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Finalement, Nidaa Tounes n’était qu’une machine destinée à porter BCE au pouvoir sur la base de deux leitmotivs fallacieux : le prestige de l’Etat et la compétence. L’opération a été mise en place dès l’été 2013 pour diluer la mouvance réformatrice qui prenait corps au Bardo. Aujourd’hui, l’arrangement entre les deux gérontes arrive bientôt à terme : mettre la Tunisie sous la coupe d’un pouvoir conservateur partagé entre anciens et nouveaux oligarques, anciens et nouveaux profiteurs d’un système pourtant arrivé à saturation, dès 2010 ; ce qui semble complètement échapper aux nouveaux alliés.

C’est la pire chose qui puisse arriver à un pays en pleine effervescence qui a, plus que jamais, besoin des Réformateurs, de leurs idées et de leur vision pour sortir du marasme dans lequel l’ont enlisé tous les gouvernements post-révolutionnaires.

Alors que les Conservateurs, pseudo-nationalistes et pseudo-religieux, vont s’unir pour sceller la chape de plomb qui va s’abattre sur un pays devenu intenable et pour lequel ils n’ont aucune autre solution que le retour de l’Etat policier; les Réformateurs, eux, s’agitent, mais toujours dans la division.

Déjà en 2011, alors qu’ils étaient les héritiers naturels d’un mouvement révolutionnaire qui avait pour objectif de réformer un système désuet en éliminant ses tares, ce message, réformiste, progressiste, clair, historique, séduisant, fondateur, novateur, intelligent, chargé d’idées et de visions, a été complètement dilué dans leur effritement. En clair, la communication politique des Réformateurs ne s’est pas faite. Le mouvement révolutionnaire a, alors, été récupéré par ses premiers ennemis, les Conservateurs religieux, qui se sont coltinés deux partis progressistes, le CPR et le Takkatol, pour prendre à leur compte un réformisme de façade tout en tuant dans l’œuf toute idée réformatrice. Ainsi, alors qu’aucune réforme n’était mise en place, la justice transitionnelle s’est muée en racket des profiteurs de l’ancien régime et l’Etat rentier s’est mis à la disposition de ses nouveaux maîtres.

Après des décennies de crétinisme politique, les Tunisiens, égarés par un discours politique religieux dénué de tout réalisme, se retrouvaient orphelins du projet réformiste et plongés dans les méandres d’intérêts extérieurs usant de la manne révolutionnaire pour réaliser leurs objectifs stratégiques lointains.

Écœures par la gabegie, les Tunisiens ont cru bon de voter utile et réussirent, haut la main, à vaincre les islamistes, rendant ainsi caducs des centaines d’études et de rapports sortis des plus grands Think-tanks qui prévoyaient le triomphe des islamistes dans toute élection démocratique dans le monde arabe.

Mais, faute d’un parti défendant sérieusement les idées et le projet réformateur, ce n’est que contre l’ennemi commun que s’est fomenté le mouvement du vote utile.

De multiples nouvelles initiatives politiques

Aujourd’hui, alors que la déception des votants est à son apogée, face à la désintégration d’un parti censé remettre à flot la Tunisie, mais qui s’est laissé embrigader par les islamo-conservateurs, sur un fond malsain de népotisme, les initiatives politiques se multiplient.
Cependant, rebutés par les égos et le marasme ambiant, tous les initiateurs sont méfiants vis à vis des autres et surtout des formations politiques existantes. Tous veulent mettre chartes, programmes, solutions, devant le travail politique proprement dit, mais cette frilosité génère la division, la même division qui, en 2011, a détruit le message et le mouvement réformateurs.

Comment faire converger toutes ces initiatives vers un mouvement réformiste fiable et puissant ?
Par la création d’une plateforme politique susceptible de les unir par le biais d’une Charte et d’un Règlement communs ?

Par la création d’un méta-parti ?

Les formules techniques abondent. Ce qui manque, c’est la motivation et la confiance en soi.

Pourtant, le danger est là. Aujourd’hui la révolution est en perdition, le mot, lui-même est honni, mais derrière ce rejet, il y a une grande manipulation et les intérêts puissants de ceux qui veulent le maintien d’un système taillé à leur mesure. Ces gens-là ont vu une nouvelle formation de rentiers politiques les rejoindre, ils se sont rassemblés car leurs intérêts pécuniaires sont au-dessus de toute considération doctrinaire. Or, leur appétit est proportionnel à leur aveuglement face à un pays exsangue qui leur explosera entre les mains pour un plongeon dans l’inconnu, peut-être le chaos. Un chaos rendu possible par des régions entières laissées pour compte et par une situation terrible en Libye, sans oublier l’Algérie où le pouvoir est en fin de parcours.

Le rassemblement des Réformateurs, l’organisation de leurs idées pour mettre en place un projet basé sur une vision est, désormais, une nécessité nationale absolue.