« Écrire, c’est surtout essayer de survivre » dit Le Clezio. Meriem Ben Mohamed, victime d’un viol par deux policiers, illustre parfaitement ce combat. Avec pudeur et dignité, mais aussi courage, elle relate dans son livre, Coupable d’avoir été violée, son combat devant la justice et le traumatisme de son viol. Elle évoque également sa vie de jeune tunisienne comme les autres avant que ce drame ne vienne faire tout voler en éclats. Pour recoller les morceaux, Meriem a ainsi décidé de s’exiler en France avec son fiancé, pour tourner la page et ne plus vivre dans la crainte perpétuelle de représailles. Le 29 avril prochain doit se tenir l’audience préliminaire du procès de ce crime devenu affaire d’État en Tunisie.
Dans la nuit du 3 au 4 septembre 2012, sur une route de la banlieue nord de Tunis, Meriem Ben Mohamed est victime de plusieurs viols commis par deux policiers, un troisième ayant menotté, éloigné et racketté son fiancé. La jeune femme, qui a le courage de surmonter le parcours du combattant de nombreuses victimes d’agressions sexuelles en Tunisie, porte plainte, persiste et devient un symbole. Dans ce livre, écrit en collaboration avec Ava Djamshidi, journaliste au Parisien, elle revient sur ces derniers mois éprouvants afin de combattre les préjugés et en espérant que son témoignage «serve à d’autres filles ».
Le récit pudique d’un « Cauchemar »
Meriem était une jeune tunisienne comme beaucoup d’autres, vivant chez ses parents et très proche de sa sœur jumelle, une jeune diplômée d’un Master en finances, galérant pour trouver un travail. Une jeune tunisienne qui s’enthousiasme aussi, malgré ses inquiétudes et sa méfiance du système, en suivant l’actualité de la Tunisie, les élections, les manifestations…
Il suffira d’une soirée ordinaire : un frugal dîner sur le bord de la route, elle raccompagne son fiancé chez lui en voiture et voit sa vie basculer dans l’horreur après une interpellation par des policiers, sur le chemin du retour. En suivant le calvaire de Meriem, on découvre des policiers, violents, pervers et ripoux qui n’hésitent pas à lui demander, sans gêne aucune « Qu’est-ce que tu peux nous donner ? ». Ils exercent un chantage odieux sur le fiancé lui réclamant « 300 dinars (150 euros), 100 pour chacun des trois ripoux » pour ne pas exercer de représailles sur lui et sa fiancée.
Peine perdue, l’extorsion d’argent ne sera malheureusement pas leur seul méfait … Et rien n’y fera, ni les tentatives du fiancé, ni les supplications de Meriem, ni ses pleurs … L’un des policiers n’hésitant pas à refermer la porte de la voiture sur la main de la jeune fille qui essaye de s’enfuir.
La jeune femme ne cache pas non plus les ravages collatéraux d’un tel drame, une mère qui a tenté de se suicider ou certains amis qui se font la malle continuant « à penser que ce n’était pas grand-chose », les voisins accusateurs, et la terreur d’une vengeance des policiers et de leurs proches.
Pourtant, malgré le récit suintant d’horreur de cette nuit, Coupable d’avoir été violée est un livre qui humanise une jeune femme, victime d’un crime dont le but même est de déshumaniser, de détruire, de réduire au rang d’objet. Dès cette même nuit, Meriem n’a d’ailleurs pas de doute, faisant preuve d’une force et d’une ténacité que sa frêle silhouette ne laisserait pas deviner :
« Je vais me battre contre mes agresseurs. J’en ai la volonté farouche. Je vais me révolter. »
Un système et une société impitoyable … avec les victimes
« Dans son cerveau de Tunisien, la victime des viols : ce serait lui » :
déclare la jeune Meriem à propos de son frère obnubilé par ‘l’honneur’, précisant même qu’elle ne le lui a jamais dit, craignant pour sa propre vie s’il découvrait la vérité.
Une attitude, jetant l’opprobre sur la victime et non le criminel, qu’elle retrouvera souvent tout au long de son chemin de croix afin que justice lui soit faite. Au commissariat (où ses agresseurs iront jusqu’à la suivre pour la harceler), elle aura toutes les peines du monde à déposer sa plainte et subira un interrogatoire de sept heures. Seule une responsable locale de police l’encouragera à ne pas abandonner. En passant par l’accueil frigorifique et accusateur du personnel médical ; Il lui faudra faire trois hôpitaux, avant d’être auscultée.
« On sait comment les gens réagissent ici à l’égard des filles violées. Leur regard est terriblement violent. »
La jeune femme aborde divers sujets, parfois révélateurs de la société tunisienne : La peur du déshonneur, la schizophrénie d’une jeunesse tiraillée, les agressions verbales ou physiques, subies dans la rue ou ailleurs par les femmes; et banalisées par une société où pourtant près d’une tunisienne sur deux est victime de violences physiques dont 21,3 % sont d’ordre sexuel et pratiquées dans l’espace public, d’après une étude menée en 2011 par L’ONFP (l’Office National de la Famille et de la Population).
Que justice soit faite
C’est pour se reconstruire et tourner la page, mais aussi pour ne pas en arriver à exercer elle-même la loi du Talion que Meriem Ben Mohamed demande justice :
« Ces hommes m’ont tuée. Je prendrai ma revanche si on m’y oblige. […] Ma vie dépend de leur condamnation. »
Elle dit ainsi attendre de pied ferme le procès, plus forte que jamais :
« Je ne crois pas en la Justice mais je crois qu’ils seront condamnés. D’abord, toutes les preuves sont contre eux. Et l’affaire a été très médiatisée … Je suis sûre que justice sera faite.»
Coupable d’avoir été violée n’est finalement pas un livre fait uniquement pour toucher les victimes de viols ou les femmes … mais pour interpeller toute une société tunisienne, parfois dépeinte sous un jour réaliste et, malheureusement, à juste titre, sombre. Meriem Ben Mohamed espère sa traduction prochaine en langue arabe pour sensibiliser le plus de personnes …
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1. Meriem Ben Mohamed : pseudonyme choisi par la jeune femme.
2. Coupable d’avoir été violée, Meriem Ben Mohamed, avec Ava Djamshidi. Michel Lafon
Enfin, la France pourra changer de sujet de conversation. Au nom de la France reconnaissante, merci Meriem ben Mohammed pour ce gentil interlude. Grâce à toi le nom du prophète honni ira à l’avenir de pair avec viol et violence à l’égard des femmes, que cela rime ou pas. Telle n’est pas la question. C’est en fait un peu comme la chanson de Frank Sinatra:
Love and marriage, love and marriage,
Go together like a horse and carriage.
You can’t have one without the other.
Bien sûr l’écrivaillonne qui a couché ta tragédie sur le papier n’a rien prémédité. Elle était de bonne foi. Le mal est en moi. Je suis comme tous les Arabes qui croient aux conspirations et ne se laissent pas convaincre de la bonne volonté des innocents qui nous veulent du bien. Mea culpa donc.
Cela fait maintenant deux ans que le favori à la course présidentielle française Dominique Strauss Kahn a été pris presque la main dans le sac après le viol de la femme de chambre Nafissatou Diallo au Sofitel de New York. Il n’est pas venu à l’esprit d’Ava Djamshidi d’aller la rencontrer pour entendre son histoire. Pourquoi? Est-ce parce que DSK est juif et que ceux qui parlent de lui ne seraient que des antisémites? C’est aussi ce que veut faire croire son biographe et ardent défenseur Michel Taubmann qui s’est tout de suite dépêché de réécrire sa biographie pour y défendre la thèse d’un complot contre l’ex-favori à la présidentielle française. Pour lui DSK ne serait que le modèle du French Lover. Même lorsqu’il trempe dans des histoires de bordels et de proxénétisme. Pour le fondateur de la revue Marianne, Jean-François Kahn, DSK n’a fait que perpétuer une tradition bien française, celle de trousser les soubrettes. Sa journaliste Martine Gozlan qui a sauté sur ton histoire comme sur celle d’Amina pour démontrer tout le mal qu’elle pense des islamistes de Tunisie et d’ailleurs était trop occupée par d’autres sujets pour vilipender son boss. Selon le biographe de DSK, Nafissatou Diallo était “en service commandé pour monter un traquenard contre le directeur général du FMI”. Mais dans ton cas c’est le contraire qui s’est passé, comme on a pu l’entendre de la bouche d’une politicienne tunisienne à l’antenne de France24: Les policiers qui t’ont violée étaient en service commandé du gouvernement et principalement de l’horrible parti islamiste Ennahdha qui pratique le terrorisme sexuel pour faire taire les opposants. Je n’ai nulle part entendu que tu faisais de l’opposition. Mais ce n’est qu’un détail. Bientôt on entendra que tu en fais. Beaucoup voudraient l’entendre. Comme beaucoup préfèrent fermer hâtivement les dossiers à peine qu’on parle des tortures et des viols dans les sinistres geôles de Bourguiba où on violait les épouses devant leurs maris, les maris devant leurs femmes et les enfants devant leurs parents. On ne veut rien entendre de cela, ni des scènes de boucherie qui avaient lieu dans les centres de torture comme Sabbat Edhlam à Tunis où on égorgeait les Youssefistes après une longue nuit de supplices. Ensuite on les dépeçait en quartiers comme des moutons ou des boeufs et on les chargeait dans des sacs qu’on sortait à dos d’ânes dégoulinants de sang. Caïd Essebsi veillait à la sécurité de la Tunisie en ces temps heureux. La France qui a choisi de se faire représenter en Tunisie par des ambassadeurs sosies des trois singes qui ne voient rien, n’entendent rien et ne disent rien, n’était bien sûr pas au courant. Après la révolution ses ambassadeurs ont aussi démontré qu’isl ne savaient pas lire le français des Tunisiens. Sinon ils auraient pu faire un tour dans les librairies de Tunis pour remettre leurs pendules à l’heure. Par conséquent, n’étant pas au courant, le brave président socialiste François Hollande (qui contrairement aux photos récentes n’avait pas sa braguette ouverte à sa descente d’avion en Chine) a jugé qu’il fallait faire plaisir aux anciennes victimes de Bourguiba, devenus ministres, en inaugurant un buste de Bourguiba sur l’esplanade portant son nom dans la capitale où la lumière crève les yeux. Les petits Français curieux apprendront ainsi que leur président, champion des droits de l’homme dans le monde, a voulu rendre hommage à un criminel qui en plus envoyait ses sbires à l’étranger pour occire ses opposants. Ils pourront ainsi se demander: Mais où est l’esplanade Pinochet? Où peut-on voir les statues de Hitler, Mussolini, Staline et (pourquoi pas?) celle du général Aussaresses connu pour son utilisation de la torture pendant la guerre d’Algérie et qui s’en est vanté dans un entretien avec le journal Le Monde en 2000? Hollande a encore du temps devant lui pour témoigner de l’hommage que la France non chauviniste sait rendre aux grands hommes, d’où qu’ils viennent et quels que soient leurs actes odieux. Les Touaregs du Mali lui dresseront peut être un jour une statue de sable parce qu’il a été ‘détruire’ les islamistes. A l’occasion on pourra peut-être jouer ‘Le Pinguin’ de Carla Bruni, pour ne pas avoir à entendre la rengaine de La Marseillaise à chaque fois. Il faut vivre avec son temps. ‘Liberté, Egalité, Fraternité’, c’est de l’histoire ancienne, cela. C’était avant que la France ne se lance dans la colonisation des ‘races inférieures’ comme disait Jules Ferry auquel Hollande a offert sa victoire présidentielle. Oui, Hollande a encore quatre ans devant lui même si sa popularité est en train de sombrer au dessous de 24%.
@Fathi
Je veux vous poser la question « labess » ? rabbi yechfik.
Vous essayez de mettre la poussière sous le tapis ? Faire la politique de l’autruche ? Vous tentez de mêler un sujet de société à la politique ? C’est le fait que le pouvoir en place a été éclaboussé par cette affaire vous irrite ? Vous ne supportez pas les critiques occidentales ?
Je vais même vous aider dans votre démonstration. Vous savez que Ibn khaldoun a dit « les seuls peuples à accepter l’esclavage sont les nègres, en raison d’un degré inférieur d’humanité, leur place étant plus proche du stade animal ». Il a dit aussi : «ils ne méritent-ils pas d’être comptés parmi les hommes ».
Allez, plus d’ibn khaldoun dans nos rues et dans nos manuels et arrêtons de le poser comme un symbole national. J’espère que vous plaisanter avec votre commentaire.
Arrêter, comme a dit l’autre de voir la paille dans l’œil du voisin et ne pas voir la poutre qui est dans le sien. Ferry,DSK,bourguiba ;ghannoucie,islam…ect…personne ne doit échapper à la critique du moment où il vient mettre à mal nos idéaux humanistes et universels.
« robba 3odhrin a9bahou min thanbin ». vous voulez dire quoi exactement ? Circulez il n’y a rien à voir, ailleurs ils font pire ?
Notre société est malade et il faut avoir le courage de mettre le doigt là où ça fait mal pour espérer arranger les choses et changer les mentalités. Sur un tel sujet on s’en fiche de ce que pense l’occident du moment où est persuadé qu’il y a là, un gros problème de société.
Si vous n’êtes pas capable de sentir de l’empathie envers cette jeune femme violée alors vous devez vous poser des questions sur votre humanisme. Les excuses bidons sont irrecevables. On doit tous s’incliner devant cette tragédie humaine et œuvrer pour que ça ne se reproduise pas. Je vous rappelle qu’elle s’est produite en Tunisie et non pas en occident. On est assez grand pour savoir qu’il ne faut pas généraliser et ramener tout ça à la « civilisation arabo musulmane » parce que qu’on sait que cela existe de partout.
Arrêtez de tout ramener aux ennemis de l’islam ou à la politique. On a besoin d’affirmer, en toute lucidité, des valeurs nobles en Tunisie.
« le corps de la femme n’est pas un objet sexuel »
« le corps de la femme n’est l’honneur de personne »
Méditer sur cela pour le bien de notre société au lieu de faire une petite guerre mesquine à l’occident et à Bourguiba.
Pour finir, tous mon soutien à meriem ben mohamed et j’espère que son témoignage va nous épargner des sorts semblables..
ثورى على شرق السبايا
و التكايا …والبخور
ثورى على التاريخ
وانتصرى على الوهم الكبير
لاترهبى أحدا فإن
الشمس مقبرة النسور
ثورى على شرق
يراك وليمة فوق السرير
(1968 -يوميات إمرأة لا مبالية-)
نزار قباني
révolte toi!
je veux que tu te révoltes
révolte toi contre l’orient des captives
et des hospices et de l’encens
révolte toi contre l’histoire
et triomphe de la grande illusion
ne crains personne
le soleil est le cimetière des aigles
révolte toi contre un orient qui te voit….un banquet sur le lit.
(nizar kabani)
« Nous ne devons pas avoir honte d’admirer la vérité et de l’accueillir d’où qu’elle vienne, même si elle nous vient de générations antérieures et de peuples étrangers, car il n’y a rien de plus important pour celui qui cherche la vérité, et la vérité n’est jamais vile ; elle ne diminue jamais qui la dit ni qui la reçoit »
Al KINDI
[…] Meriem Ben Mohamed, souriante mais pale est restée seule avec ses avocats, impatiente de témoigner, enfin, devant le juge. Après quelques instants, un des avocats sort de la salle pour nous annoncer la nouvelle : on a décidé de reporter encore une fois … « les reports successifs prouvent la délicatesse de l’affaire et l’embarras dans lequel se trouve la justice qui essaye par tous les moyens de garder opaque le déroulement du procès », nous confie un des avocats de la victime. […]
[…] le scandale du viol de Meriem par les trois policiers et son accusation d’atteinte aux bonnes mœurs, l’acharnement […]
[…] combat de Meriem s’est achevé par un verdict «a minima», ses agresseurs ayant été condamnés, le 31 mars […]
[…] part des militants. En l’occurrence, les affaires de Jabeur Mejri, Eya, Azyz Amami ou encore Meriem Ben Mohamed, qui ne sont pas les seuls opprimés dans ce […]
[…] En Tunisie, les femmes aussi sont soumises à ce type d’examen invasif forcé pour prouver qu’elles se prostituent. Mais l’accusation de prostitution peut servir à discréditer les femmes, comme ce fut le cas de Meriem, violée par deux policiers en 2012. […]