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Tout lâcher et se consacrer à la terre, c’est le choix d’une famille franco-tunisienne qui s’est installée dans une petite ville rurale pour expérimenter la permaculture. Reportage, chez eux, à Hajeb El Ayoun.

Nous sommes à une soixantaine de kilomètre de Kairouan, au cœur du pays. Corine, Basset et leurs deux filles y vivent depuis trois ans. C’est en 2011 qu’ils ont quitté la France pour Hajeb El Ayoun, avec un projet précis en tête : faire de la permaculture. C’est une méthode de conception permettant de créer des écosystèmes qui répondent aux besoins des êtres humains, tout en respectant la nature. Il ne s’agit donc pas uniquement d’un système agricole qui intègre l’agroécologie ou l’agriculture biologique, mais d’un fonctionnement en boucle où chaque élément vient nourrir les autres. « C’est une spirale vertueuse », note Corine. La permaculture – contraction du mot permanent et du mot agriculture – est née dans les années 70, à l’initiative de deux australiens, Bill Molisson et David Holmgren, qui cherchaient à répondre aux problèmes apportés par le modèle productiviste et capitaliste. Nous sommes alors en plein choc pétrolier. Dans une interview, Bill Molisson, qui se qualifie de « biologiste de terrain et enseignant itinérant », explique qu’il a développé la permaculture après avoir passé des dizaines d’années à étudier les écosystèmes des forêts tropicales et des déserts australiens, et de réaliser : « Alors que les problèmes du monde deviennent de plus en plus complexes, les solutions demeurent honteusement simples ». Ainsi, la permaculture ne se résume pas à une technique agricole, il s’agit d’une philosophie d’intégration qui inclut l’agriculture, l’architecture, l’horticulture, l’écologie, les rapports humains et même la gestion financière. Une nouvelle religion ? « Il n’y a pas de dogmes en permaculture », assure Corine.

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Du jardin à la ferme

Il y a deux choses qui nous ont fait venir en Tunisie : une quête identitaire profonde et notre projet agricole qui nous semblait difficilement réalisable en France, explique Basset.

Pour Corine, il y avait aussi un besoin d’ailleurs. Après avoir construit une petite maison, avec un jardin permacole, dans la petite ville de Hajeb El Ayoun, dont Basset est originaire, le couple vient d’acquérir un terrain de 8 hectares à quelques kilomètres de chez eux. « Une grande étape », lance la jeune femme qui confie avoir plusieurs fois été sur le point de renoncer : « Trois ans, c’est long, au bout d’un moment, on se dit que ça ne sert à rien de forcer ». Leur plan pour les cinq prochaines années est clair : diversification des produits cultivés, rentabilisation des sols et diminution des besoins en eaux. Et surtout, observation. « Un des principes de la permaculture est d’observer de façon attentive les systèmes naturels », développe Basset. « Nous sommes dans une phase de test, où nous essayons différentes cultures, différentes techniques, différentes combinaisons ». Car la permaculture n’est pas une méthode qu’on copie-colle. Elle doit s’adapter aux spécificités du terrain, au climat et aux cultures déjà existantes.

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Compostage

C’est dans leur jardin qu’ils ont commencé les premières expérimentations. Ce qui marque de prime à bord le visiteur, c’est la culture sur buttes paillées. Plutôt que de cultiver directement au sol, les permaculteurs crées un amoncellement de terre surélevé de façon à obtenir des rendements satisfaisants tout en garantissant la restauration et le maintien dans le temps de la fertilité du sol. Au fond du jardin, le tas de compost, riche en sels minéraux et en humus, est utilisé pour améliorer la qualité des sols. « En réalité, il n’y a pas de déchets », énonce Corine.

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La culture sur butte paillés.

Ce qui vient de la nature doit être rendu à la nature. Il faut faire des liens entre les différents éléments du système pour que tout produit qu’on considère être un déchet devienne un intrant utile à une autre partie du système.

Transmission

A terme, le couple souhaiterait produire une partie de ses besoins alimentaires et gagner en autonomie. Mais « nous n’avons pas vocation à nous replier sur nous-même », précise Corine. Au contraire : ils ont organisé cet été un chantier participatif et, le mois dernier, une formation pratique et théorique de design en permaculture où ils ont abordés la thématique de la biosphère, les aménagements en permaculture et le vivre-ensemble sur un territoire.

La question de la transmission est centrale. D’ailleurs, nous avons commencé à mettre en place un réseau de permaculteurs pour, par exemple, échanger nos semences, indique Basset.

Corine a elle-même bénéficié d’une formation en 2010 auprès de Bernard Lonso, permaculteur français. « Nous ne sommes pas issus d’un milieu rural, il n’y avait rien d’inné chez nous, il a fallu tout apprendre », reconnaît-elle. Et quels liens ont-ils tissés avec les habitants de la région ? « Nous ne voulons pas arriver avec notre savoir et leur dire « c’est comme ça qu’on doit faire », mais nous espérons inspirer par l’exemple ». En Tunisie, de nombreuses techniques traditionnelles ont disparu. Or, la permaculture s’inspire justement des écosystèmes naturels tels qu’ils existaient avant l’introduction du pétrole, de la mécanisation et des pesticides. Si faire revivre des techniques ancestrales oubliées n’est pas un objectif en soi pour Corine et Basset, ils ont conscience qu’il y a « un travail énorme à réaliser dans ce domaine ».

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Corine, Basset et leurs deux filles.

Ne pas abandonner

Et le travail, ce n’est pas ce qui manque à cette petite famille. Aidés par un seul agriculteur, Basset et Corine travaillent du matin au soir. « La phase d’expérimentation est compliquée, car on donne toute notre énergie, sans toujours avoir des résultats positifs », soupire Corine qui affirme vivre aujourd’hui encore sur leurs économies. Basset, plus optimiste, ou peut-être plus insouciant, modère : « Le plus difficile est derrière nous, je suis confiant ! ».

Installé sur un terrain semi-aride, le couple a fait appel à l’association Abel Granier pour un diagnostic de leur terrain : « très peu de bio masse utile, des plantes fragiles, peu de légumineuses, et donc globalement un écosystème assez pauvre, mais pas entièrement dégradé. Bref, il y a beaucoup de travail, mais on y arrivera ». Rendez-vous dans cinq ans pour faire le bilan.

A vous !

Nous vous proposons ici les grandes lignes pour démarrer un potager en permaculture sur une petite parcelle ou sur un terrain agricole plus grand.

1 La première phase consiste à se familiariser avec les plantes, les insectes et animaux de votre région ;

2 Observer l’orientation de la parcelle à cultiver par rapport au soleil, aux vents et la quantité de lumière reçue. Ce qui permettra de lister les plantes choisies et de les regrouper en fonction de leurs besoins en lumière, en eau, etc. ;

3 Créer une ou plusieurs bordures. Les bordures sont des périmètres de terre surélevés de 15 à 30 cm. Elles ont un impact minimal sur le jardin car elles permettent de ne pas directement cultiver le sol, ce qui en épuiserait les éléments nutritifs ;

4 Placer les plus grandes plantes de manière à ce qu’elles fournissent de l’ombre aux plantes plus petites et souvent plus sensibles au soleil ;
5 Etaler du paillis sur les bordures. Le paillis empêche la prolifération des mauvaises herbes et enrichit la terre, ce qui élimine le besoin en engrais et désherbants chimiques.

6 Composter. Le compost est un engrais naturel très efficace qui permet de réutiliser des déchets ménagers et des déchets verts.

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L’Ombre du Palmier (Basset et Corine)

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L’Ombre du Palmier.