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Photo: slateafrique.com

La coordination nationale de L’union des diplômés chômeurs, la structure suprême de l’organisation la plus représentative des diplômés sans emploi en Tunisie, a décidé lors de sa dernière session d’entamer les élections des bureaux régionaux.

L’objectif est de tenir un congrès national et d’en finir par conséquent avec la structuration provisoire adoptée à contre cœur depuis 2006, date de fondation de l’UDC, par une dizaine des militants de l’union générale des étudiants de Tunisie, sous le feu de Ben Ali.

À cette occasion, nous avons mené cet entretien avec M. Salem Ayari, coordinateur général, afin de mieux cerner les attentes du congrès ainsi que sa position quant à la conjoncture, notamment suite au dernier remaniement ministériel.

Quel était le comportement du régime de Ben Ali à l’égard de votre organisation ?

Sous Ben Ali, l’UDC n’a pas été reconnue bien que toutes les dispositions et les procédures légales ont été respectées. C’était d’ailleurs le cas de la majorité des associations militantes qui ont refusé de se soumettre à la dictature et à ses restrictions.

La police politique et les milices du parti au pouvoir n’ont jamais cessé de nous tabasser sauvagement lors de nos manifestations. Des poursuites judiciaires et des arrestations ont injustement eu lieu à l’encontre de nos agitateurs dans l’espérance de contrarier notre raison d’être et notre détermination. L’UDC n’a pourtant pas baissé les bras jusqu’au l’évasion de Ben Ali.

Bref, contrairement aux manœuvres mafieuses, l’Union a su non seulement conserver sa cohésion, mais elle a, dans ce contexte même, renforcé nos convictions et nos valeurs.

Quelles sont vos attentes concernant le congrès ?

Le congrès est prévu pour le 25 mai 2013 à Tunis et il sera évidemment l’aboutissement d’une série d’élections de bureaux régionaux lancées ce 16 avril. En effet, Zaghouan a déjà élu ses onze représentants, et sera suivie par Jendouba et Beja dans quelques jours.

Cette occasion représente pour nos militants une rupture immédiate avec la dispersion organisationnelle et l’improvisation et tend, entre autres, à aménager la cuisine interne dans le but de renforcer nos capacités de planification nécessaires à toute action militante fructueuse. Nous aspirons à ce que le congrès soit un point de départ pour une institution qui a longtemps souffert de la marginalisation gouvernementale, notamment après le 14 janvier.

Aujourd’hui, l’Union des diplômés chômeurs, avec ses dix-mille adhérents, a en particulier besoin de rationaliser ses activités. En effet, avec cent-soixante-dix bureaux locaux couvrant les vingt-quatre gouvernorats, notre organisation est dans l’obligation de repenser sa gérance, son administration, sa méthodologie de programmation et ses techniques d’intervention auprès des chômeurs et l’ensemble du mouvement populaire, lui-même cible de choix postrévolutionnaires inappropriés.

Nous visons par ce congrès, et avec une extrême vigilance, une métamorphose au sein de l’esprit même de nos partisans : fini le temps ou l’union se contente de dresser sa voix contestataire face à l’oppression de l’état et ses organismes bureaucrates.

Dorénavant, L’action des chômeurs doit impérativement se munir de ses propres propositions concrètes et de ses alternatives sociales capables d’arracher cette catégorie sociale à la peste du chômage qui ne cesse de s’accroitre en Tunisie, notamment dans les régions internes. La consolidation organisationnelle demeure une priorité que le congrès veillera à résoudre pour répondre aux attentes de trois-cent-quinze diplômés chômeurs dont soixante-mille ont plus que trente ans.

Ce juillet, soixante milles jeunes diplômés s’ajouteront à la liste des chômeurs dans le cadre d’une nette stérilité étatique à créer de l’emploi aux sortants de l’université tunisienne. Un lourd bilan qui exige une organisation suffisamment structurée pour répondre aux attentes de ses adhérents en quête d’emploi, de dignité et de liberté.

Il est donc crucial de mettre en marche un processus de promotion de profil militant capable de se mettre à l’écoute de ses confrères et d’agir dans leur intérêt et ayant à la fois une prédisposition intellectuelle d’analyse de contexte spécifique (régional et local) et une habilité de résolution des problématiques sociales en question.

Comment jugez-vous le comportement ministériel postrévolutionnaire ?

Grâce à la révolution, l’organisation a été légalement reconnue. Toutefois, l’attitude des gouvernements provisoires n’a pas changé en profondeur. Bien que les portes soient ouvertes, il n’en reste pas moins vrai que les négociations entamées manquent de sérieux.

La volonté politique d’entamer effectivement la résolution du dossier du chômage est malheureusement quasi absente. Le ministère de l’Emploi contredit en permanence ses déclarations médiatiques et refuse de mettre sur table et de revoir les alternatives économiques et sociales adoptées de sa part. Le modèle de développement adopté par les autorités n’est qu’une autre version de celui mis en place par Ben Ali.

En effet, les mêmes mécanismes d’embauche (SIVP, mécanisme 16, etc.) sont encore en vigueur. L’État ainsi que le capital privé doivent assumer à leur tour la responsabilité : l’investissement dans les grandes industries et la réhabilitation du secteur agricole au profit des diplômés chômeurs qui ont droit à la richesse nationale.

La mise en place immédiate d’un dispositif de lutte contre la corruption dans les concours nationaux, le soutien aux jeunes entrepreneurs et la garantie de la couverture sociale pour les diplômés chômeurs sont des mesures d’urgence que le gouvernement doit prendre.

Ferid Rahali