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Mohamed Hanchi, 40 ans, blessé de la révolution, est mort vendredi 26 février vers minuit à l’hôpital de Ben Arous. Issu d’une famille pauvre, Hanchi était marin à Hammam Lif. Le 13 janvier 2011, il reçoit une balle qui transperce sa cuisse et s’installe dans son bassin. Depuis, son calvaire n’a pris fin qu’avec son dernier souffle. À raison de deux opérations par ans, Mohamed a subit une dernière intervention chirurgicale, le 9 janvier 2016, suite à laquelle, le staff médical découvre un cancer métastasé qui a envahi une partie de sa colonne vertébrale, ses intestins et ses reins.

Le soir du 13 janvier 2011, Mohamed cherchait un moyen de transport pour rentrer chez lui. Il entendait des cris et des tirs. « Je venais tout juste de finir ma journée de travail. Il faisait nuit et j’attendais le bus juste derrière le poste de police » déclarait-il dans une vidéo publiée en mai 2012. Mohamed n’a pas vu celui qui lui a tiré dessus.

Absence de l’État et collectes de fond pour l’hospitaliser

Mohamed Hanchi a été transféré à l’hôpital de Nabeul, juste après avoir reçu la balle perdue. Il a subi une ablation d’une partie de ses intestins ce qui l’a rendu incontinent. Il faisait ses besoins dans une poche qui a favorisé les infections. Fin juin 2011, l’hôpital de Nabeul demande à sa famille de le faire sortir malgré son état de santé instable. Il revient alors chez lui où il vivait dans une cabane dans la montagne de Borj Cedria. Sa plaie s’était infectée et sa famille indigente était incapable d’assurer des soins quotidiens ou de supporter leur coût.

L’association Nsitni [Tu m’as oublié] ainsi que d’autres collectifs et militants indépendants se mobilisent pour que Mohamed soit admis à nouveau dans un hôpital. Le 3 juillet 2011, il se fait opérer mais la balle reste encore logée dans son corps amaigri. Sur la page facebook « Sauvez Mohamed Hanchi », une des militantes témoigne, deux semaines après son opération, « Il a toujours besoin de poches dans lesquelles il fait ses besoins. Ces poches sont chères et parfois indisponibles. Sa famille doit se rendre dans des villes voisines pour les trouver ».

Après cette deuxième opération, l’état de santé de Mohamed Hanchi ne s’améliore pas. Suite à des appels aux dons sur les réseaux sociaux, un homme d’affaire s’est chargé de l’hospitalisation de Hanchi, dans une clinique de Hammamet durant quelques semaines en août 2011. Un an après, Mohamed se fait interner dans une autre clinique privée à Tunis, payée par d’autres bienfaiteurs.

Vérités cachées et dignité bafouée

Selon le collectif  Vérité et Justice, la dernière opération qu’a subi Mohamed l’avait rendu paraplégique. Malgré les longs séjours dans les hôpitaux, la commission médicale chargée des blessés de la révolution « n’a pas pensé à regarder de plus près, à lui faire subir des examens, des radios avant cette opération ? Et on lui découvre bien tard, trop tard un cancer assassin métastasé en stade terminal […]. Pourquoi les médecins n’ont pas exploré la zone avoisinant l’impact de la balle qui l’avait blessé (là où la tumeur a proliféré par la suite -métastases osseuses, hépatique, rénales, surrénaliennes, pancréatiques et musculaire) ? » se demande le collectif dans une note publiée, ce samedi 27 février.

Majdouline Cherni qui a perdu son statut de secrétaire d’Etat mais toujours chargée du dossier des martyrs auprès de Habib Essid, s’est rendue le 15 fevrier 2016 au chevet de Mohamed Hanchi. Quelques heures après sa mort elle s’est fendue d’un statut facebook où elle dénie « tout lien de causalité entre la blessure pendant la révolution et la maladie qui a causé sa mort ». Pour sa part, le collectif  Justice et Vérité ainsi que la famille de Hanchi accusent l’État de laxisme et appellent l’Instance vérité et dignité (IVD) à mener une enquête sur les causes de la mort de Mohamed et « de protéger tous les documents concernant le défunt avant qu’ils ne soient détruits pour que la vérité émerge et que l’histoire enregistre jusqu’où ont menés le mépris et l’arrogance des responsables, qu’ils soient politiques, administratifs ou médicaux ».