cotusal

Le dossier de la Cotusal a été remis dans les tiroirs. Les promesses gouvernementales de réexaminer la question des contrats conclus depuis des décennies pour l’exploitation des ressources naturelles se sont évaporées. Le 6 décembre 2015, le ministre de l’Industrie de l’époque, Hamed Zakaria, avait pourtant annoncé, sous la pression de l’opinion publique, une intention de ne plus traiter avec la « Compagnie Générale des Salines de Tunisie » (Cotusal), et à revoir les termes du contrat. A peine 24 heures plus tard, il reviendra sur ses promesses sur les ondes d’Express FM, évoquant la nécessité d’attendre 2019, avant de notifier à la Compagnie de la nécessité de revoir les termes du contrat.

Contrat intouchable et sacralisé depuis 60 ans

L’un des documents les plus importants obtenus par Nawaat comprend une copie du décret signé le 06 octobre 1949 par Mohammed Lamine Bey, et Jean Mons, le résident général de France en Tunisie.

Le décret en question proclame la fusion de quatre sociétés exploitant les salines de Khniss, Sidi Salem, Sfax (Thyna) et de Mégrine. La convention est assortie d’annexes déterminant l’étendue des zones exploitées, ainsi que la durée de leur exploitation, fixée à 50 ans.

Cette durée peut être reconduite tacitement pour 15 ans automatiquement tant qu’une demande visant à mettre fin à la concession n’est pas adressée à la compagnie. En outre, l’article 11 de la convention fixe à un franc par hectare et par an « la redevance d’occupation pour la totalité des superficies du domaine public concédé ».

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La consolidation des privilèges économiques des entreprises françaises, dont la Cotusal, a constitué l’un des plus importants volets de l’accord d’autonomie interne du 30 juin 1955. En vertu des dispositions des articles 28, 29, 30, 31 et 32, l’Etat tunisien s’est engagé à préserver le statut juridique des sociétés françaises en Tunisie, à ne pas modifier les contrats conclus ni à s’ingérer dans leurs affaires ou à affecter leurs privilèges. L’Etat tunisien s’est également engagé à ne pas mettre en cause les investissements français ou à revoir les licences de prospection et d’exploitation sans le consentement de la partie française.

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L’accord sur l’Indépendance signé le 20 mars 1956 n’a pas mis fin aux privilèges économiques des compagnies françaises en Tunisie, à l’instar de ceux de la « Compagnie Générale des Salines de Tunisie » (Cotusal). Seuls trois amendements ont été opérés sous la présidence d’Habib Bourguiba, concernant à deux reprises l’extension des zones d’exploitation du sel, et une fois visant leur réduction. Cependant, les amendements n’ont affecté ni les rendements financiers, ni la part de l’Etat. Le dernier de ces amendements a été signé le 15 juin 1975 par Chedly Ayari, à l’époque ministre de l’Economie.

L’ancien président Zine El Abidine Ben Ali a conservé la même approche. Les documents ci-joints, attestent que les privilèges de la Cotusal ont été étendus pour inclure Zarzis en 1993, puis les salines de Ghara, à Sfax en 2006, et ce, sur la base des conventions du 6 octobre 1949 et du 3 juin de 1955.

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Après la Révolution, les engagements pris par l’ex-ministre de l’Industrie Hamad Zakaria en décembre 2015, n’ont guère différé des promesses faites par l’ancien Premier ministre Mehdi Jomâa, au cours de sa séance d’investiture, le 28 janvier 2014, au sujet du réexamen des contrats d’exploitation des ressources naturelles, en particulier ceux signés sous la domination coloniale française.

Les promesses n’ont pas été respectées. Pis : le 14 mars 2014, Kamel Ben Naceur, ministre de l’Industrie, de l’Energie et des Mines a signé un arrêté octroyant à la Cotusal une concession d’exploitation pour 30 ans des salines de “Sebkhat El Gharra” s’étendant sur 11200 hectares, entre les gouvernorats de Mahdia et de Sfax.

L’octroi de cette concession s’est basé sur la loi Constituante n°2011-6 du 16 décembre 2011 sur l’organisation provisoire des pouvoirs publics, en dépit de la ratification de la nouvelle constitution, dont l’article 13 stipule :

Les ressources naturelles sont la propriété du peuple tunisien, la souveraineté de l’Etat sur ces ressources est exercée en son nom.

Les contrats d’exploitation relatifs à ses ressources sont soumis à la commission spécialisée au sein de l’assemblée des représentants du peuple. Les conventions ratifiées au sujet de ces ressources sont soumises à l’assemblée pour approbation.

A noter que les décrets du 13 décembre 1948 et du 6 octobre 1949, ainsi que l’accord d’autonomie interne du 3 juin 1955 demeurent les références sur lesquelles se basent les concessions de prospection et d’exploitation accordées par le ministère de l’Energie et des Mines, tel que le prouve l’arrêté publié le 14 juillet 2017 dans le Journal officiel, et signé par la ministre Héla Cheikhrouhou.

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Vers l’internationalisation de la question des ressources tunisiennes L’opacité entretenue depuis l’Indépendance par les gouvernements tunisiens successifs au sujet des concessions accordées pour l’exploitation des ressources naturelles ont incité l’Organisation tunisienne pour le droit à un logement décent et à une vie digne à interpeler par écrit, le 20 juillet 2016, la présidence de la République et le Premier ministère. N’ayant pas obtenu à ce jour de réponse, le président de l’Organisation, Mohamed Moncef Alaoui, a déclaré à Nawaat avoir décidé de soumettre la question à la Cour européenne des Droits de l’Homme, à Strasbourg. Une initiative prise après l’épuisement de tous les recours juridiques menés pour consulter les contrats concerné, précise notre interlocuteur.

Aloui a indiqué que la Cour européenne a dans un premier temps rejeté la requête pour vice de forme, précisant qu’une autre demande revue et corrigée lui a été adressée en janvier 2018. Objectif affiché : briser le tabou et mettre fin à l’hémorragie des ressources naturelles tunisiennes.

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Dans ce contexte, le Président de l’Organisation a confirmé que la plainte portée contre l’Etat français ne concerne pas uniquement le dossier Cotusal, mais comprend tous les contrats conclus pour l’exploitation des ressources minérales et naturelles tunisiennes, à l’instar du pétrole et du gaz. En outre, la plainte comprend également une demande de rendre public le texte original du traité d’indépendance signé le 20 Mars 1956.

Mohamed Moncef Alaoui a indiqué que la plainte a été accompagnée de dizaines de documents attestant de l’implication des gouvernements qui se sont succédé depuis plus de 60 ans dans l’exploitation injuste de la richesse nationale.

Le dossier concerne le droit des citoyens tunisiens à bénéficier des richesses de leur pays et à vivre dans la dignité, a-t-il considéré.

L’État français, qui a colonisé la Tunisie et imposé ces contrats, est le principal accusé dans ce dossier, a noté le président de l’Organisation tunisienne pour le droit à un logement décent et à une vie digne, justifiant ainsi la soumission de ce contentieux à la Cour européenne des droits de l’homme.