Dans son livre « Le mal arabe » le docteur Moncef El Marzouki nous donne sa vision personnelle ou celle de tout son groupe sur la situation critique que traverse la Tunisie et sur les horizons futurs. Sa lecture des réalités que vit la société ne contient pas d’erreur, mais manque d’approfondissement.
1- Les calvaires soufferts par le docteur Moncef El Marzouki.
Dans son livre « Le mal arabe » le docteur Moncef El Marzouki nous donne sa vision personnelle ou celle de tout son groupe sur la situation critique que traverse la Tunisie et sur les horizons futurs. Sa lecture des réalités que vit la société ne contient pas d’erreur, mais manque d’approfondissement. Dans la première partie de son livre, un des chapitres certainement le plus complet, mais aussi le plus émouvant est bien celui relatif aux calvaires incessants qui l’ont poursuivi durant sa trajectoire en tant que fondateur de la Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme vers le début des années quatre vingt et par la suite en tant que, carrément, ferme opposant au régime. Un régime sans aucun doute, dictatorial qui règne dans le pays. Le docteur s’est étendu le suffisant sur les arrestations dont il a fait l’objet, les périodes de détentions dans les prisons, aussi sordides les unes que les autres. Il nous a aussi fait des descriptions effrayantes sur ces lieux insalubres, non seulement sur le plan physique, mais beaucoup plus sur le plan moral. La chaîne de terreur qui poursuit toute personne qui ose exprimer son opposition à ce régime est composée de personnages, qui va du simple policier jusqu’au dictateur lui-même en passant par les magistrats et les geôliers, dont la nature commune à tous est inexorablement dominée par les instincts les plus vils de la nature humaine. Et puis il nous parle entre autres des ces hordes de policiers ou para policiers du régime qui le poursuivaient incessamment partout dans le pays dans le but de paralyser toute activité de sa part. Il va de soi que la panoplie des mesures de répressions ne s’arrête pas seulement à toutes ces incarcérations avec des séjours, les uns plus longs que d’autres avec leurs répercussions morales douloureuses pour les membres directs de sa propre famille. On conviendra absolument avec lui, qu’aucune raison, aucune loi, même celles que le régime lui-même a fabriquées, ne justifie ces harcèlements, ces répressions, ces privations de liberté, ces détentions et tous ces acharnements à détruire coûte que coûte tout citoyen qui refuse le genre de vie autorisée par le régime : Une vie de résignation dans le meilleur des cas et une négation de la vie même à la grande majorité de la population. Le docteur El Marzouki et les siens ont certainement goûté de toutes les amertumes et les souffrances que diffuse dans tous les interstices du corps social l’infernal appareil de ce régime et particulièrement à travers les deux instruments principaux de terreur qui sont, justement, cet édifice situé au bout de l’artère principale de la capitale, à la droite en allant vers le nord, que le docteur a connu – comme il est rapporté dans son livre – de par ses deux côtés, celui de la grande porte, celle de la supercherie, du cynisme et certainement de la corruption, et celle non moins grande dans ses terrifiantes dimensions, même si on la considère l’arrière porte, celle par où on pénètre pour un apéritif de terreur. C’est dans ce bâtiment que réside en réalité l’essence effrayante du régime : le ministère de l’intérieur. Soit dit en passant un legs d’une certaine époque coloniale qui aurait pu disparaître depuis très longtemps si l’indépendance – comme l’écrit le docteur lui-même – ne s’est révélée finalement qu’une coquille vide. L’autre instrument non moins répugnant et non moins terrifiant, c’est le Klu-Klux-Klan local, le parti de la dictature qui forme une énorme toile d’araignée quadrillant tout le territoire et dont les tentacules, aussi venimeux, n’épargnent aucun millimètre carré du pays. Entre ces deux lugubres et énormes machines, sont triturés, les droits, les lois, les valeurs morales et la dignité humaine.
Le docteur El Marzouki, semble situer le commencement de ces ténèbres avec l’arrivée du dictateur actuel, c’est-à-dire à partir de 1987, et, là on ne peut être d’accord avec lui. Il accorde quelques générosités au premier dictateur, même si au fond il reconnaît plus loin que les racines de la terreur remontent bien aux trois décennies antérieures, mais avec quelques circonstances atténuantes. Là il ne s’exprime plus d’une manière objective, mais plutôt subjective. Car il écrit que finalement grâce à une certaine politique éclairée de l’époque du premier dictateur, que lui Moncef El Marzouki, fils d’une famille modeste du sud du pays est devenu interne dans les hôpitaux de Strasbourg. On ne peut penser que quiconque doit devoir quoi que ce soit à un dirigeant quelconque pour avoir réussi dans ses études. Par contre on est en droit de poser la question d’une autre manière : combien de compatriotes ont perdu la vie à la même époque ?- Il n’est point question d’être subjectif sur la question, car sont innombrables les étudiants qui n’ont jamais pu achever leurs études à l’époque du premier dictateur. Et pire encore, les toutes premières destructions de la société avaient bien commencé à cette même époque. La graine de la corruption dont parle largement avec raison le docteur a été semée à cette même époque. Les mêmes endroits où a souffert le docteur, les mêmes instruments, les mêmes terreurs faisaient rage à cette même époque. Sans être de ma part exhaustif sur ce chapitre, je rappelle au docteur que le premier dictateur du pays tout en se permettant de provoquer gratuitement la société dans ses valeurs morales fondamentales, s’est aligné radicalement, contre les intérêts matériels et moraux de la société, sur une politique occidentale hégémonique, prédatrice et finalement destructrice des êtres et des choses partout dans le monde. Aucun dirigeant ou dictateur arabe n’a été aussi loin de son mépris total de la dignité humaine. Le nôtre a approuvé toutes les actions des occidentaux partout dans le monde. Il a en outre été un fervent de l’invasion américaine du Vietnam. Il a entériné – sans le moindre scrupule – l’assassinat de Patrice Lumumba, pourtant quelques jours avant de trouver la mort il était à Tunis pour se laisser faire « tirer les oreilles » par la « grand sage » de l’Afrique et du monde arabe. Tout en maintenant le peuple durant trois décennies dans une terreur absolue, il s’est fichu éperdument de toutes tentatives arabes ou musulmanes de rompre le cordon ombilical avec la politique de domination permanente de l’Occident et a soutenu toujours et sans la moindre exception tous les régimes les plus réactionnaires dans le monde arabe et musulman et même dans le monde entier. Enfin de compte il a réduit la capitale en une caisse de résonance de la politique occidentale et le pays en une tête de pont de l’extension de la domination occidentale vers l’Afrique et le monde arabe. Parmi les amis de cet individu sans compter les têtes les plus sinistres de la politique occidentale à l’époque, le Shah d’Iran, Mobutu, Hassan du Maroc, Félix Houphouët Boigny etc. Tous les autres sont de la même espèce. On peut comprendre que le docteur – pour les raisons subjectives ou aussi pour des considérations politiques probablement futures – ménage ce dictateur, mais on ne peut s’empêcher de constater les faits de l’histoire tels qu’ils sont et qui sont – sans le moindre doute – à l’origine de ce qui se passe actuellement dans le pays. Une infinité de drames qui ont ébranlé et ébranle aujourd’hui plus qu’hier toute la société. Mais le docteur n’a pas souligné assez que le dictateur actuel n’est au fond que la créature des propres mains du premier dictateur. Bourguiba (il serait plus intéressant afin de démystifier le personnage pour les générations futures de corriger la phonétique comme elle l’est exactement à son origine arabe et écrire Bou Rquiba. Ainsi on rendra justice en même temps à la vérité. On laissera à qui le veut et entre autres à la municipalité de Paris de garder la phonétique qu’il désire puisqu’il paraît qu’on a dédié au personnage une place dans la ville. Le maire de Paris doit avoir ses raisons propres et peut porter le personnage dans le cœur. Ce n’est pas de toute manière, le cas du peuple en Tunisie.) s’était toujours entouré des plus abjects personnages de la société. Et il était bien clair qu’un jour l’un ou l’autre, un de ces individus lui jouera le coup de sa vie. Et cet individu qui n’était qu’un simple policier, sera promu carrément chef de toute la police du pays, le patron de cet immeuble dont on parlait plus haut, le premier instrument de terreur. Par la suite il devient carrément un personnage politique de premier plan en se trouvant au premier ministère. Et quand les glas ont sonné, il a envoyé son sponsor Bou Rquiba à la plus cruelle des retraites. Il l’a enfermé jusqu’à sa mort et il s’est emparé du pouvoir, de tout le pouvoir. Et ainsi – comme dit le dicton, à celui qui s’amuse à élever des corbeaux, un jour ou l’autre il se fera crever les yeux. Et c’est ce qui arriva au premier dictateur. Et pourtant Masmoudi un de ces pitres personnages, celui qui un jour tenant sa propre femme, vêtue aux couleurs – dit-il – folkloriques du pays, par la main se promenait au festival du cinéma de Cannes pour promouvoir avait-on dit le secteur touristique. Ce lugubre personnage avait dit au lendemain du 7 novembre 1987 : Bourguiba a sauvé Bourguiba. Autrement dit le coup a sauvé tous les barons du régime, car le bateau à la veille de cette date était bien sur le point de couler à pic et le naufrage aurait emporté définitivement tout les ces acteurs sinistres d’un seul coup. Par conséquent les horreurs et les terreurs du premier dictateur étaient à la mesure des nécessités de l’époque et sont identiques à celles du dictateur actuel. Il n’y a rien, aucune place à aucune circonstance atténuante justifiée justifiable à l’égard du précédant dictateur. L’histoire dira plus tard si les dégâts causés à la première partie de la dictature, ne sont pas en réalité, beaucoup plus graves encore. La plupart des instruments de terreurs personnifiés entre les mains du dictateur, sont les produits authentiques de l’ancien dictateur et particulièrement ces institutions dont parle le docteur. Il écrit : « De toutes les institutions de la dictature, aucune n’est aussi profondément déshonorée que la magistrature. De tous ses hommes de main, les commis dans les procès politiques sont les plus méprisables… Leurs homologues de tout temps et de tout lieu avaient été décrits par Voltaire comme aussi féroces que des tigres, aussi stupides que les bœufs. » et le docteur de continuer : « Toutes les personnes déférées ont été condamnées à de lourdes peines de prison dans les simulacres de procès lamentables par la forme, et odieux par leurs sentences. Aucun accusé n’a jamais été reconnu innocent par ces drôles de juges se contentant d’appliquer la sentence décidée par la police. J’en ai vu un [un juge] condamner un mourrant en grève de la faim et menotté à dix-sept ans de prison. Outrage à magistrat, clament-ils quand on les interpelle, comme s’ils n’étaient pas eux-mêmes le pire outrage qu’on puisse faire à la magistrature et à la plus élémentaire notion de justice ! Un seul juste s’est élevé parmi cette sinistre corporation et a dénoncé sa déchéance : le juge Mokhtar Yahyaoui. Il reste jusque là l’unique exemple. » Dans un autre paragraphe dans les dédales de ces palais de justice, plutôt temples de l’injustice et de la terreur, le docteur écrit : « J’entends un policier dire à son client menotté : Faites attention, le juge c’est une femme, une vraie vipère. Un autre intervient dans la discussion chuchotante : Mais non, c’est le boucher celui devant qui les gars ont refusé de comparaître, un sale con qui te file six mois pour commencer dès que tu as fini de dire ton nom et continue à te saler la facture au fur et à mesure que tu parles… » Tous ces hideux personnages de la magistrature que cite le docteur et tous les autres dans toutes institutions de la dictature ont été « fabriqués » dans les premiers sillons de la dictature. Mais ce que le docteur ne dit pas dans son livre, c’est que ces magistrats et particulièrement cette vipère, une fois les pauvres innocents envoyés aux pires supplices de la vie dans les ténèbres de ces lieux les plus sordides qui déchirent toutes les fibres de l’âme, avant ceux du corps, ils se retrouvent le soir dans les grands hôtels de la ville entourés de luxe et aussi de révérences de la part des serveurs et des hôteliers pour savourer certains délices de la modernité avec la conscience bien tranquille de celui qui vient d’achever parfaitement son travail !- Il y a plus d’un doute sur leur conscience, le dictateur d’ailleurs ne leur demande pas d’en avoir une. Pour beaucoup de ces magistrats et personnages d’autres institutions du régime, ne se suffisent pas des privilèges dont ils disposent sur place et étendent leurs goûts et leurs caprices aux délices organisés aux quatre coins de la planète. Pendant trente ans l’ancien dictateur – contrairement à ce que maintient l’auteur du livre – a forgé pratiquement une classe de personnages placés dans tous les secteurs importants de la société qui constituent aujourd’hui, à cet instant même, le soutènement fondamental à l’intérieur du pays, de la dictature. C’est cette élite que le docteur a finie par « trahir ». Il est incompréhensible que cette élite soit – à part quelques fragments surtout relatifs à la magistrature ou à la police – l’objet, dans le livre comme on le verra ensuite, de louanges ! Or il est difficile qu’une dictature arrive à fonctionner aussi longtemps sans réellement les capacités méphistophéliques de cette élite.
2-L’élite ou la minorité des privilégiés et leur rôle dans le maintien de la dictature.
C’est bien cette élite qui est à l’origine des choix « économiques » au début la dictature et elle-même qui va les développer aujourd’hui, et, hier comme aujourd’hui, au détriment des intérêts de la population. Les membres de cette élite dont on connaît bien la nomenclature n’a pas changé depuis l’époque coloniale même si quelques sinistres personnages sont venus se greffer à travers la brèche ouverte dans cette classe grâce au premier dictateur. Ces personnages se sont greffés à cette élite, mais sans pour autant altérer le moindre du monde ni son abjecte nature, ni son cours de tous les temps qui consiste à faciliter le pillage permanent de toutes les richesses du pays par les mêmes pouvoirs prédateurs de l’Occident. Cette élite a été – par la force de choses et de sa nature parasitaire – toujours pour le colonialisme, pour le capitalisme, pour le néo-colonialisme, pour le libéralisme, pour le néo-libéralisme, enfin exactement comme leurs féroces instincts parasitaires leur indiquent. Cette élite qui a fini par transformer le pays tantôt en un enfer pour a majorité des citoyens, tantôt en un ranch pour elle-même et enfin un lieu de détente pour leurs amitiés occidentales. C’est bien cette élite qui vulgarise à travers les engrenages de toutes les institutions et l’appareil général de la dictature, ce que le docteur El Marzouki ne cesse de dénoncer pratiquement sans arrêt et à juste titre d’ailleurs dans son livre, le plus dévastateur des maux qui ravage la société en vertical comme en horizontal, la corruption ! C’est elle aussi qui est la responsable de la dégradation des valeurs morales de la société. Le mode de vie des membres de cette élite qu’ils veulent totalement occidental et même à l’avance de certaines régions occidentales, un mode de vie basé sur un monstrueux gaspillage, mais sur le compte des masses populaires et jamais sur leurs propres comptes. Plus ils gaspillent plus ils se sentent à l’aise. Leurs comptes bancaires ont fini d’être de volumineux comptes locaux pour le devenir des fortunes à un niveau international, alors que le chômage fait rage au point de pousser les jeunes et le moins jeunes à risquer – comme l’écrit le docteur El Marzouki, leur vie dans le golfe de Messine, de Sicile ou tout simplement en pleine mer. Ils meurent sans jamais avoir atteint le paradis occidental, une supercherie qu’on a introduite dans leur pauvre esprit. Ceux qui n’ont pas pensé à ce risque sont devenus des « clients » assidus, de plus en plus nombreux des drogues et de toutes sortes de vices sociaux parmi les plus dangereux, alors que d’autres se sont livrés tout simplement au désespoir, à la délinquance à la résignation et enfin à l’extinction bien avant terme. Cette élite qui fournit les exécuteurs inconditionnels des instructions des institutions tel que le FMI ou la Banque Mondiale et qui veillent à la bonne ou même excellente santé du capital occidental. Cette élite dont certains de ses membres sont placés aux points névralgiques de l’appareil traduisent les instructions et les mettent en application immédiate. Certains s’occupent du matraquage des esprits, un matraquage qui est devenu une caractéristique permanente du régime durant les cinq décennies de dictature, d’autres mettent, sans broncher et directement les instructions – comme si elles été divines – et démontent tous les secteurs publics un par un, laissant tous les moyens de communications publics dans l’état le plus lamentable, hors service ou à des prix prohibitifs ou tout simplement et totalement démontés. Les soins médicaux avant d’autres car la santé, on s’en doute, reste le seul capital humain le plus précieux, sont devenus un luxe et pour la majorité des familles. Si l’un des leurs tombe gravement malade, elles n’ont pas plusieurs choix ou l’abandonner à son triste sort ou courir droit à la ruine. Les cliniques privées sont devenues un des commerces les plus lucratifs entre les mains des membres de cette même élite.
Justement c’est bien cette élite sur laquelle s’appuient aussi les pouvoirs occidentaux pour consolider et développer leurs intérêts de toujours. Et elle se porte malgré les vagues houleuses, les marées hautes et les marées basses, toujours aussi bien comme au premier jour. Elle est prémunie contre toute calamité qui s’abat sur le peuple.
A peine si le docteur El Marzouki nous parle de cette élite, alors que sans elle la dictature, avec tous ses instruments de terreurs, n’aurait jamais tenu aussi longtemps. On aurait bien voulu avoir des chiffres qui expliquent ces différences vertigineuses entre cette élite et le reste de la population. Mais au vu de son attachement aux règles occidentales, on peut aisément déduire qu’elle pourrait se situer entre 8 et 10% de la population et comme la frange qui détient les plus de 80% des richesses du pays ou ce qu’on peut considérer comme telle une fois les intérêts occidentaux sont servis. Et comme le disait Ben Salah à son époque, faute de colonies, il fallait trouver un moyen pour accumuler le capital, car sans accumulation de capital, il n’y a pas de construction d’un secteur industriel possible. Et le peuple a marché dans ces plans et s’est résigné à vivre dans des conditions souvent infrahumaines pour céder ses maigres biens, d’une manière ou d’autre, aux vautours et charognards qui composent cette élite. Dans le pays même et dans toutes les villes et villages, cette élite s’est séparée du reste du peuple et s’est aménagée des zones résidentielles propres et éloignées de la vue et de la possibilité d’être atteintes par les masses populaires. Ce sont des demeures seigneuriales avec tous les équipements ultramodernes et le confort qui dépassent de loin leurs semblables ou leurs modèles occidentaux. A titre seulement d’exemple, il n’y a qu’à constater le vertige qui sépare El Menzah de Mellassine ou du Sédjoumi. Et ce sans parler de Carthage même, ou de toutes les autres villes et villages, partout dans le pays on y trouve le même spectacle hallucinant : les îlots de l’opulence insultante et les mers de misère avec des grottes, des chaumières et des constructions primitives ou d’autres non moins primitives et en perpétuelle construction. Le tout dans une anarchie totale avec des ruelles en terre battue et des égouts à ciel ouvert comme il y a plus d’un siècle. Oui avec ce capital accumulé et aspiré, comme par des ventouses, du sang des travailleurs et du peuple en général, on a construit des espaces industriels propres et surtout associés pour répondre aux besoins de cette élite, mais surtout pour faciliter l’exportation du capital vers l’Occident. Les plus chanceux dans la classe populaire ramassent – en guise de salaire – les miettes que daignent leur laisser l’élite et les intérêts du capital occidental. Cette élite a fini aussi par se débarrasser de toute organisation syndicale entravant sa marche triomphale. Depuis l’unique et historique grève générale, brisée à feu à sang par ce même individu Ben Ali, alors ministre de l’intérieur, en 1978, elle n’a plus jamais relevé la tête. Elle n’a plus eu la moindre présence réelle, pour ne pas dire la force pour faire face à des patrons plus cyniques que jamais. C’est cette élite qui justifie que n’importe quel produit venant de l’autre côté de la méditerranée ait une valeur en heures de travail, ce que vaut un produit local multiplié par cinq, par dix, par vingt ou par mille. Aux yeux de cette élite la sueur et le sang investis dans nos produits à peine s’ils ont une valeur et par conséquent, elle a créé d’abord des Offices de tout genre pour accumuler les produits et de là les acheminer vers les marchés occidentaux. Aujourd’hui se dont des bureaux d’imports – exports avec une avidité de gains extraordinaires qui s’occupent de brader tout et n’importe quoi sans pitié aucune. On vide le pays de ce qui est vendable y compris les aliments surtout naturels. Dans n’importe quel marché ou supermarché italien, français, allemand ou même canadien, on y trouve tous ces denrées et ce au détriment d’une alimentation saine du citoyen, qui ne trouve plus rien sur les marchés où il se trouve que les produits de conserves ou des aliments génétiquement manipulés dont les effets sur la santé sont souvent dévastateurs. Même une denrée comme l’huile d’olive, élément fondamental dans la cuisine de tous les temps et qui n’a jamais manqué dans n’importe quelle famille qu’elles que soient ses modestes conditions matérielles, ces vampires ont trouvé le moyen de le remplacer par l’huile de colza pour l’introduire dans la gamme – certainement sur recommandation du FMI – des produits à exporter et ainsi, non seulement ils en prive le citoyen, mais ils dénaturent d’abord les coutumes saines et par delà ils détruisent totalement notre cuisine traditionnelle, une de nos caractéristiques salutaire et comme l’écrit l’écrivain espagnol Manuel Vincent avec une certaine fierté méditerranéenne, notre corps reste en fin de compte constitué par tous les atomes de ces bons aliments nôtres qu’on consomme. Le docteur El Marzouki, parle dans son livre de la chaîne américaine Mac Donald qui a fini par renoncer à s’installer dans le pays pour avoir refusé un associé imposé, un de ces « va nus pieds » parmi les nouveaux venus dans l’establishment. On aurait applaudi des deux mains, un tel échec de Mac Donald, si au lieu de la vulgarité du motif, celui de l’association et il s’était agi d’un sursaut de dignité. On aurait aussi applaudi de la même manière si ce n’était la présence dans toutes avenues et rues surtout de la capitale et des villes dites touristiques de multiples succédanés de Mac Donald aussi nocifs les uns que les autres et qui bourrent les intestins des pauvres des mêmes produits dont on ignore jusqu’à l’origine et leurs réelles compositions. Mais dans ce cas précis de Mac Donald, le directeur de l’hebdomadaire « Tunis Hebdo » donne une autre version des faits qui se veut rassurante. Il a écrit dans un de ses éditoriaux de ces derniers temps que le motif n’est autre que le caractère trop américain d’une telle marque dans la capitale !!!
Ainsi fonctionne l’économie sous la dictature, une exploitation radicale de tout au profit de cette minorité et avec la mondialisation, l’énorme pouvoir de cette élite dans le pays a pris encore des ampleurs considérables. Il est bien inutile de lui demander des comptes avec toutes les accumulations de capitaux qui durent depuis l’arrivée de la dictature en 1956, elle a construit dans le pays son luxueux monde à part. Les membres de cette minorité peuvent avoir n’importe quoi, à n’importe quel prix et à n’importe quel moment. Ils ne leur manquent de rien, absolument de rien. Leurs résidences de luxe sont multiples, leurs comptes bancaires aussi et dans la même famille, ils sont individuels, leurs alimentations sont prélevées avant que les produits ne prennent le large de la mer ou les soutes des avions cargo, leurs moyens de transports individuels sont de tout ce qu’il y a de plus luxueux sur le marché occidental. Les routes asphaltées dans le pays sont destinées surtout pour servir les besoins de cette classe. Et pour s’en rendre compte des énormes contradictions et le fossé abyssal qui séparent cette élite hautement parasitaire, sur la seule route qui ressemblerait à une autoroute qui va de la capitale vers le sud tout au long de la côte, il n’y a qu’à voir combien sont les animaux écrasés tous les jours. Mais le commerce n’a pas de sentiment d’autant plus, s’il est proche de la dictature. Le peuple ignore qui a financé la construction de cette autoroute et pourquoi elle est un commerce privé d’un sinistre personnage proche du palais. Ni le FMI, ni la Banque Mondiale ni le capital local accumulé ne songeraient jamais par exemple, qu’à la place on aurait dû construire des routes qui relient les villages du sud, du nord ou de l’ouest du pays !- Il n’en est pas question de rendre la vie des citoyens plus productive et plus aisée qu’il ne le faut. L’important toujours ce sont les impératifs de cette minorité de privilégiés et du capital occidental.
A moins que cette minorité dans le pays reçoit des énormes subsides des banques centrales occidentales prélevées sur le compte de leurs propres peuples, chose impensable, le train de vie époustouflant avec tous les détails de luxe, comme nulle part ailleurs, ne peut que se faire sur le compte de l’écrasante majorité du peuple. Et plus cette minorité s’enrichie, plus le reste de la population sombre dans les misères les plus absolues. C’est la règle et elle est infaillible. Le docteur El Marzouki, rapporte dans son livre que selon le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), les arabes dans leur totalité, reculent sur tous les plans et s’enfoncent dans une abyssale crise économique, sociale, politique et morale qui les précipite vers l’implosion ou l’explosion. On aurait souhaité de la part du docteur qu’il se serait étendu un peu plus sur cette question, car à la source de la dictature contre laquelle il s’élève avec véhémence se trouvent bien les instincts insatiables de cette élite qui fait et défait le pays à sa guise et qui sort de tous les bouleversements qui mettent la société à genoux, toujours gagnante. Depuis l’époque où Ahmed Ben Salah faisait ses plans quinquennaux et décennaux et les discours grandiloquents du « combattant suprême » et finalement l’arrivée du dictateur actuel, on est passé tout simplement de l’accumulation du capital pour construire les fondements d’une société prospère, digne et fiers à l’accumulation des richesses entre les mains d’une minorité qui n’a aucun autre soucis outre celui de maintenir ses plus insolents privilèges.
Cette minorité que Ben Salah disait qu’il voulait changer, a gardé sa nature vampirique de tous les temps et l’a même développée avec tous les instruments, qui du colonialisme à la mondialisation, lui ont été servis de l’au-delà des mers.
Les méfaits de cette minorité de privilégiés sont immenses et aussi dévastateurs les uns que les autres. Aucune entreprise créée par le capital accumulé dont on connaît à présent l’origine, n’a jamais tourné aux bénéfices de la majorité, ou même conçue pour une telle fonction. Le docteur El Marzouki, nous parle de l’eau que vont chercher les gens du sud à Bir Sultane à 100km, car celle de Douz est trop salée, alors que les touristes se douchent à l’eau douce. Pire encore à deux pas du dernier et du plus luxueux hôtel de Hammamet, à Zriba, Djaroudou, Daouar Ouled Ahmed ou même Zaghouan, les demeures de la plupart des familles semblent sortir de la profondeur du 19ième ou 18ième siècle, sans la moindre condition de vie appropriée.
Durant les trois premières décennies de la dictature et les premières années du dictateur actuel, le train de vie de cette minorité était financé en grande partie par le capital accumulé, comme on le sait, sur le compte de la vie, dans ses conditions les plus élémentaires, de la population, une vie souvent réduite plutôt à une vie rudimentaire sans la moindre possibilité d’accès aux équipements les plus fondamentaux, mais au moins avec un léger avantage concernant les produits alimentaires propres qui se vendaient à des prix abordables sur les marchés y inclus le poisson et les fruits de mer. A l’époque tous ces produits naturels n’avaient pas encore de débouchés sur les marchés occidentaux. Une autre partie pour financer ce train de vie vient des dettes successives accordées au régime par toutes ces institutions internationales qui apprécient la politique du régime qui était comme on le sait sur le plan extérieur farouchement anti-arabe, anti-islamique et carrément alignée sur la politique hégémonique occidentale et particulièrement américaine. Mohammed M’zali qui était à un certain moment la tête de prou du régime, rétorquait aux voix qui s’élevaient contre ces dettes dont le remboursement s’échelonne sur des générations entières et contrairement à ce qu’il prétend pour financer des projets pratiquement de pacotille et sans lendemain sur les fondements réels d’une économie avec des répercussions sociales favorables ou à caractère de motrice susceptible de créativités bénéfiques pour l’ensemble de la population. Ce monsieur disait qu’après tout il est tout à fait normal que ces générations participent à la construction du pays ! – Drôle de raisonnement que celui de ce personnage et encore plus drôle est la construction à laquelle il faisait allusion. Elle est restée uniquement dans son imagination. Tout le monde pourrait bien penser que les bébés qui naissent en ce moment même, arrivent au monde, non pas comme le dit le dicton populaire, avec un pain sous le bras, sinon avec des dettes à rembourser et qu’ils n’ont jamais contractés auprès d’aucune organisation quelconque ! – Mais quel cynisme et quel culot ! En tout cas il est bien clair que ces dettes, qui hypothèquent l’avenir de générations entières et dans la foulée celui de tout le pays, ont servi et servent en réalité à alimenter le train de vie de cette horrible caste de maharajahs locaux qui facilitent le pillage permanent du pays. A un certain moment l’ancien dictateur faisant l’éloge d’un de ses ambassadeurs, celui qui se trouvait en poste à l’époque à Washington, Ali El Hedda, qui réussissait à avoir toujours satisfaction dans ses pourparlers concernant ces crédits, il disait, « voilà un homme sur lequel on peut compter, car il sait parfaitement comment s’appuyer sur des épaules solides. » Personne n’est dupe sur la nature de ces crédits qui seront portés sur le dos de toujours les mêmes, tout en enrichissant aussi la même minorité de vautours et de hyènes et qu’elle que soit l’utilisation qu’on fera de ces crédits.
Et puis avec l’effondrement du bloc socialiste, avec l’avènement de la mondialisation, les portes seront largement ouvertes, mais les portes pour les uns ne sont pas les mêmes portes pour l’écrasante majorité de la population. Pour cette minorité de vampires, à partir de là le ciel pleuvra plus que jamais en or et en argent et pour le reste de la population, ça sera les portes de l’enfer qui, s’ouvrent de part en part, sur les deux battants. Joseph Stiglitz – un des anciens chefs de ces institutions financières – le dit bien clair : La mondialisation condamne les peuples à la mort. Car il sait quelle est la nature de ces crédits et aussi la nature de ces fonctionnaires qui passent dans les pays du tiers-monde toujours à la recherche des hôtels de cinq étoiles afin de se réunir avec les ministres de ces pays, des corrompus jusqu’à la moelle épinière et leur faire signer les documents nécessaires et qui sont toujours des formulaires valables pour tous les pays dominés et pour tous les ministres concernés avec leur compte numéroté quelque part en Suisse ou ailleurs. Un pays comme le nôtre est un pays solvable sur tous les plans. Notre élite s’est avérée capable de tout liquider d’autant plus que « l’association » aux pays de la communauté européenne lui ait ouvert tous les débouchés pour brader ou livrer tout ce que le pays pourrait avoir et que les occidentaux aimeraient consommer même à titre de caprices exotiques. Aucune valeur morale n’a jamais empêché ces hyènes de s’adonner à toutes les liquidations imaginables. D’où les fléaux de la corruption, de la criminalité, de la prostitution, des avortements facilités par les soins du régime etc. Jamais une société musulmane n’est arrivée à un tel niveau de dégradation morale. Tout ce qui rapporte de l’argent pour cette élite est autorisé par des lois fabriquées sur mesure. On ne parlera jamais assez de cette race de chacals qui s’est emparée de tout un pays et de tout un peuple. Pendant que l’appareil infernal du régime maintient sous contrôle l’ensemble du peuple, terrorisé jusqu’à la paralysie totale, cette minorité, cette élite accumule des biens sans arrêt tout en menant le train de vie occidentale dans sa forme la plus luxueuse comme on l’a évoqué déjà, plus haut, à plusieurs reprises et jusqu’à la perversion pure et simple.
Bien que le docteur ait soulevé brièvement dans son livre la question, rien ne pourra rendre au peuple sa dignité, mais aussi tous ses droits usurpés, son sang sucé que le jour où cette élite, qui a noms propres et adresses, soit obligée par les lois à donner un inventaire exhaustif de tout ce qu’elle a volé durant tout le règne de la dictature et de la terreur. Elle doit rendre au peuple tout ce qu’elle lui a dérobé et surtout lui enlever d’entre les mains tous les instruments qui la dictature lui a donné pour qu’elle cesse une fois pour toute d’avoir ce comportement dévastateur. Elle doit être – pour la justice, pour une véritable construction d’une société saine, pour les valeurs morales auxquelles croient et s’attachent tous les citoyens – définitivement déracinée.
3-La stratégie de domination occidentale.
Dans son livre le docteur a abordé, mais d’une manière très indulgente le rôle que jouent les centres de pouvoirs occidentaux dans le maintien de la dictature et les différents soutiens les plus divers qu’ils lui apportent. Il a cité des noms, comme celui de Philippe Seguin ou Jacques Chirac qui apportent pratiquement sans réserve leur soutien à l’actuel dictateur. Par contre il ne dit rien sur ces mêmes soutiens apportés à son temps au premier dictateur. Aussi curieux que cela puisse paraître, le docteur n’en fait pas de liaison, comme si le premier dictateur n’avait pas joui de ces soutiens et même avec une grande générosité. De toute manière le docteur hésite à signaler clairement ces soutiens. Il ne va pas jusqu’à dire qu’en fin de compte la question n’a rien à voir avec des noms propres, mais qu’il s’agit bien d’une stratégie délibérée dans la politique occidentale en générale et dont se charge de son application en un premier temps l’ensemble des pays occidentaux et en un deuxième temps chacune des puissances séparément, et, en fonction des liens qui lient toujours ces anciennes métropoles avec les colonisés d’hier. Il est vrai que dans notre cas, l’administration française connaît beaucoup mieux que d’autres les pivots de l’élite à travers laquelle elle continue à maintenir ses intérêts. Les anglais sont mieux placés que d’autres pour connaître les leurs dans la grande partie de la région de l’orient arabe. Les américains connaissent aussi les leurs dans les régions arabes du pétrole. Mais dans l’ensemble la stratégie est la même et la coopération entre les pouvoirs occidentaux fonctionne parfaitement dans ce domaine. Aucune partie occidentale en réalité n’a le moindre intérêt à bouleverser la situation et la dictature demeure certainement la meilleure garantie du statut quo, celui qui maintient la dépendance de tout le monde arabe de l’Occident. Toute indépendance réelle d’un seul pays arabe pourrait avoir l’effet domino sur tout le reste, autrement dit elle met en jeu les énormes intérêts de tous les pays occidentaux séparément et la stratégie globale de tous. Pour ce qui concerne uniquement le cas de notre pays, il n’y a qu’à voir toutes ces quincailleries occidentales qu’on nous vend à prix d’or et en contre partie ce qu’on nous achète pratiquement à vils prix, à prix de solde. Si nous calculons ce monstrueux échange ou ce qu’ils appellent commerce – institutionnalisé comme il se doit à travers toutes institutions dont on parlait plus haut et auxquelles ils viennent d’y ajouter un nouveau monstre aux initiales OMC – et au lieu de calculer le prix des produits en valeur monétaire on le fait en heures de travail, on se rendra rapidement compte de l’énorme fossé qui ne fait que se creuser entre les produits échangés. Le moindre appareil électronique ou électrique qui nous arrive sur le marché de l’autre côté de la mer et dont le prix de revient livraison à port de destination est d’une heure de travail, comparé à un autre produit ou matière première qui s’en va dans la direction inverse et dont le prix de revient varie de plusieurs heures à des journées de travail, la différence reste – sans aucun doute – incalculable. Cette énorme différence de la valeur du travail ne se limite pas aux échanges des produits, mais se généralise sur toutes les activités y compris celle semblables où même identiques à celles dans les pays de l’Occident. Avec la seule exception qui concerne les membres de cette élite. Toutes les activités – souvent parasitaires – de cette élite sont largement rémunérées d’une forme ou d’une autre. Quant aux armes qu’on nous vend à des prix incroyables et qui ne nous ont jamais servi à rien d’autre qu’à terroriser le peuple, c’est toute une histoire à part. C’est à ce prix que le pays paye tous les produits occidentaux. C’est la véritable source de la prospérité occidentale, et, en même temps l’origine de la dictature et l’appauvrissement ahurissant et continuel de notre pays et de notre peuple. Que cette élite et leurs experts nous expliquent pour quelle raison nos produits valent si peu et les produits de l’Occident valent si chers ? – Evidemment les produits occidentaux ne sont pas destinés à la consommation générale, ils sont en nombre juste suffisant pour les membres de cette élite, quant à l’écrasante majorité rien ne l’oblige de les consommer, mais elle les paye quand même pour la joie de cette classe de vampires et renonce à ses droits d’avoir le prix exact de sa sueur. Nous payons ces différences par toutes ces chaînes interminables de calamités et par des générations successives qui quittent ce monde sans jamais avoir eu leurs droits ni même avoir eu le temps de rembourser les dettes contractées avant son arrivée au monde. Sur la question des droits qui se sont accumulés et s’accumulent encore pour prendre la forme de montagnes de droits posthumes mais avec indubitablement leurs répercussions négatives, désastreuses et interminables sur la vie des vivants que la dictature maintient bien enchaînés. Des droits que l’histoire doit un jour, d’une façon ou d’une autre, rendre à la société. Des quantités considérables de richesses de toute sorte ont été volées dans cet échange inadmissible avec un Occident d’une féroce voracité et doivent être retournées ou récupérés.
Donc le docteur ne nous explique pas suffisamment ces raisons stratégiques de l’Occident qui exigent que notre peuple soit maintenu dans la dépendance et sous la dictature. Justement la dictature va de pair avec les intérêts de ces prédateurs de la terre et ne peut enfanter que tous ces monstres, ces injustices, ces déséquilibres vertigineux, ces misères de toutes les couleurs, ces calamités sociales qui ont fini par faire de la corruption, la résignation, le fatalisme et l’abandon, l’air qui se respire dans tous les interstices de la société. Susan Georges dans son livre « Le rapport de Lugano, Jean Ziegler dans son livre « Les maîtres de ce monde et ceux qui leur résistent », José Saramago dans pratiquement toutes ses œuvres, ses discours et ses innombrables articles, Noam Chomsky dans tous ses livres et ses conférences, Emmanuel Todd, Juan Goytisolo, Günter Grass etc. tous ces penseurs occidentaux et beaucoup d’autres de la même renommée et encore vivants, une longue liste de personnages qui ne cessent d’apporter leurs témoignages les plus précis sur le pillage des peuples. Tous se révoltent contre l’acharnement sans relâche de cet Occident exterminateur et son acharnement contre les peuples y compris bien entendu le nôtre, le nôtre dans son sens restreint et aussi dans son sens le plus large. Le président français Jacques Chirac en compagnie de Georges Bush viennent juste de réclamer à l’ONU la condamnation de la Syrie pour interférer – dit-il – dans les affaires intérieures du Liban, parce qu’ils jugent inacceptable un amendement de la constitution libanaise permettant au président actuel Lahoud de se présenter pour un deuxième mandat présidentiel de trois ans, alors que chez nous en Tunisie, ils ne trouvent rien à dire à ce que Ben Ali et cette élite complice amende la constitution pour permettre à ce dictateur de se perpétuer au pouvoir ! Ils ne disent rien non plus en ce qui concerne le dictateur de l’Egypte qui ne bouge pas du pouvoir depuis la subite disparition de Sadate dans les circonstances totalement inattendues en 1982 que tout le monde connaît. Et dire que ce dictateur était aux côtés du pharaon quand les balles et les bombes l’ont pratiquement déchiqueté en milles morceaux. Les dictateurs ont toujours ce quelque chose dans leur nature, que le docteur El Marzouki appelle la peur, mais qui peut être aussi cette prétention arrogante à prétendre qu’ils sont toujours plus intelligents que leurs prédécesseurs et qu’une fin sanglante dans les mêmes circonstances ou pires, ne leur passent jamais par l’esprit. Le monde ne s’arrêtera probablement jamais d’enfanter des dictateurs de la pire espèce, mais les peuples non plus ne renonceront jamais à lutter pour leur dignité. A chaque époque de l’histoire on verra le plus vil de la nature humaine mais certainement aussi le plus noble.
Personne ne sait plus aujourd’hui à qui appartiennent ces entreprises que le capital accumulé, tiré du pain quotidien et du sang du peuple, à qui réellement elles appartiennent et là, on ne parle que des entreprises à caractère public, comme la poste, les voies de communication les plus diverses même dans leur forme bien restreinte pour servir les mêmes lugubres personnages et pour faciliter la circulation des produits qui font partie de la richesse occidentale. Toutes sont devenues des marchandises placées à la bourse et qui changent de mains à tout moment. Mais toutes sont sans le moindre et à tout moment entre les mains du capital prédateur occidental.
L’accumulation du capital au niveau local, dont parlait Ahmed Ben Salah, n’est plus nécessaire, car il n’y a plus aucun projet de construction digne de ce nom qui ne soit permis. La stratégie de l’Occident qui s’applique à travers les écoles du Think Tank, aux services des grandes entreprises occidentales, à travers les institutions dites internationales – qui se sont avérées des instruments aux services de la civilisation occidentale – comme l’ONU, le FMI, la BM, le OMC, la FAO, l’UNESCO etc. implique implicitement et explicitement une interdiction catégorique à notre peuple d’avoir la maîtrise sur son propre destin. A toutes ces institutions internationales qu’on peut qualifier de « soft » s’ajoutent ceux des instruments qu’on peut considérer de « hard » et qui vont des armées et ses multiples arsenaux de mort, aux compagnies de mercenaires qui sont devenues aujourd’hui des entreprises aussi respectables que les laiteries ou les boulangeries du quartier. Des entreprises qui peuvent s’appeler HALLIBURTON, CARLYLE, DYNCORP, VINNELL, O’GARA PROTECTIVE SERVICES, ARMOR GROUP, SAIC, BETAC, BLACKWATER, toutes en tout cas sont connues aujourd’hui sous les sigles PMF (Privat Militari Firms.) Les chiffres d’affaires de toutes ces compagnies qui veillent à la sécurité et à la bonne marche de la stratégie occidentale de domination du monde, sont astronomiques. Leurs services, c’est-à-dire les massacres des peuples sont des produits de la plus haute gamme et se payent pratiquement leur prix en or. Rien que ce que touche un simple mercenaire – comme par exemple ceux qui veillent à la sécurité de Allayoui ou ses semblables de la même abjecte nature en Irak en ce moment – se situe entre 450 et 2000 dollars par jour, frais de déplacement et de séjour à part. Et sur chacun de ces tueurs les compagnies en question prélèvent au moins l’équivalent, sans compter les rémunérations des exécutifs au sein de ces entreprises qui dépassent toute imagination. En Irak ils sont au nombre d’entre vingt et trente milles. Un nombre semblable opère en Arabie saoudite depuis plusieurs décennies, sans parler de ceux qui se trouvent par exemple dans les Emirats du Cheikh Zayed Ben Sultan El Nahyan et ses compères qui ont mis à la disposition de la machine de guerre américaine toutes les bases pour détruire et envahir l’Irak. Dernièrement on attrapé le fils même de Margaret Thatcher en Afrique du Sud comme instigateur d’un coup d’état éventré contre la Guinée Bissau. Et toutes les factures passent sur le dos du peuple dominé ou envahi, ça revient au même. La Tunisie n’est pas envahi par les forces militaires américaines mais elle est envahie par ces parasites qui constituent l’élite avec les mêmes effets dévastateurs ou même pire qu’en Irak. La mort en Irak est instantanée et en grand volume, en Tunisie, elle lente et individuelle, elle plus sadique encore. L’empire occidental en général et l’américain en particulier, avec les uns il emploie les moyens « Soft » et en même temps avec les autres il emploie des moyens « hard », mais toujours pour atteindre le même résultat, la domination totale. Cette domination qui s’est servie de toute sorte de couvertures morales depuis ses premières aventures, vers le début du 16ième siècle, de « l’évangélisation » des peuples d’Amérique ou d’Afrique, aux croisades contre les musulmans, à la colonisation au protectorat dont on ne sait de qui et de quoi, jusqu’au libéralisme et le néo-libéralisme en passant par capitalisme bienfaiteur de l’humanité, la mondialisation et finalement à la toute dernière, la lutte globale contre le terrorisme, a fini par mener le monde à la situation dans laquelle on se trouve aujourd’hui. Jean Ziegler dans son livre cité plus haut, rapporte des chiffres effroyables : sur les six milliards d’êtres humains qui se trouvent en ce moment sur la planète, deux milliards vivent dans les conditions de la pauvreté continuelle, 826 millions de personnes souffrent d’une manière chronique de toute sorte de maladies imaginables, 100 milles personnes meurent quotidiennement de faim, un enfant de moins de 10ans meurt de faim ou de maladie facilement curable chaque sept secondes. Dans « Le rapport de Lugano » de Susan Georges, bien que le livre se présente sous une forme de fiction, les réalités que nous vivons confirment sans équivoques, toutes les prédictions et tous les mauvais présages signalés dans ce livre. Selon ce « rapport », les maîtres du monde ou ceux qui ont été chargés de faire ce rapport à leur intention, on est arrivé à la conclusion qu’une population planétaire de 6 milliards de personnes constituent un énorme danger pour la continuité de la civilisation occidentale et l’idéal doit se situer aux alentours de 4 milliards, non seulement dans l’immédiat, mais aussi dans le futur lointain. Par conséquent tous les moyens sont bons pour éliminer ce surplus qui constitue un danger imminent pour cette civilisation. Drôle de civilisation dont l’existence implique implacablement la destruction même de l’espèce humaine ! Toutes les apocalypses susceptibles de réduire la population mondiale sont les bienvenues. Les guerres, les maladies, la famine, la stérilisation, les fléaux, les virus cultivés dans les laboratoires et dispersés dans la nature etc. sont des moyens qui sont mis déjà mis en œuvre et leurs dévastations se voit à l’œil nu.
C’est dans ce cadre-là que se situe la dictature dans notre pays et dans les autres pays arabe ou ailleurs. En faisant un résumé assez bref, les trois cavaliers des ténèbres qui s’abattent sur notre pays et notre peuple sont : La minorité des ces privilégiés ou l’élite que rien d’autre n’animent que ses féroces et dévastateurs bas, les plus bas instincts, la dictature et son épouvantable appareil de terreur et enfin la domination ou la mainmise occidentale sur le passé, le présent et probablement le futur de notre destin.
4-Notre identité.
En dehors de ce triste cadre dans lequel se trouve notre peuple et notre pays pris entre les griffes de ces trois cavaliers des ténèbres, le docteur El Marzouki, de bonne foi ou pour des considérations politiques propres a tenté de nous définir les éléments identitaires et a semblé conclure qu’enfin de compte nous n’avons pas une identité propre qui nous différencie de l’autre… de l’occidental. D’après le docteur, il n’y a pas de civilisation occidentale, mais une civilisation universelle qui tantôt était dirigée par les grecs, tantôt par les romains par la suite par les musulmans et enfin par l’Occident actuel. Même s’il a ajouté quelques ingrédients de cuisine au vrai sens du terme, pour nous dire que le couscous est un plat amazigh, le méchoui un plat arabe et je ne sais quel autre plat d’origine berbère, il a conclu qu’en définitif il est très difficile de parler de coutumes propres tellement les mouvements de l’histoire sont intenses et vont dans tous les sens. Mais si de tels faits sont des vérités qui font partie de notre histoire, lui donnant en même temps un enrichissement certain et un dynamisme créateur, il ne reste pas moins que dans ce mélange entre le méchoui et couscous et même les spaghettis, les pizzas, les hamburgers, ou tout autres plats chinois ou français il y ait une volonté délibérée d’effacer cette même vérité identitaire que le docteur passe sous silence.
On est d’accord avec le docteur en ce qui concerne la langue qui n’aurait rien à perdre en se servant du meilleur dans n’importe quelle langue, mais toujours à la condition d’être le sujet et non pas le complément. Quant à la religion le docteur n’en voit pas là non plus un problème, c’est une question d’ordre personnel qui n’affecterait en rien une société démocratique. Là non plus on ne peut partager le point de vue de l’auteur. Car en suivant son raisonnement, nous n’avons aucun litige, aucun problème, aucun différent avec l’hégémonie et le caractère prédateur de l’Occident, il nous suffit tout simplement de nous intégrer dans cet espace occidental, qui après tout reste un espace universel auquel nos ancêtres auraient collaboré à son édification. Chose d’ailleurs qui est vraie, mais que l’autre partie n’a jamais aucune disposition à le reconnaître. Et pour y accéder, il nous suffit tout simplement de nous débarrasser de la dictature. Personne n’est dupe sur de telles élucubrations intellectuelles qui semblent plutôt donner une bonne conscience à l’Occident et ainsi justifier le bien fondé de l’analyse. Dans leur ensemble les peuples arabes sont musulmans et leur langue est indiscutablement l’arabe. Leur culture, leur héritage, leur patrimoine historique vivant sont arabo-musulmans avec sans le moindre doute la participation de plusieurs autres groupes sociaux ayant leurs spécifications, leurs caractéristiques et finalement leurs apports au même patrimoine. Mais en tout état de cause il serait intolérable de prétendre que ces groupes aient des appartenances ou affinités quelconques avec ce même Occident. Du Golfe à l’Atlantique tous les peuples arabes qui saignent malheureusement sous les dictatures imposées par l’hégémonie occidentale, ne s’identifient à aucune autre culture, ni géographie, ni histoire, ni langue ni religion qu’aux leurs propres. Et quelles que soient les thèses du docteur El Marzouki, il y a bien une identité distincte qui est – contrairement à ce qu’il soutient – le moteur propre de notre société et à cette condition seulement nous pouvons faire partie d’un universalisme authentique. En effet nous partageons avec toutes les sociétés du monde un patrimoine commun, mais en aucun cas nous nous partageons avec l’Occident hégémonique et prédateur sa vision du monde. Et en plus l’Occident n’invite personne à partager avec lui un patrimoine humain quelconque. Le docteur El Marzouki nous parle de la transmission des connaissances et des sciences entre les peuples ou d’une civilisation à une autre. Lui, il sait que les bases des sciences actuelles, de la médecine, à la physique, à la chimie, à l’astronomie, aux mathématiques, à l’algèbre, au logarithme etc. ont été transmis volontiers comme l’exige l’essence même de l’esprit ouvert de la civilisation arabo musulmane, mais ils fait semblant d’ignorer que cet Occident dominateur, ne reconnaît rien de ça. Il est dans sa quintessence un esprit pirate et impitoyablement excluant. Contrairement à la philosophie arabo-musulmane et ses croyances profondes où toutes les connaissances et le savoir ont divulgués sans restrictions et surtout sans esprit mercantiliste, nous sommes en face d’un Occident qui de ce côté-là et dans tous les domaines du progrès humain hermétiquement fermé avec un esprit constamment prompte à l’exclusion de l’autre. Pendant des siècles et jusqu’à nos jours l’Occident ne cesse de voler et de s’accaparer de tout et d’en faire sa propriété privée et n’a jamais reconnu devoir, quoique ce soit à aucun peuple du monde. La langue espagnole qui est parlée aujourd’hui non seulement en Espagne, mais dans tout le continent d’Amérique du Sud et Centrale, est composée dans une large partie de mots et d’expressions d’origine, sans équivoque arabe, et, nulle part dans la fameuse académie espagnole, il n’est jamais fait question d’un tel héritage sinon d’une manière vague qui ne retient en rien la moindre attention. Et ironie de l’histoire, La plupart des membres de l’élite en question arrivent même à se faire traduire des expressions ou des termes espagnols en français sans se rendre compte le moindre du monde qu’il s’agit bien de l’arabe qui a subi quelques déformations ou amputations pour lui changer d’identité. Bref et ce n’est pas ici que nous allons rendre aux arabes ce qui est aux arabes et aux occidents ce qui est aux occidents, mais la mauvaise foi qui dure déjà depuis plusieurs siècles à l’égard des peuples de la terre et particulièrement à l’égard des arabes et musulmans, de la part de cet Occident carrément dominateur et haineux ne fait plus la moindre doute. La mauvaise foi occidentale ne peut être plus patente. Dans aucune encyclopédie occidentale, il n’est fait mention de la civilisation musulmane. Et pour cause. Car on ne peut reconnaître à un peuple un mérite, une histoire ou une envergure quelconque quand on est décidé avec préméditation à le subjuguer, à le dominer et enfin à le piller. Plus on le méprise, plus est facile de le piller et finalement de le détruire. Ils disent que la civilisation occidentale est une civilisation judéo chrétienne aux origines greco-romaines. Aucune mention n’est faite, nulle part, où il est question de l’apport de la civilisation musulmane. Du 8ième siècle au 15ième siècle, huit siècles durant sont passés sous silence pour sauter tout simplement à ce qu’ils appellent l’époque du moyen âge avant d’arriver à la renaissance, la leur bien sûr ! Pour ce qui est des civilisations arabes antérieures à l’Islam, le sort n’est pas meilleur. La plupart de ces valeurs cultures, sous toutes leurs formes, ont fait aussi l’objet d’un pillage systématique. Toute personne intéressée par l’histoire humaine en général et l’arabe et musulmane en particulier, doit se rendre dans les capitales occidentales pour en retrouver les traces. On vient d’apprendre que dans un musée dans Londres, il va y voir une exposition d’objets archéologiques du Soudan antérieur à l’Islam et qui remontent à plusieurs avant Jésus Christ et qu’aucun soudanais n’a jamais vus. Pourtant tous ces objets se trouvent à Londres. Idem pour le reste des régions arabes et musulmanes et pratiquement pour toutes les époques. Les américains et les sionistes, cette fois-ci l’ont fait de la manière la plus lâche et au vu et su du monde entier, ils ont dévalisé aux premiers jours de l’invasion de Bagdad, tous les musées et ils n’ont pas cessé de le faire depuis sur toute l’étendu de l’Irak. Leurs intentions maléfiques sont claires.
On n’est pas d’accord avec la manière de voir du docteur sur la question de l’identité. Lui il opte pour une identité universaliste imaginaire, mais les réalités sont toutes différentes. Chaque peuple a sa propre identité même si l’Occident et certains de ses collaborateurs veulent faire admettre au reste du monde que comme identité, il n’y a que la leur et toutes les autres y compris la nôtre qui ne peuvent servir à rien d’autre que comme objets décoratifs et éventuellement comme ingrédients de cuisine. Mais au-delà du contexte tracé par le docteur, au vu de ce qui passe réellement sur le terrain, cette vision occidentale méphistophélique, a bien réduit arbitrairement et horriblement le monde entier en deux identités, celle des dominateurs, la leur, et, celle des dominés, celle du reste des peuples du monde. Et nous n’avons aucune raison rationnelle d’adhérer à ce genre d’universalisme, un universalisme, falsifié, falsificateur réducteur, appauvrissant pour l’humanité, prédateur, impitoyablement injuste et finalement génocidaire.
Le docteur El Marzouki a cité entre autres Samuel Huntington, et son « Clash of Civilisations » eh bien ce monsieur trouve, aussi curieusement que cela puisse paraître, que l’identité américaine soit aujourd’hui menacée par la présence de tous ces hispanos qui arrivent des régions d’Amérique Centrale ou du Sud. Ils vivent aux Etats-Unis sans renoncer dit-il définitivement ni à leur langue maternelle, forcément l’espagnol ou le castillan, ni à leurs coutumes. Et comme en Floride la présence de ces hispanos est tellement importante, il a cité en guise d’humour noir la métaphore la plus pessimiste qui veut dire : que le dernier gouverneur blanc en quittant la Floride n’oublie pas de ramener avec lui le drapeau des barres et des étoiles. Ce que dit Samuel Huntington tout haut le pense l’homme occidental en général tout bas. La domination de l’homme blanc ne doit en aucun cas subir la moindre entorse et dans l’esprit occidental, il n’y a aucune place pour l’autre sauf celle qui lui revient en tant que dominé. Huntington, n’accepte pas que les sud-américains ne renoncent pas à leur langue et trouve insupportable que des enseignes soient écrites en espagnol ! Il y a bien une différence entre une civilisation qui parlait toutes les langues, de l’arabe au turque, au perse en passant par la langue andalouse jusqu’aux confins du monde où ça parle chinois et une civilisation, celle de monsieur Huntington qui fait une levée de bouclier à la moindre présence culturelle autre que celle de l’empire.
De toute manière et même dans les conditions actuelles où notre identité subit réellement des pressions énormes, tout en oeuvrant à la consolider et lui redonner vigueur, nous n’avons dans ce contexte que très peu de choses à nous partager avec l’esprit de monsieur Huntington. Par conséquent notre identité dans toutes ses dimensions doit être consolidée, c’est un impératif sine quoi non de notre continuité sur terre sans pour autant refuser de nous enrichir à travers tous les moyens possibles, tout en sachant pertinemment que l’Occident de son propre gré ne cèdera jamais rien d’autres, ni pour nous, ni pour les autres peuples de la terre, que des objets et des trucs périmés et largement dépassés.
5-La démocratie.
L’objectif de la lutte du docteur Marzouki qui est à l’origine de son livre mais aussi la lutte des peuples tout au long de l’histoire constitue sans le moindre doute la pierre angulaire de la pensée humaine sur la meilleure manière de gouvernance. Il n’y aucune objection à faire sur la nécessité impérieuse de changer cet état lamentable des choses comme on vient de le voir à travers le livre en question et les réflexions apportées à travers cet écrit à son contenu. L’auteur n’a pas du tout tort, les conditions dans lesquelles se trouvent notre pays et tous les autres pays arabes et musulmans ne peuvent être pires et ça ne peut continuer ainsi. La seule manière donc de changer cette situation ne peut être qu’en remplaçant la dictature par son antagonique, c’est-à-dire la démocratie. Même si dans l’histoire, il y a eu toujours ces deux types de gouvernance, certainement sous d’autres formes et d’autres conditions selon les sociétés, la géographie, la culture etc. le fond ou les objectifs restent les mêmes. Il s’agit en tout état de cause d’une question de justice. Ou plus précisément de justice et d’injustice. On peut penser que les peuples ont expérimenté tout au long de leur histoire ces deux formes de gouvernance et les expériences n’ont jamais été les mêmes d’un peuple à un autre ou d’une époque de l’histoire à une autre. Dans chaque société il y a eu des éléments qui la différencie d’une autre, que ça soit sous une forme de gouvernance ou une autre. Ces éléments les composent la géographie, l’histoire, le patrimoine, la culture, les valeurs morales etc. Il se trouve que de nos jours les deux formes de gouvernance, la dictature comme la démocratie sont de la même origine occidentale. Les deux formes ont obéit et obéissent toujours aux impératifs de l’esprit occidental avec toutes ses composantes ethniques, géographiques, historiques, culturelles et autres. Il n’y pas encore trop longtemps en Europe même coexistaient les deux systèmes. Et sans parler du bloc socialiste ou communiste, la Grèce, l’Espagne, le Portugal étaient des dictatures, alors que dans le reste de l’Europe occidentale tous les pays étaient gouvernés par des démocraties. Quant aux Etats-Unis d’Amérique, il se trouve que ce pays soit considéré la première démocratie occidentale mais avec ses propres particularités qui ne sont pas celles de l’Europe. Il y a beaucoup de doutes sur le caractère démocratique de cette société. Car au fond – comme le soulignent plusieurs penseurs entre lesquels Noam Chomsky – de tous les temps, il n’y a eu toujours que les deux partis politiques, le républicain et le démocrate qui s’alternent au pouvoir. Peut-on réellement dire que le citoyen américain soit réellement libre ? – Et est-ce que dans ces deux couleurs politiques tous les citoyens retrouvent effectivement leurs aspirations ? – Est-ce que tous les citoyens sont réellement libres ?- À aucun moment de l’histoire, il n’y a jamais eu aux Etats-Unis par exemple un parti de gauche pour ne pas d’extrême gauche. C’est tout simplement interdit. Et rien qu’à ce niveau seulement on n’a plus affaire réellement à une démocratie, dans le sens où il y a réellement une liberté individuelle ou une justice sociale quelconque. Par contre si une liberté qui permet au fort d’être plus fort, ou du riche d’être plus riche, ce qui est conforme à la règle du jeu mise par le capital. En quelque sorte on est toujours libre tant que les idées n’entrent pas en confrontation directe ou indirecte avec l’idéal américain de la réussite individuelle et en même temps l’exclusion de l’autre. En plus les deux partis en questions ne sont que les deux vues du même pouvoir de facto, autrement dit, celui des entreprises et du capital avec leurs écoles et leurs théoriciens respectifs. Deux vues avec de très légères différences qui n’affectent en rien ni la vie générale de la société dans sa totalité, ni aujourd’hui le reste des pays du monde qui soient proches, alliés ou simples vassaux des Etats-Unis. Rappelons aussi que tout au long des deux derniers siècles et particulièrement la première moitié du vingtième siècle, la démocratie américaine était et reste toujours à l’origine de toutes les dictatures d’Amérique du sud et centrale ainsi que de presque toutes les autres dictatures dans le monde en général et le monde arabe et musulman en particulier. Ce qu’on appelle la démocratie américaine, ne peut pratiquement fonctionner sans le concours de toutes ces dictatures qui sévissent sur les sociétés des plus proches des Etats-Unis jusqu’aux plus lointaines dans le monde. En tout état de cause, Noam Chomsky qualifie tout simplement le pouvoir politique américain comme la plus horrible des dictatures jamais vue encore sur la planète.
Enfin de compte la démocratie américaine s’articule d’abord sur les réalités économiques intérieures et extérieures, certes, considérables et un mécanisme de redistribution des richesses aussi bien particulier. Un mécanisme où domine l’esprit d’autonomie et de liberté totale par aux autres, en même temps excluant et en permanence en quête de plus de richesses et de possession. Et comme le définit Jérémy Rifkin la liberté de l’américain depuis très longtemps reste unie à l’autonomie. Parce que quand quelqu’un est autonome, il ne dépend pas des autres et il n’est pas vulnérable par rapport aux circonstances qui ne sont pas sous son propre contrôle. Pour être autonome, il est nécessaire d’être propriétaire. Et plus on amasse de la richesse, plus on est indépendant dans le monde. Quelqu’un est libre quand il se convertit en autosuffisant, en une île en lui-même. Et avec la richesse arrive l’exclusivité et l’exclusion apporte la sécurité !!!
Pour ce qui est de la démocratie européenne qui semblerait la plus intéresser le docteur El Marzouki comme modèle à adopter, à prime abord elle paraît assez différente de l’Américaine et garantit toutes sortes de libertés sans exception aucune. Jusqu’à un certain point elle est même contraire à l’américaine en ce qui concerne la question de l’autonomie et de la liberté. Néanmoins elle se nourrit intérieurement et extérieurement de la même façon que l’américaine. Et son caractère d’inclusion dû à des périodes de l’histoire qui ne sont pas les mêmes que l’histoire américaine, tend de plus en plus vers l’exclusion. La société européenne devient de plus en plus hostile envers les immigrants qui sont venus pour remplir le besoin de l’Europe en main d’œuvre, surtout après la deuxième guerre intereuropéenne de 1940-1945. Et en plus il y a de plus en plus de confrontations ethniques et religieuses qui éclatent un peu partout. Théoriquement elle garantit un mécanisme en ce concerne la redistribution des richesses le plus proche possible d’une certaine équité, ainsi que la pérennité des acquis sociaux qui n’existent pas dans la société américaine, et, si elles existent, elles restent en tout cas très peu significatifs par rapport à ceux qui existent dans la démocratie européenne. Elle permet en outre une alternance du pouvoir selon les règles de la constitution. Il se peut que la démocratie européenne soit la plus parfaite forme de gouvernance à laquelle soit arrivée la société européenne ou occidentale en générale. Mais nous avons affaire non pas à une démocratie européenne sinon à plusieurs. Il y a d’abord celle de la France et le noyau de pays, comme l’Allemagne, l’Italie, la Belgique et la Hollande autour desquels s’est constituée l’Union européenne. Il y a la démocratie anglaise qui n’est ni tout à fait européenne, ni tout à fait américaine. Elle est, selon les circonstances soit plus américaine, soit plus européenne. Mais toujours ses mêmes caractéristiques négatives entre autres celle du mensonge et de la falsification à grande échelle. Bien qu’au fond elle reste un genre bien particulier il y a aussi la démocratie suisse. Une démocratie qui s’appuie fondamentalement sur les énormes réserves financières des banques suisses et leur système hermétique. De tous les temps la Suisse est considérée le pays où se déposent les gigantesques fortunes des « riches » du monde. La Suisse ne cherche pas à savoir l’origine de ces fortunes, ni celles qui viennent d’Europe pendant les guerres ou pendant les périodes de paix, ni celles qui viennent des autres régions du monde comme d’Afrique, d’Amérique du Sud ou Centrale, ou d’Asie. De Tschombé à Mobutu, en passant par le Shah d’Iran ou Ferdinand et Imelda Marcos et bien sûr les Kadhafi et les tous les émirs du pétrole avec à leur tête plusieurs membres de la famille saoudite. Les démocraties européennes ne sont pas les mêmes et chacune fonctionne selon les structures surtout économiques propres, mais aussi selon les différences culturelles, historiques, ethniques ou religieuses de chaque pays où dans certains elles sont aigues et que la démocratie n’est pas arrivée à les résoudre. Ni le cas des corses, ni celui des bretons en France, ni celui des basques en Espagne et en France, ni celui de l’Irlande dans le royaume d’Albion, ni celui de la Sicile ou de la Sardaigne en Italie etc. que la démocratie européenne n’est jamais arrivée à résoudre.
On ne va pas ici parler d’autres sortes de démocraties comme aux Indes par exemple ou dans certains pays d’Amérique du Sud ou en Asie. Toutes, elles restent inspirées d’un modèle ou d’un autre des démocraties occidentales et ne peuvent nous servir d’exemple.
Enfin ni l’Espagne, ni le Portugal n’auraient été démocratisés sans le concours des circonstances et des conjonctures économiques européennes qui ont été favorisé le changement particulièrement dans ces deux pays, comme d’ailleurs les mêmes circonstances vont probablement l’être pour les nouveaux quinze pays qui viennent de s’unir aux dix pays européens qui formaient jusqu’à l’année dernière la Communauté européenne. Pour tous ces nouveaux pays il y a les fonds de restructuration qui sont considérables. L’Espagne a, au début de sa démocratie disposé d’un flux énorme de pétrodollars, évidemment arabes. Aucun pays pétrolier n’a manqué à l’appel y compris l’Algérie et la Libye. Vers les années 80 tous ces « riches » arabes du pétrole étaient traités avec révérence particulière, à l’époque le niveau de vie en Espagne était le même que celui de la Tunisie ou du Maroc de l’époque. Tout le monde se rappelle de ce panneau publicitaire sur la route de Sfax-Tunis sur lequel on pouvait lire : « Il n’est point besoin d’être riche pour visiter l’Espagne. » Ce panneau ça fait longtemps qu’il n’existe plus, à la place on pourrait bien en mettre un autre mais avec la légende : « Ne peut voyager en Espagne qui veut ». En effet le PIB espagnol aujourd’hui dépasse l’ensemble de tous les PIBs arabes réunis avec ou sans pétrole. En même temps l’Espagne est devenu un pays ayant des troupes militaires disponibles à « maintenir la paix » ou pour des « missions humanitaires » dans n’importe quel point du globe. Par exemple en Afghanistan ou à Haïti etc. Quant à ces détenteurs arabes de pétro-dollars déversés d’une manière diluvienne eh bien leurs fortunes sont devenues insignifiantes et ce malgré leur volume qui reste quand même important car il s’agit bien de plusieurs milliards d’euros. Quant à eux-mêmes comme personnes, à peine s’ils comptent un peu plus que les pauvres immigrés administrativement en règle ou non. Ils se trouvent tous logés à la même enseigne, sous la suspicion permanente.
Ce parcours bref des démocraties occidentales, nous mène aux questions qu’on voudrait bien poser au docteur El Marzouki, car il ne les a pas traitées dans son livre, bien qu’au cours d’un débat sur les ondes de « Al Jazeera » ou autres, il a tenté d’en donner quelques brèves réponses. Sachant que notre pays, même s’il « ouvert » sur l’Occident comme le dit le docteur, il n’est ni européen ni américain, donc quelles sont les structures de base sur lesquelles on pourrait construire une démocratie ?- Les structures économiques d’abord et puis les autres. On parle d’une démocratie dans les normes occidentales qui nécessite non seulement des finances et des réserves pour financer les partis, mais aussi avoir des richesses à redistribuer. Selon les experts en la matière et on citera de nouveau Jérémy Rifkin, chaque démocratie a véhiculé dans les esprits un rêve, le rêve américain et ceux nombreux et divers, les rêves européens. Quel est le rêve que sera véhiculé par la démocratie chez nous ? Mohammed Hassanein Haykal, a rapporté dernièrement que le roi d’Espagne avait écrit au début du changement politique en Espagne vers la fin des années soixante dix, quelque temps avant la révolution iranienne, au Shah d’Iran pour lui demander une aide urgente. Selon les termes rapportés par l’ancien directeur du quotidien égyptien Al Ahram qu’il a lui-même avoir dit découvert dans un livre d’un ancien conseiller du Shah, le roi d’Espagne dans sa lettre disait à peu près le suivant : « Cher frère, les partis socialistes et communistes sont soutenus financièrement par les autres partis européens au pouvoir, surtout de l’Allemagne du Chancelier Willy Brandt et de la France de François Mitterrand, je vous prie de bien vouloir m’envoyer d’urgence 10 millions de dollars afin que je puisse financer les partis de la droite espagnole, faute de quoi mon trône reste bien menacé… ». Avec quel argent donc va-t-on financer les partis politiques dans la mesure où ils seront totalement indépendants vis-à-vis des partis au pouvoir en Europe ou ailleurs en Occident ? – La Tunisie, beaucoup moins que la Turquie par exemple, ne pourrait prétendre être européenne. On compare ici la Turquie pour des raisons de similitudes dans certains domaines cher à cette ignoble élite que nous avons à la maison. La Turquie fonctionne depuis un certain temps dans un régime de relative démocratie à l’européenne. Mais aucun parti jusqu’à présent n’a résolu les problèmes de la société, ni sur le plan économique, ni sur le plan social. Et les turques se laissent encore bercer par le rêve européen, comme unique issue. Car il y a très peu à redistribuer, d’autant plus que l’élite là-bas ne renonce pas elle non plus, à son mode de vie occidental, aussi fastueux dans sa forme comme dans son fond que celui de l’élite de chez nous. Les deux sont de la même abjecte nature. Mais les européens sont toujours réticents à admettre la Turquie à son sein. La Turquie n’est ni l’Espagne, ni le Portugal, ni la Grèce. Dans une toute récente interview du ministre espagnol des affaires étrangères Miguel Angel Moratinos publié dans le journal espagnol El Pais du 08/09/2004, à la question du journaliste concernant l’éventuelle entrée de la Turquie dans la Communauté européenne, il a répondu : « …Logiquement la Turquie doit encore accomplir une série de réformes économiques et institutionnelles et puis il va y avoir une bien longues négociations. Et enfin dans le Conseil de l’Europe, il y a encore beaucoup de scepticisme à l’égard de ce sujet de la part de plusieurs pays européens. » Dans le même journal daté du 07/09, ces négociations si jamais elles commencent aujourd’hui même, ne pourraient aboutir avant 2015 .Ajoutant à cette question l’insistance de la part de plusieurs dirigeants politiques au pouvoir, et d’autres de différents horizons, mais bien influents comme le Vatican, tous insistent sur le caractère chrétien du Club. Même si pour le moment cette clause ne se trouve pas spécifiquement dans la Constitution européenne, elle est néanmoins bien vive dans les esprits. Bref de ce côté-là, Dieu seul sait ce que les européens exigeraient encore de la Turquie afin que ce pays arrive réellement à asseoir une démocratie occidentale et à quel prix. Et dire que la Turquie, n’est pas une petite bagatelle, il s’agit d’un gigantesque pays avec plus de 70millions d’habitants. Il est démocratique depuis un certain temps, il est membre de l’OTAN et de certains autres organismes de l’Union européennes et tous les problèmes ou presque sont toujours là. N’y a-t-il pas quelque chose de bien curieuse dans tout cela ?
Ceci dit et dans la mesure où on arrive finalement à nous débarrasser de la dictature, est-ce que nous serions aussi contraint à suivre le chemin de la crucifixion suivi jusqu’à là, bien vainement d’ailleurs, par la Turquie, ou est-ce que dans les programmes des différents courants politiques il y a un autre rêve spécifique à la Tunisie et aux tunisiens ? – En tout cas au vu des potentiels économiques, plutôt maigres, on voit très mal les structures sur lesquelles on pourra construire une démocratie à l’occidental permettant entre autres une redistribution équitable des richesses, tout en maintenant un niveau de vie digne de notre époque. Un niveau de vie où tous les signes de progrès atteignent toute la population. Ces signes de progrès se résument principalement dans un revenu digne, dans une éducation générale de qualité, dans un système de santé qui répond, à tous les niveaux, aux besoins de la population où qu’elle se trouve dans les différents coins du pays, des voies de communications les plus complètes qui facilitent la circulation des êtres, des produits, des connaissances entre les différentes régions du pays, entre les villes et les villages, des moyens de transports privés ou communs réguliers et dans l’état adéquate et évoluant en permanence, des logements confortables et adaptés au climat et aux conditions culturelles et autres du pays, bref un pays tout à fait autre que celui qui existe en ce moment où toutes les conditions de vie décente ne sont accessibles qu’à cette élite, aux dépens de la majorité de la population et par dessus le marché – comme on l’a vu déjà plus haut – non seulement en bradant tout à des vils prix, mais encore en hypothéquant les générations futures auprès des pays occidentaux et des institutions financières dites internationales. Quelle est ou quelles sont les positions des différents courants politiques envers cette question ?- On aimerait bien savoir la position de chaque parti sur ces dettes. Y a-t-il par exemple des possibilités de revoir toutes ces dettes, savoir à quoi réellement elles ont servies et dans quelles conditions elles ont été accordées. Il y a dans ces dettes, celles qui sont à court terme, d’autres à moyen terme et aussi beaucoup à long terme. Pourrait-on par exemple refuser de rembourser ces dettes et en dans ce cas, qu’elle sera l’attitude à adopter vis-à-vis de la politique de tous ces pays occidentaux et leurs institutions créancières qui n’ont fait qu’embourber le pays d’une manière permanente dans le sous-développement permanent au point où tout progrès réel relève de l’utopie et le fameux capital accumulé à peine s’il est suffisant pour payer les échéances et quelquefois même pas les intérêts de ces mêmes dettes ? – En vérité en regardant le gouffre dans lequel est mis le pays tout au long de ces longues décennies de dictature, un énorme frisson nous transperce l’âme et le corps. Tout le tissu social en subissant toutes ces calamités de toutes les dimensions, est transpercé de tous les côtés par des pandémies de toutes espèces, morales et physiques, et, devant de telles catastrophes la dictature n’a opposé autre que plus du même : plus de terreur et plus de corruption. Le phénomène de l’émigration est devenu une des sources qui maintiennent ces dictatures au pouvoir. Et en plus ça finit par créer des « hautes fonctions » et même des ministres tout comme le bluff autour de ce qu’ils appellent le secteur touristique. Les retombées sociales et morales de l’un comme l’autre ont fait des ravages sans précédent dans l’histoire de la société et ont largement participé à ce déchirement du tissu social. Ce qui se passe au Maroc est identique ou pire. Même si El Makhzen de sa majesté Mohammed VI avec ses soupapes d’échappement soi-disant démocratiques, a créé tout un ministère à l’honneur de l’émigration pour la gestion du magot. Et sans la moindre pudeur la ministre en fonction, madame Nouzha Chekrouni a annoncé dans le journal El Pais du 05 septembre 2004 que les immigrés rapportent aux caisses du royaume pas moins des dix pour cent (10%) de son PIB, bien avant le tourisme. On ne serait pas loin en Tunisie de ces pourcentages. Quant aux autres deux voisins, l’Algérie ou la Libye, leurs élites respectives sans faire beaucoup mieux n’ont pas eu jusqu’à présent à recourir à ces deux plaies, du moins pas d’une manière aussi éhontée. Ils préfèrent « vendre » du pétrole et du gaz pour alimenter la même machine de la dictature. Il n’est point besoin de parler de la Mauritanie, car le régime de Ould Sidi Ahmed Ettaya, il a carrément vendu en gros la mer, ou plutôt les richesses marines aux japonais et au hollandais tout en confiant la continuité de son régime et son sort personnel entre les mains des services de la Mossad. Et plus on pousse vers l’Orient arabe en passant par l’Egypte de Housni Moubarek, le degré de la nausée va en augmentation.
Restons donc en Tunisie et voyons quelles sont les raisons qui font dire au docteur Marzouki, que tous les partis ou les courants politiques actuels n’ont en commun que leur aversion du courant islamiste, un sentiment parfaitement identique à celui affiché par les tenants de la dictature, sinon dans certains cas, elles serait encore plus forte. Néanmoins l’auteur reconnaît qu’il est aussi le seul courant à souffrir beaucoup plus que d’autres la répression la plus impitoyable de la dictature. Ces militants détenus depuis plus d’une décennie sont pratiquement condamnés à ne plus jamais sortir de leureffroyable, mais réel cauchemar. Et si jamais il arrive que l’und’eux – après un long séjour dans les plus sordides des lieux de détention, il ne lui reste que peu de jours encore à être de ce monde tellement on le jette dehors, une fois sûr que sa destruction est bien achevée. C’est curieux dans un pays où la majorité des citoyens se sentent – malgré le travail de sape de la dictature et les moyens considérables mis à sa disposition, justement pour détruire ce sentiment et le réduire à sa plus simple expression – musulmans et ont un rêve qui n’a rien à voir avec le rêve ni américain, ni tous les rêves européens ou occidentaux en général. Le rêve d’être eux-mêmes et libres. Il n’y a rien qui justifie cette aversion qui se transforme souvent, purement et simplement en haine, car un parti islamiste, ni l’Islam n’a encore gouverné en ces temps modernes pour susciter tant de répugnance, alors que toutes les autres tendances qui s’inspirent toutes, de l’extrême gauche à l’extrême droite, des expériences occidentales ne semblent rien voir de répugnant, alors que non seulement l’Occident, dans son ensemble, avec toutes ses formes démocratiques confondues aurait dû provoquer dans tout courant politique quelle que soit la couleur, non seulement l’aversion, mais beaucoup plus que ça, la révolte et dans l’immédiat.
Sur quelles structures économiques et sociales voudrait bien gouverner le docteur Marzouki ou tout autre parti politique ? – Et à quoi servirait l’alternance du pouvoir, si le sort de la population ne change pas radicalement ? – Ou est-ce que la démocratie, dans ces conditions-là, n’est qu’un des derniers gadgets qu’il faut finalement répartir, à tour de rôle, entre les membres de cette élite ? – Comme on l’a vu et contrairement à ce que soutient l’auteur, il n’y a dans aucun parti politique de toutes les démocraties occidentales, un quelconque caractère universel, tous les partis plongent leurs racines dans ce qu’ils appellent leur civilisation judéo-chrétienne, dans leur patrimoine culturel commun ou individuel ainsi que dans leur histoire souvent de guerre que de paix envers eux même et surtout envers les autres peuples de la planète. Cette dernière guerre contre les peuples qu’ils maintiennent sous plusieurs formes et sans arrêt jusqu’à nos jours, une guerre à laquelle rien n’indique qu’ils y ont enfin renoncé ou à laquelle bientôt, ils vont y mettre fin, tout à fait le contraire.
On a de la peine à comprendre les raisons qui poussent ces couleurs politiques chez nous à s’inspirer dans leur programme des courants politiques occidentaux, alors que le sens commun, la raison et la cohérence , de tous les partis et les courants politiques et quels que soient les auteurs occidentaux à l’origine de leur philosophie politique ou leur philosophie de la vie tout court, tels que Nietzsche, Hegel, Rousseau, Darwin, Adam Smith, Freud etc. exigeraient un attachement particulier à leurs racines, nos propres racines, notre propre histoire, nos propres valeurs morales, notre propre culture, notre propre foi et enfin de compte notre propre identité. Tous les partis devraient logiquement avoir dans leurs fondements principaux nos signes particuliers, telles que notre langue arabe et notre foi musulmane et notre patrimoine culturel propre. Le fait de s’inspirer de notre propre géographie, de notre propre histoire qui n’est pas de toute manière une histoire de guerre comme celle de l’Occident, ou du moins pas autant, mais certainement pour des raisons totalement différentes. Ces fondements et ces caractéristiques propres ne sont pas contradictoires avec une diversité d’opinion. D’ailleurs cette diversité d’opinions a toujours jalonné notre histoire. Certes à des époques elles ont été plus riches ou plus nombreuses qu’à d’autres, mais jamais ce flux d’idées n’a jamais été interrompu d’une manière aussi dramatique surtout avec l’arrivée des colons et jusqu’à nos jours. En effet un peuple ne peut réellement construire ni être créatif sans liberté, mais non plus sans identité propre. La tâche primordiale de tous les courants politiques après la chute de la dictature est sans aucun doute la résistance aux assauts multiformes de l’Occident.
C’est un peu de ce que m’a inspiré la lecture du livre du docteur Moncef El Marzouki. Certes il reste beaucoup de réflexions à apporter à ce sujet. Comme beaucoup des réflexions évoquées dans cet écrit d’une manière brève restent l’objet de développements et de précisions plus rapprochées et plus ajustées car il s’agit bien d’un sujet complexe à travers lequel l’aventure de la pensée est dure, passionnante, comportant des risques mais certainement la plus intéressante de la vie pour toute sa transcendance et sa grandeur.
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