Ce projet de constitution est un hold-up de la révolution
Karima Souid, députée de l’Assemblée Nationale Constituante
Ces mots lancés par la députée Karima Souid quelques jours avant la diffusion du brouillon de la constitution annonce un projet qui ne fait pas consensus au sein des députés. C’est pourtant bien la version qui a circulé sur internet avant même d’être soumise aux députés, qui sera étudiée par le comité mixte de coordination cette semaine.
Après un premier brouillon publié le 6 août 2012 et un second, le 14 décembre 2012, un troisième a été soumis le 23 avril 2013. Cependant, certains députés comme Karima Souid du bloc démocratique ont critiqué le fait que le projet rendu public avait été modifié par rapport à la version originale.
Nous en sommes encore à un texte avec un double référentiel, religieux et civique. Or il faut trancher pour savoir à quoi on se réfère. Cette indétermination peut continuer d’avoir des répercussions ensuite sur l’interprétation du texte. Pour moi, cela reste un choix politique car la majorité reste attachée à ce référentiel religieux. Après la révolution, nous allons nous orienter vers des années de réformes législatives. Si la constitution est chargée en référents religieux, les lois le seront aussi.
Salsabil Klibli
Mais c’est aussi le rôle des commissions évoqués qui pose problème selon Fadhel Moussa. « J’ai le sentiment que le rôle des commissions a été amoindri par la révision de l’article 104 du règlement intérieur qui donne un pouvoir à la commission mixte de se libérer des autres commissions. Bien sûr il faut que l’on ait le pouvoir de trancher mais jusqu’où peut-on modifier le travail des commissions? Je pense que notre commission doit s’en tenir aux principes de la non-régression et cela n’est pas précisé. » Selon le député, le draft actuel qui a été présenté à l’opinion publique ne reflète pas le projet qui sera présenté en plénière puisqu’il eut être encore modifié par le comité mixte. En effet, certains députés reprochent à la commission de coordination, les premiers changements qu’elle a effectués sur le texte. Pour la députée du Bloc démocratique, Nadia Châabane, « le texte a subi un toilettage en règle » écrit-elle dans un billet. « Les changements introduits laissent penser que l’on a réfléchi à un texte sur mesure et non plus sur un texte fondateur d’un pacte commun. » Pour la députée, le fait que certains articles aient été enlevés et que d’autres aient été rajoutés démontre une ingérence dans le travail des commissions. La question par exemple de l’article sur la cour constitutionnelle a soulevé l’indignation de la députée. En effet dans le texte initial, la cour devait être composée essentiellement de juristes, leur nombre est passé de 20 à 10 entre les deux versions.
L’article 5 qui déclare que « l’Etat garantit la liberté de croyance et de culte religieux » ne mentionne pas la liberté de conscience ni de pensée. L’ONG craint que la constitution soit en contradiction avec les traités internationaux que la Tunisie a ratifiés. L’article 40 sur la liberté d’expression déclare : « Les libertés d’opinion, de pensée, d’expression, des médias et de création sont garanties. De telles libertés ne peuvent en aucun cas être soumises à une censure préalable. » Mais cette mesure est limitée par des restrictions qui restent imprécises selon l’ONG et qui « laissent une trop grande marge de manœuvre au corps législatif pour adopter une loi qui restreindrait ces droits. » Quant la question de l’égalité hommes-femmes qui avait suscité des critiques lors des débats où le parti Ennahdha avait proposé la notion de « complémentarité », on peut voir qu’il y a eu des progrès depuis. L’article 42 de la constitution prévoit que « l’Etat garantit que les hommes et les femmes bénéficient des mêmes opportunités d’avoir des responsabilités. » Cette notion de « responsabilité » ne garantit pas toutefois une égalité totale. L’article 22 sur le droit à la vie pose également problème puisqu’il impose sa « sacralité » mais le limite par les « cas fixés par la loi ». Dans le cas de la peine de mort par exemple, cet article prête à confusion. Enfin le droit de grève garanti par l’article 33 est limité par des conditions sur son exercice qui remettent en cause l’essence même du droit.
Pour le constitutionnaliste Jawhar Ben Mbarek qui a également fait partie de plusieurs débats au sein du pays, le décalage entre les priorités est perceptible d’une région à l’autre : « On voit que dans les régions du centre, les préoccupations sur la constitution relèvent plus de la question des droits économiques et sociaux. Sur les régions côtières, il s’agit plus de la question des droits et des libertés. » Ce décalage s’est exprimé également dans les débats nationaux. Comme on peut le voir dans le rapport du PNUD l’ajout d’une clause « prévoyant la discrimination positive à l’égard de zones marginalisées et notamment les gouvernorats du centre-ouest » avait été demandée et n’a pas été mise. les Du côté des associations et des syndicats, l’UGTT s’est exprimé contre l’article du droit de grève qui selon son secrétaire général « représente une régression manifeste sur le droit syndical ».
Reste à savoir si ces observations seront prises en compte par le comité de coordination. Globalement le projet de la constitution manque d’un aspect « participatif » dans lequel la société civile aurait pu jouer un rôle plus important même est-ce la faute de tous les élus ou bien seulement de certains qui ont modifié de nouveau le texte sans consultation avec les commissions ?
Les constituants ont négligé l’aspect participatif de la rédaction de la constitution, ce qui poser un problème dans l’appropriation du texte par les Tunisiens une fois qu’il sera débattu puis adopté par l’ANC. Quant au dialogue national organisé par l’ANC en décembre 2012-janvier 2013, il me semble que son impact n’est que négligeable puisqu’il n’a pas duré assez longtemps pour associer un large pan de la société, parce que la logique partisane s’est souvent immiscée dans l’organisation de ces rencontres.»
Conclue Sélim Kharrat.
En effet au vu du rapport final élaboré par le PNUD sur ces rencontres débats, on peut voir que des demandes quasi-unanimes comme le fait d’ajouter une « clause sur le rôle avant-gardiste des jeunes dans la conduite de la Révolution » ou la consécration du droit des « minorités religieuses » n’ont pas été vraiment prises en compte dans le dernier brouillon. Tout comme la forte demande de décentralisation qui a été réduite selon Jawhar Ben Mbarek, à un organe purement consultatif dans l’instauration d’un « conseil des régions » tel que décrit dans le dernier projet.
Sur l’article 34 au sujet de la liberté d’information, les experts ont émis les mêmes réserves que les ONG sur la restriction qui vise à ne pas « compromettre l’intérêt général. » Le côté vague du terme risque de restreindre cette liberté: «Concernant les limitations des droits et des libertés, il convient d’éviter les formulations trop générales et larges, susceptibles d’entraîner ultérieurement une négation possible de ces droits et de libertés par des lois ou jugements. A cet effet, l’expression « intérêt général» devrait être évitée en raison, justement de sa généralité et de son imprécision, voire de son caractère liberticide…» commentent les experts. Malgré ces observations détaillées, elles restent formelles et peuvent ne pas être prises en compte par les députés.
Nos amis pretendu laics pour qui la laicité n est qu un instrument pour retrouver leur hegemonie de classe ne seront satisfaits que si l ANC optera pour une constitution qui ne sera
qu une copie de la constitution francaise . Une constitution qui permettra aux faux laics de continuer le projet de dèislamisation de la sociéte tunisienne interrompue par la revolution et le renforcement du nihilisme occidental seule garantie pour la survie de l hegemonie des “elites” compradores qui ont fait faire au peuple une revolution !
[…] vous n’avez pas suivi le long feuilleton de la constitution, ce résumé est fait pour […]