariat entre les acteurs locaux, européens et internationaux dans le cadre de la mondialisation. Raison pour laquelle les diktats imposés aux Grecs par les banquiers et acceptés par Tsipras comportent un caractère hégémonique on ne peut plus évident notamment au niveau de l’incitation aux privatisations et à l’austérité… La défection de Tsipas et des défaitistes de Syrisa est lourde de conséquences. Mais il n’est pas exclu qu’une nouvelle configuration des forces radicales de gauche voit le jour autour d’un programme social et de dignité patriotique à même de souder les forces vives grecques autour du NON du référendum. Le vent d’Athènes soufflera encore plus fort toutes les institutions financières et oligarchiques de Berlin de Bruxelles et du monde entier.

Notes

* Interview à la radio ABC émission late night

** Même source.