La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et la Commission internationale des juristes (CIJ) expriment leur consternation à l’annonce de la confirmation, par la Cour d’appel de Tunis, de la condamnation de Maître Abbou à 3 ans et demi de prison à l’issue d’une audience marathon et dénoncent ce qui ressemble à une parodie de procès où le droit à un procès équitable est de nouveau bafoué par la justice tunisienne.
La CIJ et la FIDH qui avaient mandaté un observateur judiciaire au procès en appel de Maître Abbou dénoncent les conditions déplorables dans lesquelles s’est déroulé le procès, aux mépris des règles les plus élémentaires du droit à un procès équitable par un tribunal compétent, indépendant et impartial établi par la loi. « Ce procès démontre une fois de plus les compromissions et l’instrumentalisation de la justice tunisienne. La justice fait partie intégrante de l’appareil répressif des autorités tunisiennes et tout recours à celle-ci est illusoire », a regretté Nicholas Howen, Secrétaire général de la CIJ.
Dans une ambiance survoltée, les avocats, observateurs internationaux et diplomates venus en nombre assister au procès ont eu des difficultés à franchir les barrages policiers à l’entrée de la Cour d’appel. Des représentants des forces de l’ordre se trouvaient également à l’intérieur de l’édifice. La salle d’audience était par ailleurs largement occupée par des fonctionnaires de l’Etat, ce qui a permis à la présidente de la Cour d’appel de prétexter le manque de place pour refuser l’accès à la salle d’audience à de nombreux avocats de tunisiens.
Après de multiples suspensions d’audience et l’évacuation, à la demande de la Cour, des représentants diplomatiques présents dans la salle, les deux affaires pour lesquelles Me Abbou était jugé ont été examinées de façon expéditive. Les avocats observateurs internationaux, également enjoints de quitter la salle d’audience, ont finalement pu assister aux débats suite au tollé général suscité chez leurs confrères tunisiens présents au procès.
La FIDH et la CIJ déplorent le fait qu’avant et pendant les débats, aucun argument juridique n’a été soulevé, renforçant ainsi le climat de non-droit entourant le procès de Me Abbou. En outre, les règles élémentaires de procédure pénale semblent avoir été totalement ignorées par la Cour d’appel de Tunis. En effet, aucun débat au fond n’a finalement eu lieu et aucun nouveau réquisitoire n’a été prononcé par l’avocat général ; par ailleurs il était impossible pour le prévenu de s’exprimer comme il le souhaitait au cours des très brefs débats, l’ordre lui étant intimé de répondre aux questions de la Cour par l’affirmative ou la négative. La défense de Maître Abbou a justement souligné la violation évidente du droit à un procès juste et équitable par un tribunal compétent, indépendant et impartial établi par la loi en dénonçant particulièrement l’absence de publicité des débats et le non respect des droits de la défense, avant de quitter la salle en refusant de plaider.
Après 3 heures de délibéré, la Cour d’appel de Tunis a confirmé la condamnation de Mohamed Abbou à trois ans et demi de prison. « Cette condamnation sévère de la liberté d’expression conforte nos plus vives préoccupations quant à la capacité ou la volonté des autorités tunisiennes de respecter leurs engagements au regard du droit international à la fois dans le cadre de l’organisation de la participation de la société civile au Sommet mondial de la société de l’information en novembre 2005 et dans la mise en oeuvre de la société de l’information en Tunisie » a déclaré Sidiki Kaba, le président de la FIDH.
Nos organisations réitèrent leur appel aux autorités tunisiennes de respecter la liberté d’expression et dénoncent le caractère arbitraire de la détention de Me Abbou pour avoir pacifiquement exercé ce droit. Nos organisations demandent en conséquence la libération immédiate de Me Abbou dans l’affaire relative à l’exercice de la liberté d’expression et le droit de Me Abbou de bénéficier d’un nouveau jugement respectueux du droit à un procès équitable par un tribunal compétent, indépendant et impartial, y compris les droits de la défense.
Rappel : La FIDH et la CIJ rappellent que Me Abbou incarcéré depuis le 1er mars 2005, avait été condamné le 28 avril 2005 à une peine de trois ans et six mois de prison ferme par la 4ème Chambre correctionnelle du tribunal de première instance de Tunis dans le cadre de deux affaires jugées le même jour. La première affaire portait sur la “publication d’écrits de nature à troubler l’ordre public” et sur la “diffamation d’instances judiciaires” suite à la publication d’un article en août 2004 dans lequel Mohammed Abbou comparaît les conditions de détention dans les prisons tunisiennes à celles dans la prison d’Abou Ghraib en Irak. La deuxième affaire avait été ajoutée une semaine avant le procès et est relative à une plainte pour violences déposée par une avocate en juin 2002, suite à une altercation entre celle-ci et Mohammed Abbou. Cette affaire intervient dans un climat délétère à l’encontre des avocats tunisiens. Depuis le mois de mars 2005, la multiplication des attaques contre les avocats et les tentatives d’interférences dans le fonctionnement du barreau tunisien sont des plus préoccupantes et portent gravement préjudice au bon fonctionnement de la justice, laquelle repose sur l’existence d’une magistrature et d’un barreau indépendants.
Pour toute information supplémentaire, veuillez contacter :
A la Commission internationale de juristes (CIJ) : Hassiba Hadj Sahraoui au + 41 22 979 38 17 A la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) : Gaël Grilhot au + 33 1 43 55 14 12
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