Nous avons publié hier une vidéo qui semble filmée à l’aide d’une caméra cachée, d’une transaction d’armes à feu entre l’homme d’affaires Fathi Dammak et un présumé trafiquant d’armes. La qualité de l’image est mauvaise mais le son est clair. D’après les propos échangés lors de la transaction, le trafiquant présumé serait membre d’un gang financé par Fathi Dammak en train de planifier des « opérations ».

Nous avons pu acquérir une autre vidéo dont nous publions aujourd’hui un extrait. Cette vidéo semble également filmée en caméra cachée, mais la qualité est meilleure.

Elle montre clairement l’homme d’affaires Fathi Dammak en compagnie d’au moins deux personnes mettant en place des opérations de liquidation et de kidnapping d’hommes d’affaires et d’autres personnalités.

Au début de la vidéo « Fathi » s’adresse aux deux personnes présentes dans son bureau en disant : « Chafik ne doit pas être considéré comme n’importe qui.  »

L’une des personnes présentes répond : « On lui a dit que c’est le maître, on le lui a dit… Ce n’est pas un jeu. »

Fathi ajoute « On doit les surveiller très attentivement » … « Taher Khantech….faut le descendre le plutôt possible . »

L’une des personnes présentes : « Et Adel ? »

Fathi : « Le plus important…c’est Chafik Jarreya… d’après des sources fiables …l’argent est dans le coffre de la voiture.»

La deuxième personne (qui porte la caméra cachée) « Il stocke l’argent dans le coffre et il circule…en le surveillant, les mecs sauront s’il ouvre souvent sa malle… »

La deuxième personne ajoute : « Faut faire travailler nos hommes, on se focalise sur Taher Khantech. »
Fathi « Vous connaissez celle de Taher… »

La première personne : « Oui, on doit vérifier son adresse…Il entre depuis la porte de la résidence. »

Fathi : « L’appartement est au 4ème étage, la porte de droite. »
La deuxième personne à la première : « Prend note Belhassen, prend note.  »

Belhassen :« Il y a une boite aux lettres, on connaitra son appartement »… « Essadek m’a dit que la maison de Chafik Jarreya est au Lac »… « En ce qui concerne Taher Khantech…demain on t’apportera des informations sûres… la marque de sa voiture, sa plaque d’immatriculation…les endroits qu’il fréquente »… « Taher est à la cour de cassation ? »

Fathi : « Non…à la cour d’appel »

Belhassan : « Et Adel Bou Halel ? »

La 1ère personne : « A Akhbar Al Joumhouria »

6 minutes et 50 secondes Fathi s’adresse à tout le monde : « Belhassen, Ali, je vous conjure de ne rien raconter à Samir et à Zouhair…Une information a été colportée…personne n’est au courant…Le soir, on dit qu’il est en train de préparer une conférence de presse afin de déclencher une guerre médiatique…Nous n’avons pas divulgué cela… et personne n’est au courant…j’ai même contacté Nessma pour mon journaliste…le soir ».. «  Cette information ne doit pas être communiquée.  »
Ali (ayant la caméra cachée) : « Top secret… »

16 minutes et 55 secondes :

Belhassen à Fathi : « Revenons à notre sujet Mr. Fathi…vous nous donnez une idée sur… »

Fathi : «  Sur qui ? »

Belhassen : « Chafik »
Fathi : «  Son fils a un grand projet aux jardins d’El Menzah. »

Ali va fermer la porte et la discussion continue.

18 minutes et 48 secondes Fathi ajoute « On le trouve souvent seul…il faut le kidnapper carrément de sa voiture…lui donner un bon coup de poing et le mettre à l’arrière.  »

20 minutes et 7 secondes :

Fathi précise : « Toute l’opération est une vraie étude… »

Belhassen : «Chafik ou bien Salah El Manai ou bien Khantech…Chafik Jerraya, c’est une autre affaire. »

Fathi « Khantech par exemple, tu le renverses et tu passes sans souci, déboule le, désosse le…une dépouille quoi …Et poursuis ton chemin, tranquillement, le tour est joué. »

Ali : « Même chose pour Adel Bou Hlel. »

Fathi : «  Même chose. »

Ali : « Celui là, n’a-t-il pas dans son programme Rafik Jerraya ? »

Fathi : « Les personnes dont je vais vous donner les noms…sont des vendus. »

Minute 21 :40 Ali : «Non, mais tu sais, on doit bien passer l’information à nos hommes pour qu’ils comprennent, qui sera liquidé et qui sera extorqué…pour qu’ils sachent quoi faire.  »

Fathi à Belhassen : « Par exemple toi et Amine… »

Belhassen : « Moi et Amine, nous nous occupons de Chafik. »

22 minutes et 10 secondes :

Ali ajoute : « Nous avons sous la main l’ami intime de ce dénommé Kamel Ltaief et tout l’argent de Kamel est chez lui…aux alentours de Soukra. »

Ali : « Surtout qu’en cette période Kamel Letaief est assailli de toutes parts. »

Fathi : « Ils ne sont pas au courant qu’il est avec Letaief…loin de là… j’ai son numéro de téléphone…lui aussi est un homme d’affaires . »

Fathi : « Noureddine Hchicha de même. »

En plus de cet entretien qui expose des plans de liquidations et de kidnapping, une autre séquence vidéo montre l’implication effective de Belhassen dans cette affaire.

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Qui est Fathi Dammak ?

Fathi Dammak a déjà accordé une interview à Hannibal TV où il s’est présenté comme l’entrepreneur d’un grand nombre de chantiers, victime d’ « une cabale orchestrée par Belhassen Trabelssi ».

En effet, Fathi Dammak a déclaré sur Hannibal TV que « le gendre de Ben Ali a voulu devenir son associé. Suite à son refus, le gouverneur de Ben Arous l’a contraint à verser la somme d’un milliard dans le fond de solidarité nationale 2626.

Ensuite, une descente policière a procédé à la destruction des bâtiments. Fathi Dammak considère aussi qu’il était victime d’une campagne de diffamation de la part du régime après sa fuite au Maroc. Sachant que Fathi Dammak a porté plainte, d’après le journal Chourouk, contre des proches de Belhassen. Le juge d’instruction du tribunal de Première instance de Tunis s’est chargé de cette affaire. D’autre part, le journal « Al Massaa » a publié des documents, que dont nous n’avons pas pu vérifier la véracité, mettant en évidence l’implication de Fathi Dammak dans plusieurs affaires d’escroquerie.

Nous notons que Mr. Fathi Dammak a créé un blog intitulé « La mafia de Belhassen Trabelssi contre un seul homme Fathi Dammak » où il a exposé des documents relatifs au déroulement de l’affaire de l’entreprise immobilière « El Baath El Aakari et Alnajah » où il relate en détail l’injustice qu’il aurait subie.

Pour revenir à la question des vidéos, nous transmettons un commentaire de Mr.Walid Fekri publié en réponse à l’article de la première vidéo  :

« Je confirme personnellement que la personne présente dans cette vidéo est bel et bien l’homme d’affaires Fathi Dammak et que l’enregistrement a eu lieu dans son bureau à El Manar.

Février dernier, j’ai préparé un débat télévisé sur Hannibal TV autour de la corruption en Tunisie et sur les pistes pour lutter contre ce phénomène. Le débat devait être animé par mon collègue Wael Toukebri. Au moment de la préparation, j’ai consulté quelques collègues en vue d’inviter un homme d’affaires victime de la corruption sous Ben Ali et ses proches. L’une des collègues m’a conseillé d’inviter le dénommé Fathi Dammak, puisqu’il détient des dossiers de corruption.

Je l’ai contacté et j’ai pris un rendez-vous dans son bureau. On a parlé plus que deux heures des dossiers de corruption et des barons de la malversation en Tunisie, surtout parmi les hommes d’affaires en Tunisie.

Puis, on s’est mis d’accord pour préparer un reportage autour de son expérience personnelle douloureuse avec les Trabelsi, puis pour l’inviter au studio afin de présenter ses dossiers d’une importance majeure impliquant un grand nombre d’hommes d’affaires corrompus, d’après ses propos. Et il m’a assuré qu’il aller divulguer des informations concernant Chafik Jerraya et Khaled El Kobbi en présentant des dossiers au Premier Ministre et à la Commission nationale d’investigation sur les affaires de corruption.

Deux jours après cet accord, je l’ai rappelé pour fixer la date de l’interview mais, à ma grande surprise, il a commencé, tout d’abord, à m’éviter puis à ne plus décrocher le téléphone. Je me suis même adressé à son bureau à El Manar. L’un de ses employés m’a assuré qu’il était en réunion et qu’il me recontactera en personne, ce qui n’a jamais eu lieu.

J’ai laissé cette histoire croyant que c’est la peur qui l’avait dissuadé, mais, à priori, il a dû choisir le camp des corrompus de Tunisie. La question qui se pose donc : De quelles opérations parle-t-on dans cette vidéo ? Les hommes d’affaires corrompus se trouvent-ils derrière les attentats des courants islamistes radicaux en Tunisie et au Maghreb ? »

Des questions se posent aussi d’un point de vue technique et opérationnel : Pour quelles raisons un des membres de ce réseau armé a-t-il filmé les plans d’actions et la transaction d’armes ?

Face à l’existence d’un tel réseau armée, on ne peut que s’interroger sur les motifs et les buts de ce type d’organisation. S’agit-il de motivations financières ou est-ce la traduction de l’échec de la justice transitoire à faire régner la justice ?

Une chose est sûre : la situation est grave puisque les armes sont à portée de main et circulent librement dans les marchés noirs. D’un autre côte, il est probable que Dammak ait été victime des exactions de Belhassen Trabelsi, mais cela ne justifie pas ses intentions criminelles. Mais le point essentiel de l’affaire n’est pas là.

Peu importe qu’il soit réellement victime d’une injustice, qu’il veuille se venger ou obtenir un dédommagement financier, le plus important ici est le fait que des opérations de liquidations de personnages publics soient planifiées. Cela peut être lu comme des règlements de comptes politiques qui entraineraient le pays dans une spirale de violence, voire même dans une guerre civile.

De plus, la révélation de l’existence d’un réseau armée montre que l’armement illégal n’est pas uniquement l’apanage du courant salafiste. L’absence d’un processus régulier de la justice transitionnelle fait grandir le sentiment d’injustice, poussant à la planification de vendetta.