L’été 1992, le jeune Nabil Ouaer, à peine âgé de 18 ans, fut condamné à 17 ans de prison, pour « activités terroristes et complot contre la sûreté de l’État »

L’été 1992, le jeune Nabil Ouaer, à peine âgé de 18 ans, fut condamné à 17 ans de prison, pour « activités terroristes et complot contre la sûreté de l’État », comme vient de le rappeler abjectement une source officielle interrogée par l’AFP à la suite de la parution de la pétition « Abou Gharib en Tunisie ».

Douze ans plus tard, l’acharnement judiciaire est toujours de mise. La dictature, par le biais de son arme fatale : la justice, vient de frapper encore une fois. Des citoyens de la ville de Zarzis, qui par malheur, se trouvaient jeunes au moment où la dictature a décidé de sacrifier quelques « jeunets » sur l’autel de la « sécurité de l’État », ont écopé d’une peine presque similaire pour les mêmes chefs d’inculpation comme le réclame ainsi le rituel.

Pendant ce temps, des dizaines de jeunes continuent de braver tous les dangers dans des embarcations de la mort, pour fuir un pays qui ne les enthousiasme plus, qui les dés-inclue et qui hypothèque leur avenir.

Nabil Ouaer, les internautes de Zarzis, les coureurs d’eldorado, sont symptomatiques d’une société qui a le choix entre le rien et le néant. Soit elle se soumet, soit elle se démet. Hantée par son devenir, la dictature anticipe. Les symboles de cet avenir qu’elle ne maîtrise point, elle les écrase. Les jeunes Tunisiens qui manifestent une velléité contestataire, sont les premières victimes de “la dictature préventive” devenue une spécialité tunisienne. Le maître-mot est “empêcher de faire” en empêchant la légalisation, la circulation, l’expression, les réunions… Pour Nabil Ouaer et les jeunes de Zarzis, c’est tout simplement : empêcher de grandir.

D’aucun se plaignent de l’absence de combativité chez les Tunisiens, s’insurgent contre leur fatalisme méthodologique. Mais lorsque une société accepte que l’on casse sa jeunesse, elle devient conservatrice et vieillissante et par conséquent se refuse à l’aventure, résiste au changement et se résout à son sort si médiocre soit-il. Pour que la Tunisie puisse aspirer à nouveau au changement, il faut qu’elle réhabilite sa jeunesse. Il faut qu’elle accepte ses brins de folie, ses rêves fantasmatiques. Car c’est de là que se dessine tout changement.

Redonner confiance aux jeunes, les remettre en scelle, n’est pas une partie de plaisir. Pour s’atteler à cette mission aussi rude qu’indispensable, l’opposition doit parier sur une jeunesse apolitisée à l’excès. Nous devons cesser de les prendre uniquement pour des soldats mais plutôt les considérer comme de vrais acteurs. Il faut cesser de leur donner des leçons et des instructions, mais leur montrer plutôt l’exemple et la voie à suivre. Il faut enfin s’adresser à ces jeunes compatriotes avec sincérité et pédagogie et leur dire : l’avenir de la Tunisie, c’est votre avenir. Dans quelques années vous récolterez ce que vous allez semer aujourd’hui. Alors semez la dignité, vous aurez la liberté.