En discutant avec un ami, journaliste à l’Agence TAP, je l’ai trouvé vexé, outragé, voire même indigné par l’article que j’ai publié dans l’édition de TunisNews du 25 septembre 2005 sous le titre : « la TAP : pépinière de chiendent ».

Non pas qu’il conteste le contenu de cet article, qu’il trouve tout à fait exact et véridique, et même en deçà de la réalité. Mais il estime que le choix du titre était malheureux parce qu’il laisse entendre que tous les journalistes de la TAP sont à mettre dans le même panier, occultant ainsi un pan entier, et des plus lumineux, de l’histoire de cette institution, qui fut près de 15 années durant (du milieu des années 70 jusqu’au début des années 90) le principal foyer de résistance et de contestation dans le secteur de la presse et de l’information.

Je lui ai expliqué que mon papier n’était qu’une simple réaction à un témoignage publié la veille sur le même support (TunisNews), qu’il ne portait que sur un volet bien précis et qu’il n’avait nullement la prétention de traiter de tous les aspects de la question. Et je lui ai promis, dans le jargon d’un agencier, de publier le « rectificatif » qui s’impose.

A la manière d’une dépêche TAP, voici donc, à l’adresse de tous mes consoeurs et confrères de l’agence, qui se sont sentis visés ou offensés, un nouveau papier qui « reprend et complète » notre « envoi précédent » sans « annuler » ni « remplacer » ce qui a déjà été écrit.

La pépinière TAP, la vraie, n’a pas produit que du chiendent. Plusieurs personnalités de la société civile qui comptent aujourd’hui sur la scène nationale, dans le domaine de la défense des droits de l’homme et de la liberté d’expression, ont commencé leur carrière à l’Agence TAP. C’est le cas notamment de la célèbre avocate Radhia Nasraoui. Mais je peux citer encore beaucoup d’autres cas dans des secteurs aussi divers que la diplomatie, les arts, l’enseignement, etc.

Pour ce qui est des journalistes, beaucoup de gens ignorent certainement, surtout parmi les jeunes et à l’étranger, que le célèbre billettiste Mohamed Guelbi dont la savoureuse « Lamha », publiée par le journal « Essabah », et reprise quasi quotidiennement sur plusieurs Sites Internet, inaccessibles à partir de Tunis, est un retraité de l’Agence TAP.
C’est lui qui, au milieu des années 70 à ouvert l’appétit des tunisiens à la contestation, en publiant, chaque semaine dans le journal « echa’ab » sa tonifiante pilule « harboucha ». Il a contribué, indirectement, au soulèvement du 26 janvier 1978 et en a payé le prix.

C’est à partir de cette date que les journalistes de l’Agence TAP sont devenus, peu à peu, le fer de lance de la profession en formant, dès 1977, le noyau dur de l’AJT qui allait constituer l’ossature de tous les comités directeurs qui se sont succédé à la tête de cette association, jusqu’en 1990. Certains professionnels du secteur parlaient alors d’hégémonie exercée par les journalistes de la TAP sur l’AJT.

En mars de cette année, la tornade « Ben Salah » (certains parlent de cyclone ou d’ouragan) a dévasté l’Association et sa périphérie. Beaucoup de ses confrères de l’Agence qui ont voté pour lui, le portant démocratiquement au poste de président, s’en mordent aujourd’hui les doigts.

Grand manipulateur et habile manœuvrier, Ben Salah et la clique qu’il allait constituer à partir du congrès de 1992, ont su exploiter, astucieusement, les divergences et les désaccords qui traversaient la profession et le secteur, après le fameux « changement », pour faire main basse sur l’association et la servir sur un plateau d’argent au parti au pouvoir.

Face à une telle force de la nature, les vétérans de l’Association n’ont pu opposer aucune résistance. Tels les habitants de la Nouvelle Orléans, lors du passage de Katrina, ils n’avaient d’autres solutions que d’évacuer.

En quittant l’AJT, (beaucoup leur reprochent aujourd’hui encore cette désertion), ces « vétérans » ont laissé le champ libre à une étrange coalition de mercenaires, d’opportunistes et d’incrédules qui continue, jusqu’à aujourd’hui, à présider aux destinées de l’AJT, devenue, au fil des ans, tantôt une agence immobilière, tantôt une agence de voyage et qui fait aujourd’hui office d’amicale où l’on s’échange et se partage, complaisamment et coquinement, les faveurs et les privilèges.

L’AJT sera, parait-il, dotée bientôt d’un nouveau siège qui « sied à sa position ». Elle qui, pendant de longues années, est restée une véritable ADF (Association Sans Domicile Fixe), qui changeait de local, quasiment après chaque congrès et qui, faute de subvention, avait toute la peine du monde à payer ses frais de loyer et le salaire de sa secrétaire.

Au milieu des années 80, lors de la grande répression du mouvement syndical qui a précédé l’adoption, sous le diktat du FMI, du Programme d’Ajustement Structurel (PAS), les journalistes de l’Agence TAP étaient, également, au premier rang des défenseurs des libertés syndicales dans le secteur de la presse.

Faouzi El Adhari, alors secrétaire général du syndicat de base de la TAP en paya les frais. Il fut licencié pour avoir refusé de cautionner la création d’un syndicat fantoche, les fameux « Chourafas ». Le cas de Faouzi El Adhari a été réglé depuis. Il a réintégré l’Agence au milieu des années 90.

Presque au même moment, et plus précisément en mars 1995, un autre journaliste de la TAP, Kamel Labidi, militant des droits de l’homme et farouche défenseur de la liberté de la presse, sera, à son tour, licencié pour avoir publié dans le journal « La Croix » dont il était le correspondant à Tunis, une interview du Pr. Moncef Marzouki, bête noire du régime qui s’était alors porté, symboliquement, candidat à l’élection présidentielle de 1994.

Kamel Labidi a été contraint à l’exil, contrairement à ce que pensent encore quelques uns. Il est aujourd’hui journaliste freelance, basé au Caire, et occupe les fonctions d’expert et de consultant auprès de plusieurs organisations et associations de défense de la liberté de la presse dans le monde, dont le CPJ et l’IFEX.

Rappelons, pour terminer, que ce sont encore des journalistes de la TAP qui allaient défrayer la chronique, en 1989, en signant la fameuse pétition dénonçant la nomination de Mohamed Hedi Triki au poste de DGA de l’Agence. Une affaire qui avait tenu en haleine l’opinion publique tout entière. C’était dans l’euphorie du « changement » et les journalistes de la TAP, comme tous les autres citoyens tunisiens, avaient pris pour argent comptant la déclaration du 7 novembre.

Patriote 2005