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La politique actuelle en Tunisie devrait s’écrire avec la seconde lettre de l’alphabet et non ce P initial qui rappelle par trop la pièce de théâtre de Sartre où la P… respectueuse, malgré ses valeurs dérogeant à la norme, finit par plier sous le poids des mots, se conformant aux conventions sociales dans une fausse liberté célébrée et un libre arbitre mythifié par l’aliénation, les inégalités criantes.

À voir le niveau auquel on s’est abaissé, la politique se transforme, pour paraphraser Raphaël Korn-Adler dans sa Vie aux enchères en “putain qui vend ses propres enfants, en gros ou au détail”. Elle est, au mieux, une comédie burlesque avec en point d’orgie les élections nationales qu’on organise tambour battant dans le total désintéressement populaire.

Une démocratie dévergondée

Tout indique que nos politiciens ont fait le choix de dévergonder l’esprit de la démocratie pour faire triompher les intérêts partisans. Or, il est un fait que le système des partis nuit à la démocratie vraie et ne la sert plus comme ce fut le cas auparavant.

D’ailleurs, les Tunisiens ne s’y sont pas trompés en ne se pressant pas pour s’inscrire sur les listes électorales. Ils savent d’instinct et du fait d’un sens populaire d’une sagesse éprouvée qu’on se paye leur tête avec cette comédie d’élections-bidon ayant tout du chiqué. Aussi les boycottent-ils; et les démocrates dans ce pays ont intérêt à faire de même, suivre l’exemple de peuple bien plus instruit du manichéisme de ses élites dont la seule visée est le pouvoir, son prestige, ses délices.

Un scénario occidental

Ce qui se passe en Tunisie est un scénario taillé sur mesure par les amis d’Occident pour leur allié du jour, le parti islamiste afin de pérenniser sa présence au pouvoir. On estime, du côté américain, que le parti de cheikh Ghannouchi est ce qui représente au mieux un islam supposé tolérant, mais surtout conciliant avec les intérêts stratégiques de l’oncle Sam.

Les élections purement formelles précipitées selon un scrutin taillé sur mesure serviront à maintenir au pouvoir ce nouvel allié fidèle. Une majorité somme toute similaire à la précédente s’en dégagera où les islamistes renouvelleront une légitimité perdue dans une alliance scellée avec les caciques de l’ordre déchu proches des intérêts occidentaux, la galaxie tournant autour de M. Caïd-Essebsi.

Des élections inutiles

Les élections qu’on organise sont démocratiquement inutiles, n’ayant pour but que de consolider la présence à la tête de l’État du parti de M. Ghannouchi moyennant un partage du pouvoir Nidaa Tounes.

Tout porte à croire que la transparence et la loyauté proclamées des opérations projetées ne seront point au rendez-vous; il suffit de voir la mainmise des proches du parti islamiste et des nostalgiques de l’ancien régime sur les rouages de la machinerie électorale. Certes, cela ne veut pas dire que l’ISIE ne cherche pas à être indépendante, mais comment l’être quand elle relève d’un système inféodé à une donne politique irrésistible et irrépressible, ayant tout de la force majeure ?

Imposée par les amis d’outre-Atlantique et appuyée par ceux d’outre-Méditerranée, elle implique la pérennité du supposé gouvernement de compétences indépendantes pour une durée plus ou moins longue.

Il est clair que si l’on avait une once d’attention pour l’intérêt du pays, si l’on voulait réellement que le peuple manifeste sa volonté et exerce sa souveraineté, on aurait commencé par mettre en oeuvre les acquis de la constitution imposée par la société civile et substitué à ces manifestations inutiles des élections véritablement utiles qui sont des municipales et des régionales, les seules de nature à réconcilier le peuple avec la politique et aider à redresser le pays en remettant en marche nos municipalités et nos gouvernorats.

Quand les démocrates cautionnent l’arnaque électorale

On n’a donc affaire ni plus ni moins qu’à une arnaque électorale. Or, il est aberrant et même monstrueux que les démocrates de ce pays la cautionnent, puisqu’ils savent d’avance qu’ils ne pèseront pas lourd dans la machinerie mise en branle.

Ainsi, après avoir abandonné une à une les conditions impératives de la feuille de route pour l’organisation d’élections honnêtes, dont notamment la neutralité absolue de l’Administration, les voilà qui se précipitent, tête la première, dans le piège électoral. Aussi qu’ils ne s’étonnent pas de se retrouver bientôt avec un simulacre de démocratie où la majorité ne représente pas le peuple faute d’un taux de participation suffisant et des conditions véritablement transparentes de l’opération de vote. On aura fatalement un gouvernement fantoche, issu d’une opération électorale frelatée, n’ayant de démocratique que la forme; l’apparence n’est-elle pas toujours trompeuse quand l’intention est mauvaise ?

Où est donc dans tout cela la démocratie ? Où sont les impératifs catégoriques de nos démocrates? S’en soucient-ils encore par rapport à des intérêts politiciens bien enchevêtrés, arrangeant tout le monde sauf le peuple ?

Boycottons des élections machiavéliques !

Nos démocrates ou supposés tels adhèrent-ils au schéma voulu par l’Occident pour la Tunisie consistant à y ériger un État simili démocratique où il importe surtout de faire librement ses affaires ? De là à transformer la Tunisie en marché ouvert au capitalisme sauvage, il n’est qu’un pas que ces démocrates aideront à franchir en participant aux élections qu’on nous organise, comme on organise une marche vers l’échafaud pour les condamnés à mort.

Que tout un chacun dans ce pays ayant la fibre patriote et prétendant croire en la démocratie boycotte donc cette comédie d’élections machiavéliques qu’on nous jette aux yeux comme une poudre de perlimpinpin !

Qu’ils suivent la sagesse populaire snobant ce mauvais scénario d’une démocratie au rabais ! Qu’ils exigent d’abord la fondation de l’État de droit par la suspension immédiate des lois de la dictature et la mise en oeuvre des droits et libertés constitutionnels !

Et qu’ils appellent, si on souhaite des élections, au remplacement de celles de la honte qui viennent par des élections locales qui permettront au peuple revenir à la politique ! Mais est-ce que cela intéresse nos politiques ? Certainement pas; et les démocrates ou supposés démocrates ? Une question qui attend réponse !