Djerba la douce s’enlise dans les ordures et la violence !

L’île des rêves est devenue une grande décharge d’ordures à ciel ouvert. À côté des hôtels, sous les beaux palmiers, sur les plages et autour des maisons blanches, des poubelles nauséabondes polluent l’air, l’eau, la terre et pourrissent la vie des habitants. Djerba est devenue une destination pas touristique du tout, mais le repaire idéal des moustiques et autres insectes que les habitants n’ont jamais vu auparavant.

Depuis deux ans, Djerba pâtît d’une gigantesque vague d’ordures éparpillés sur toute l’île ou presque. En 2012, suite aux infractions de la société française « SEGOR », qui traite les déchets dans la décharge de Guellala, les habitants ont mené un rude combat avant de gagner la bataille, en partie, quand une décision politique a validé la fermeture de la décharge. Un nouvel épisode a, donc, commencé : les délégations spéciales n’ont plus où mettre les poubelles puisque la deuxième décharge « Bou Hamed », située à Medenine, n’est pas autorisée à recevoir les déchets de l’île. En même temps, les autorités n’ont pas cherché à trouver une solution radicale à ce problème.

« La délégation spéciale de Houmet Al Souk a passé deux ans à transporter les poubelles dans des lieux improvisés. Au début, nous avons pensé que ça sera provisoire et que les choses vont s’arranger. En fin du compte, nous nous sommes retrouvés à décharger les poubelles partout dans la ville. Chaque période à un quartier différent. La patience des habitants a commencé à montrer ses limites à partir du mois de juin », explique Foued Guechai, membre de la délégation spéciale de Houmet Al Souk, qui vient de démissionner en protestation à la politique de la municipalité et du ministère de l’environnement qui bloquent, d’après lui, les solutions possibles au traitement des poubelles.

La société française « SEGOR », qui a signé une convention avec l’Agence nationale de protection de l’environnement, est chargée d’enterrer les déchets centralisés dans les décharges connues. Une fois, la décharge de Guellala est fermée, l’enterrement des déchets n’est plus possible.

La Tunisie a prévu de passer à la valorisation des déchets depuis 2010 à la place des méthodes traditionnelles. Ce que nous avons fait, depuis la fermeture de la décharge de Guellela, s’inscrit justement dans cet objectif. Nous avons installé un mini centre de compostage qui a traité les déchets des deux quartiers de Tawrit et Mellit pendant une année et demie. Le centre a montré son efficacité et pourtant les autorités refusent de le reproduire. C’est pour cette raison que nous avons démissionné de la municipalité.

Foued Guechai, membre démissionnaire de la délégation spéciale de Houmet Al Souk.

Mohamed Ben Ghazi, activiste écologique à Djerba, a exprimé, lui aussi, sa frustration :

La décision de rouvrir la décharge de Guellala ne va jamais résoudre le problème. Après deux ans, retourner à la case départ est vraiment décevant. Les habitants de Djerba en ont vu de toutes les couleurs, des maladies et des infections, le trafic des poubelles mais aussi de la violence et surtout du régionalisme alimenté par le pouvoir. Nous n’avons jamais vécu des tensions pareilles à Djerba. La présidence de la république a proposé un dialogue entre les parties prenantes, mais il a été annulé à la dernière minute et remplacé par les matraques des forces de l’ordre.

La déléguée de Houmet Al Souk, madame Fethia Gamoudi, ne nous a communiqué aucune information précise concernant la problématique. Elle a juste déclaré être en pleine réunion autour du même sujet, une journée avant les confrontations entre habitants de Guellala et forces de l’ordre. De leur côté, les habitants qui n’ont pas d’autre moyen de communication que les réseaux sociaux ont annoncé un grand rassemblement au centre-ville pour décider tous ensemble de la suite. Les Djerbiens, qui ne comprennent pas la rigidité des autorités locales et le refus d’un dialogue pouvant mener à des solutions à long terme, ne semblent pas vouloir lâcher leur droit à un environnement saint, surtout après les agressions de la police.

communiqué-medecins

Foued Guechai a également évoqué un marché de déchets disputé entre investisseurs étrangers. « 150 hôtels à Djerba génèrent 80 % des déchets de toute l’île. Les investisseurs français et allemands affluent tous les jours pour proposer une convention avec les autorités locales. Je ne trouve pas d’autre réponse à ce blocage que celle de vouloir trouver un arrangement ». Pour le compte de qui et pourquoi ? C’est à cette question que tous les habitants de Djerba exigent, désormais, une réponse !