C’est en lisant sur Internet l’éditorial de l’hebdomadaire « Tunis-Hebdo » ( L’heure du labeur !) que j’ai appris que les autoritaires dans le pays ont avancé l’horaire d’une heure, adoptant ainsi le même système horaire européen afin d’être sur la même longueur d’onde que leurs commanditaires occidentaux et ce en attendant de se mettre à la même que celle de Sharon d’ici le mois de novembre prochain. J’ai rédigé cette réflexion pour rappeler à l’auteur de l’éditorial l’origine de cet horaire européen et la totale inutilité d’une telle mesure pour nos citoyens. J’ai employé les termes que j’ai jugé convenables dans le cas où il accepte de publier sur son site ma réplique ci-jointe à son éditorial.

Le système horaire européen en attendant l’adoption de celui de Sharon.

C’était en 1973 à la suite de l’embargo sur le pétrole à destination de l’Occident, une initiative qui va coûter finalement la vie à celui qui a osé la décider, le roi Fayçal, que les européens avaient pris la décision de ce changement d’horaire. Evidemment l’embargo cherchait à faire pression – autant que possible – sur la politique occidentale qui appuie sans restriction et inconditionnellement tout ce que font et défont des arabes et des musulmans, les nouveaux maîtres du monde installés en Palestine. Il est dit que par ce changement d’horaire, les économies occidentales économiseraient des quantités significatives de pétrole ou d’énergie avec des répercussions non moins significatives dans tous les autres domaines de la vie, surtout du point de vue économique, car les retombées sur la santé ne sont pas si bénéfiques surtout sur l’horloge biologique d’une grande partie de la population occidentale. Les troubles de toute sorte que cause ce changement d’horaire sur la santé surtout des personnes âgées sont largement confirmés par des études laborieuses entreprises depuis la mise en fonctionnement de ce changement. Il paraît que cette question ne semble pas relever des soucis des politiciens jusqu’à présent.

Depuis cet embargo beaucoup d’eau a coulé sous les ponts et ceux qu’on croyaient les propriétaires de cette matière première d’importance fondamentale dans l’économie du monde se sont révélés tout autre chose sauf des authentiques propriétaires. Le prix du baril de pétrole coûte aujourd’hui dans les environs de 50 dollars, ce qui équivaut à une valeur réelle de moins de 6 dollars, le prix appliqué dans les années 70. Autrement dit les pays occidentaux à l’origine de ce fameux changement d’horaire, pompent le pétrole à leur guise pour le moment et au « prix » qui leur convient le mieux. Et en plus tout indique qu’ils se sont mis à l’abri d’un embargo quelconque, d’autant plus que Saddam Hussein n’est plus et que sur la surface de la terre en Irak, il n’y a plus que les décombres. Ce qui théoriquement facilite aisément aux compagnies occidentales en général et américaines en particulier d’exploiter la mer de pétrole dans le sous-sol. Dans le dernier documentaire long métrage de l’espagnol Javier Corcuera, « Hiver à Bagdad », prix Biznaga (Bouquet de Jasmin) d’Argent au festival de Malaga, on voit nettement à quoi sert le pétrole. Des scènes les plus déchirantes d’enfants, de femmes de vieillards, ceux qui échappent encore aux bombes américaines ou aux mitraillettes des « marins » mais souvent mutilés , grelottant de froid et de terreur. La situation des autres régions pétrolières arabes, africaines ou autres dans tout l’hémisphère sud, la situation des autochtones n’est pas meilleure mais avec l’atténuante de ne pas avoir subi encore ni un embargo de plus de 12 ans ni une invasion en toute règle. Et sur cette question encore, le Venezuela qui fournit 15% de nécessités nord américaines, se trouve dans le point de mire de l’Administration de Bush parce que Monsieur Hugo Chavez met en application son programme bolivarien qui va en totale contradiction avec les recettes de la famille Bush en ce qui concerne l’exploitation du pétrole. La première tentative à laquelle a pris part aux côtés des américains le même Aznar afin d’écarter M. Chavez du pouvoir, il y a deux ans ayant échoué néanmoins les dents de Bush et de Rumsfeld continuent à grincer de rage et rien à ce sujet n’est exclu. Rien n’est exclu même si le général Myers dans son rapport confidentiel destiné au Congrès Américain (El Pais du 04/05/05)reconnaît l’incapacité de la machine militaire américaine de se lancer pour le moment dans un nouvelle invasion pour une raison ou pour autre.

Par conséquent et pour revenir au sujet du changement d’horaire, logiquement et même en Occident, il n’a plus raison d’être à moins qu’il ne s’agisse d’une question de manque de confiance au sein même des occidentaux, entre européens et américains, chose qui n’est pas à exclure au moins niveau de la concurrence strictement économique. De toute manière ce genre de méfiance mutuelle entre occidentaux reste toujours en vigueur et c’est leur affaire.

Où se trouve donc pour nous – arabes musulmans de Tunisie – l’utilité dans ce changement d’horaire ? – Est-ce qu’il s’agit aussi d’une question de réduction énergétique injustifiable à tous les points de vue, car nous avons de la lumière du jour à profusion et notre secteur industriel est loin de représenter une quelconque consommation significative d’énergie et de là, une charge aux contribuables insupportable. Après tout même si nous ne sommes pas de grands producteurs de pétrole, on peut bien penser que le pétrole de nos « voisins » arabes (certains de l’intelligentsia rechignent à utiliser des termes « peu réalistes », comme frères par exemple pour désigner la population d’une région arabe ou musulmane voisine ou lointaine. Ils se sentent beaucoup plus proche de l’homme blanc) pourrait bien nous arriver à des prix préférentiels ou même symboliques pour ne pas aspirer à mieux. Ou est-ce que toute décision bonne ou supposée comme telle pour les occidentaux devrait nécessairement aussi l’être pour nous autres ? – Si oui il y a beaucoup d’autres décisions sûres et confirmées, dans le domaine politique, social, scientifique etc. qui ne trouvent encore aucune application, ni ne soulèvent aucun intérêt au niveau des décideurs dans la société. Il suffirait de peu et on justifierait une telle décision par le respect à la légalité internationale. En tout cas le citoyen à qui on doit rendre compte ou devant lequel on est en obligation de justifier toute action ou décision, est totalement absent de l’échiquier et ce genre de justifications ou de débats se déroulent – comme toujours – en vase clos, au sein des membres de la même élite, qu’ils soient directement au pouvoir ou au pouvoir de fait. Ces messieurs se sont habitués à ne jamais rendre de compte à personne et tout débat entre eux relève de l’exercice de leurs aptitudes théâtrales ou cinématographiques qui sont sans lendemain.

Dans son article monsieur Ben Youssef, a fait aussi référence à ce qu’il appelle nos compatriotes expatriés en Europe. Franchement on ne voit aucun rapport ni aucun intérêt pour ceux-ci de savoir que dans leur pays, on a la même heure que dans leurs lieux de résidence provisoire. Et si on doit contenter tous les expatriés de ce côté-là, on voit mal comment le faire avec ceux qui se trouvent au Canada par exemple. Quant à l’anecdote venue dans le même article concernant le retour de l’auteur d’un voyage en Suisse et en atterrissant à l’aéroport il a voulu remettre sa montre à l’heure du pays, c’est-à-dire la retarder d’une heure, il a vu son ami de Libye lui dire sur un ton plaisantin, écrivait-il, qu’il fallait retarder sa montre non pas d’une heure, mais d’un demi siècle, il est de constater, avec une grande amertume hélas, qu’il ne s’agit point de plaisanterie mais bien d’une grande vérité accablante. Une vérité qui a cessé d’émouvoir les privilégiés de la société arabe en général et locale en particulier.

Par contre si cette mise au pas, à l’heure européenne, obéit à un ordre implicite ou explicite, on serait bien en droit de se demander où est la souveraineté dans tout cela et à quoi peut-elle servir ? – Ou est-ce que la souveraineté – dans cette jungle de la mondialisation – s’est évaporée et qu’un gouvernement n’a plus aucun sens que dans la mesure où il sert de gardien fortement armé des intérêts du grand capital ? – A chaque fois qu’un des éléments caractéristiques de la société se trouve sur le chemin de ces intérêts, les mêmes voix fusent de partout avec les mêmes arguments les plus saugrenus, les plus burlesques, les plus risibles, et enfin les plus irrationnels pour l’écorcher au pilori et l’enlever de la voie. Pratiquement toutes les valeurs morales de la société ont fini d’avoir le moindre rôle, précisément dans n’importe quel secteur de la vie économique. On est allé même jusqu’à créer – toujours avec les mêmes arguments abjects – des secteurs économiques totalement conformes aux exigences de la mondialisation et en contradiction flagrante avec les valeurs morales de la société. Les valeurs morales de toute société ne sont pas venues pour servir de fétiches décoratifs ou de talismans, mais bien comme éléments déterminants dans la construction sociale, sans lesquels toute réalisation aussi extravagante dans ses apparences reste vouée à un effondrement inéluctable.

Monsieur Ben Youssef, a considéré, ce changement d’horaire comme un accouchement difficile et delà comme l’évènement de la semaine. Un faux évènement sans aucun doute. Pourtant dans la même semaine, de réels évènements se sont produits dans la région même, dans le monde arabe et musulman et enfin dans le monde entier. Aucun n’a suggéré des réflexions de sa part. Ni le fonctionnement, ou plutôt le non fonctionnement de la justice, ni les arrestations arbitraires de simples citoyens, ni la corruption tous azimuts qui s’est définitivement mélangée avec l’oxygène qu’on respire, ni le taux de chômage qui grimpe sans arrêt, ni dettes monstrueuses, rien de tout cela ne semble constituer un évènement. Ni la résistance en Irak, ni les tentatives de Mahmoud Abbés qui cherche éperdument comment désarmer la résistance en Palestine, ni le baiser du prince héritier Abdallah, l’héritier de son moribond demi-frère Fahd, sur les joues de Bush dans son ranch du Texas, ni le début de soulèvement qui s’amorce finalement en Egypte et enfin ni même la visite du premier ministre turc Rejep Erdogan à Sharon, aucun de tous ne représente un évènement. Encore un autre évènement dans la même semaine. La visite du ministre de affaires étrangères de Sharon (un tunisien de naissance, soit dit en passant) en République Islamique de Mauritanie accueilli par des manifestations hostiles dans tout le territoire. Le président Ould Sidi Ettayaa a fait encore mieux. Il a carrément renvoyé le jour du congé hebdomadaire du vendredi au dimanche, ainsi il ne sera pas déphasé par rapport aux « normes » des temps qui courent. Mais il doit quand même remplacer le terme islamique ou sinon le supprimer. Il y a certainement beaucoup d’autres évènements qui auraient pu constituer matière à réflexion, mais monsieur Ben Youssef a – et il est totalement libre de le faire – choisi celui qu’il a considéré le plus intéressant. Je pense qu’il ne voit, lui non plus, aucun inconvénient à ce que moi – en tant que lecteur – je commente son éditorial en toute liberté.

Avec tous ces « pas de géants » – selon la presse locale et particulièrement celle du parti au pouvoir – on s’achemine vers l’heure véridique, celle de Sharon, ainsi on ne sera plus à la même heure européenne, mais carrément à l’heure de tout le monde.