Nabil-Karoui

Désormais médiatisé en tant que dirigeant de Nida Tounes, Nabil Karoui ne se contente pas des titres de presse qui font sa propagande. Nessma, chaîne dont il est copropriétaire, est instrumentalisé au gré de ses soubresauts de novice de la politique. Ne pouvant pas occuper tout le temps d’antenne, la rédaction de la chaîne en consacre une bonne partie aux collaborateurs de « Si Nabil » invités à jouer ses copies pâles.

Il est 19h50. En ce jeudi 30 juin, Nessma a interrompu ses programmes pour transmettre une manifestation en duplex depuis l’Avenue Bourguiba. Les téléspectateurs en attente de « Hedhoukom » doivent avoir été surpris. Mais ce n‘est qu’un prélude. Il s’agit d’une action d’un groupuscule dénommé Mouvement Article 8, soutenu par Nabil Karoui. Au micro du reporter, le porte-parole de cet organisme, Oussema Khelifi de Nida Tounes, fidèle de Nabil Karoui depuis la première crise qui a secoué le parti. Egalement « conseiller auprès de la direction générale de Nessma », Khelifi est donc le subalterne de Nabil Karoui au boulot et au parti. Une position profitable pour le bonhomme puisqu’elle lui assure un généreux temps d’antenne de la part de la chaîne où il officie.

Plus de voix à l’antenne, mêmes positions

Nessma-Mobile-Khlifi-Karoui

Comme par hasard, le Mouvement Article 8, qui revendique « une meilleure représentation des jeunes », jouit du soutien affiché de Nabil Karoui, 53 ans. L’implication du copropriétaire de Nessma l’a même poussé à assister à l’une des réunions préparatoires de la manifestation de ce groupuscule attrape-tout. Et comme par hasard, il adopte la même position que lui vis-à-vis des pourparlers sur la composition d’un gouvernement d’union nationale. Autre coïncidence : Nessma est la première à s’intéresser au Mouvement Article 8, début juin. D’ailleurs, le Mouvement Article 8 a bénéficié, à la veille de son action à l’Avenue Bourguiba, de plus d’une vingtaine de minutes durant l’émission Ness Nessma News et un live d’une heure et demi le jour même.

La démission de Nabil Karoui de ses fonctions de directeur général de Nessma en janvier dernier suite à sa désignation comme membre du comité politique de Nidaa Tounes a de plus en plus l’air d’une simple question de forme, surtout que le nouveau patron n’est autre que Ghazi Karoui, son frère. Un louvoiement avec l’article 9 du cahier des charges de la Haute Autorité Indépendante de la Communication Audiovisuelle (HAICA) interdisant le cumul des deux fonctions.

Une instrumentalisation effrontée

Il suffit de suivre Les News de Nessma du mercredi 29 juin. « Le vice-président du Forum de la Famille Destourienne Nabil Karoui s’est réuni aujourd’hui avec la chargée des affaires politiques à l’ambassade américaine Auden McKernan autour du programme du Forum de la Famille Destourienne. Une réunion durant laquelle les deux parties ont discuté la situation générale dans le pays », assène la voix du présentateur Hassen Belwaer. Une semaine avant, mercredi 22 juin, un reportage de Ness Nessma News sur la « crise de Nida Tounes » d’une durée totale de 2 minutes et 50 secondes a consacré 2 minutes et demi à la position de Nabil Karoui. Il y est d’ailleurs présenté d’une manière caricaturale. « Nabil Karoui, le leader, membre de l’instance politique de Nida Tounes, ami du président de la République et l’une des personnalités qui l’ont activement soutenu, a été un des plus grands critiques de la représentation de Nida par Hafedh Caïd Essebsi durant les concertations », lance un journaliste en voix off. Et c’est parti pour une revue de presse hagiographique de l’actionnaire fondateur de la chaîne TV.

Toujours avec le même culot face à la régulation, Nabil Karoui continue à instrumentaliser Nessma au gré de ses caprices politiques. En avril 2015, c’était pour mener la dissidence contre l’instance constitutive de Nida Tounes à prendre les rênes du parti et y décrocher un siège. En avril 2016, c’était pour une opération de branding politique faisant main mise sur la marque destourienne. Aujourd’hui, c’est pour consolider sa position au sein de Nida Tounes, régler ses comptes avec son ami désormais ennemi Hafedh Caid Essebsi et accroitre son influence sur le Palais de Carthage. Pour atteindre ses objectifs, il ne craint pas le ridicule allant jusqu’à se pavaner, en t-shirt rendant hommage à Muhammad Ali, dans le meeting du Mouvement Article 8, son nouveau produit de consommation disponible sur le marché politique au plus bas prix.