La polémique concernant une limitation des préservatifs par la Banque Centrale ayant récemment agité la presse et les réseaux sociaux est, en grande partie, fondée sur des intox. Les informations approximatives et confuses de certains médias tunisiens ont contaminé la presse française. De quoi pousser certains professionnels de la santé et militants de la lutte contre les maladies sexuellement transmissibles à s’indigner vu la menace qu’une interdiction de l’importation des préservatifs pourrait représenter pour la santé publique. Or, la lettre de la BCT contenant la liste des produits « non-nécessaires » à l’importation, adressée à la direction de la Qatar National Bank (QNB) et fuitée par IlBoursa.com, ne fait qu’annoncer la suppression des lignes de crédit d’importation pour un ensemble de produits. Les importateurs auront donc l’obligation d’assurer une garantie de leurs fonds propres à hauteur de leurs importations.

Aucun impact sur les condoms subventionnés par l’Etat

Pour séparer le vrai du faux, Nawaat a contacté des responsables de l’Office National de la Famille et de la Population (ONFP), du Conseil National de l’Ordre des Pharmaciens de Tunisie (CNOPT) et de l’Association Tunisienne de la Lutte contre les Maladies Sexuellement Transmissibles et le Sida (ATL MST/SIDA).

Fatma Temimi, sous-directrice des services médicaux et des activités de terrain de l’ONFP, affirme que la mesure ne concerne pas les préservatifs subventionnés. « Le ministère de la santé, à travers le Fonds Mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, a déjà passé une commande de 10 millions de préservatifs qui seront mis à la disposition des citoyens dans les centres de santé, gratuitement, comme cela a toujours été le cas », nous a-t-elle confié. Cette commande se fait sur deux années. Les plannings familiaux, centres de dépistage et autres locaux de santé publique seront approvisionnés tout à fait normalement.

Inquiétude des pros et des militants associatifs

Pour sa part, Chedli Fandri, président du CNOPT, s’est dit ignorer quels préservatifs au juste sont concernés, à l’exception de ceux subventionnés par l’Etat. « Nous pensons que c’est une mesure à court terme due au sur-stockage des produits survenu suite à la dépréciation du dinar », explique le responsable de l’ordre des pharmaciens. Cependant, il est inquiet du risque que les fournisseurs n’aient pas les fonds nécessaires pour importer sans recourir à un crédit ou s’il y aura rupture de stock dans les officines suite à la décision de la BCT. « Nous n’avons pas été préalablement consulté par le ministère du commerce », regrette Chedly Fandri.

L’inquiétude des acteurs de la société civile porte surtout sur l’élargissement de la mesure à d’autres types de préservatifs. Bilel Mahjoubi, directeur exécutif de l’ATL MST/Sida, considère que le terme technique employé porte à confusion : « Même les spécialistes consultés ne savent pas ce qu’est un préservatif en caoutchouc vulcanisé non durci. Un glissement vers des interprétations dans tous les sens était prévisible ». Et d’ajouter : « De plus, l’idée de limiter l’importation des préservatifs pour faire des économies, sachant que la Tunisie n’en fabrique toujours pas, est contre-productive. Les ruptures de stock sont fréquentes dans nos pharmacies et centres de santé. Pourtant, c’est le moyen le plus utilisé pour prévenir les infections sexuellement transmissibles ».

Même si une certaine confusion subsiste quant au type de préservatifs touché par la mesure, une chose est sûre: les préservatifs subventionnés par l’Etat continueront d’être importés régulièrement, étant un outil principal de santé publique préventive. Cela n’empêche qu’il existe des problèmes quant à l’accès à ces préservatifs. Les contrôles douaniers et sanitaires sont très lents et les ruptures de stock se multiplient. Les pharmacies n’en ramènent d’ailleurs presque plus. La mesure de la BCT pourrait diminuer l’importation des préservatifs les plus coûteux, un choix de plus en plus sollicité par les Tunisiens.

Notes

  1. * Les médias nationaux : HuffPost Tunisie, WePostMag, AfricanManager…etc
  2. ** Les médias internationaux : Jeune Afrique, Le Point, Géopolis, France Info