Donald Trump a été élu. Personne, sauf peut-être lui-même, ne s’y attendait mais il a été élu. Donald Trump est un outsider. Il est en dehors. Il sort de nulle part sinon de la téléréalité et de son compte en banque, gonflé à exploser par les milliards de dollars gagnés dans l’industrie immobilière. Au sein même du Parti républicain, il suscite la méfiance et le rejet. Wall Street ne l’aime guère. Et pourtant il a gagné. Il est désormais le président de la première puissance mondiale. Et il a de la bouillie dans la tête. Une bouillie répugnante. Toutes les mauvaises idées du monde, il les a dans le crâne, infâme mixture dont nous avons eu un avant-goût dans les propos qu’il a tenus durant la campagne électorale. Suprématiste blanc, national-impérialiste, ploutocrate et richophile, autoritaire, sexiste, Donald Trump est de surcroît très antipathique. S’il est imprévisible et bourré de contradictions, il n’est pas difficile d’imaginer dans quel sens s’orientera sa politique si rien ne s’y oppose. Il essayera d’écraser encore plus que ce n’est déjà le cas les pauvres américains qui ont voté pour lui parce qu’ils en ont marre d’être écrasés par la machine financière et de subir le mépris des élites et des classes moyennes libérales ; il fera son possible pour foutre le maximum d’afro-américains en prison ; il jubilera chaque fois qu’un Mexicain se cassera la tête contre un abominable mur garanti anti-mexicains par le fabricant ou que des réfugiés syriens, en particulier les musulmans, se verront rejetés à la frontière ou enfermés dans des « zones de sécurité »; il tentera de trouver des « solutions » aux crises du monde arabe en négociant des alliances avec les pires dictateurs et dictateurs en puissance ; il s’évertuera à faire danser de joie Benyamin Netanyahou. Et, en ce qui concerne la Tunisie, dont Trump ignore peut-être l’existence, nul doute que les répercussions de la politique américaine contribueront à la dégradation des rapports de forces au bénéfice de tous les salauds. Voilà en gros le désastre auquel il faut se préparer sinon se résigner.

Pour être tout à fait honnête, tout président qu’il est, Donald Trump ne fera pas ce qu’il veut, en supposant qu’il ait d’autres ambitions que celle d’occuper la Maison blanche. Il devra composer avec les multiples instances et les quantités de lobbies concurrents qui déterminent aussi la politique américaine. Rarement, il faut dire, dans le bon sens. Mais ce qui est certain, c’est qu’aujourd’hui, pas plus qu’hier, il n’y a rien à espérer des Démocrates. Qu’en attendre, en effet, quand on sait que sur toutes les questions qui inquiètent dans les propos de campagne de Trump, le bilan des Démocrates, d’Obama et d’Hillary Clinton, est catastrophique et souvent bien pire que celui des Républicains avant eux. On ne peut l’oublier au prétexte que celle-ci sait se taire quand lui choisit de trop parler. C’est peut-être dur à avaler mais si l’on a toutes les raisons d’être horrifié par la victoire de Donald Trump, on ne peut pas décemment pleurer la défaite de la candidate démocrate. Trump est le dernier cadeau des Démocrates. Seules demeurent, parce que c’est nécessaire, les résistances sociales et politiques. Mais avant que celles-ci ne donnent naissance à une alternative qui batte en brèche le duopole républicain-démocrate, beaucoup de malheurs arriveront.

Il y a longtemps, très longtemps, j’ai lu une phrase du vieux militant et théoricien marxiste, aujourd’hui décédé, Ernest Mandel.  Elle n’était pas très originale mais, à l’époque, elle m’avait impressionné.  Elle disait ceci : « Derrière chaque raison de désespérer, il faut découvrir une raison d’espérer ». Si un jour j’ai un cancer foudroyant et qu’un médecin me dit une chose pareille, je lui écrase un fer à repasser sur la tête.