Lotfi Hajji doit se présenter au “District du 20 Mars” à Tunis, à 17h00

Lotfi Hajji, Président du Syndicat des Journalistes Tunisiens (SJT) vient d’être convoqué de nouveau par la police à Tunis. Il doit se présenter au District de police du 20 mars dans la capitale Tunis, aujourd’hui mardi 23 août 2005, à 17h00 heure locale, heure de Paris, 15h00 UTC/GMT.

La convocation vient d’être déposée en fin de matinée à son domicile à Bizerte, à 60 km au nord de Tunis. Elle ne précise pas le motif, comme d’habitude. C’est la troisième convocation de ce genre depuis le printemps dernier après une “accalmie” estivale.

Selon des sources proches du Syndicat des Journalistes, on estime que cette convocation est en lien avec les préparatifs du Premier Congrès du Syndicat prévu pour le mercredi 7 septembre 2005, en présence de délégations nationales et internationales, représentant des ONG’s de défense de la liberté de la presse et des défenseurs des droits de l’homme.

Le Syndicat vient d’ouvrir les candidatures pour son Bureau exécutif, par un communiqué signé de son Responsable du Règlement intérieur, le journaliste Mohamed Maâli. L’appel fixe la date d’ouverture du 22 août au 3 septembre inclus. Ce communiqué est le dernier en date du SJT, il a été rendu public le 19 août.

Le jeune Syndicat des Journalistes Tunisiens (SJT) regroupe plus d 180 journalistes et est membre de la Fédération Internationale des Journalistes (FIJ). Il a été créé par l’aile indépendantiste de l’Association des Journalistes Tunisiens (AJT) après la constatation de tout changement démocratique de cette dernière qui s’est transformée en une officine de propagande pour le pouvoir liberticide en place, celui du Général Zine El Abidine Ben Ali. Cette attitude a été dénoncée par la Fédération Internationale des Journalistes (FIJ) qui a pris la décision de la suspendre après attribution de la “Plume d’Or” au Général-Président !

Les autorités tunisiennes refusent de reconnaître le SJT. Ce dernier affirme que le Syndicat n’est pas une Association et que de ce fait il ne peut s’agir de la loi sur les Associations qui, interprétée de la manière tordue des autorités, exige une reconnaissance préalable à toute constitution d’association.

Les autorités tunisiennes violent le Droit International du Travail :

Le Syndicat se base sur le droit syndical, qui élève la liberté d’organisation et le droit à la négociation collective au premier rang des droits au travail. La Tunisie a voté la Déclaration de 1998 du BIT/OIT “relative aux principes et droits fondamentaux au travail”, qui reconnaît aux travailleurs, quels qu’ils soient, “la liberté d’association et la reconnaissance effective du droit à la négociation collective“, comme le premier des quatre familles des droits fondamentaux au travail (Art. 2.a). La Déclaration stipule en introduction à ces droits que : “l’ensemble des Membres, même lorsqu’ils n’ont pas ratifié les conventions en question, ont l’obligation, du seul fait de leur appartenance à l’Organisation, de respecter, promouvoir et réaliser, de bonne foi et conformément à la Constitution, les principes concernant les droits fondamentaux qui sont l’objet desdites conventions“. L’Art 4 de ladite Déclaration prévoit même “un mécanisme de suivi…

La République tunisienne n’a pas seulement partie à cette Déclaration de 1998, mais elle est un Etat parti aux Conventions, à caractère obligatoire, du Bureau International du Travail n° 87 et 98, de 1948 et 1949, “sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical” (C87) et sur “le droit d’organisation et de négociation collective” (C98).

L’Art 2 de la C87 affirme ans ambiguïté que “Les travailleurs et les employeurs, sans distinction d’aucune sorte, ont le droit, sans autorisation préalable, de constituer des organisations de leur choix, ainsi que celui de s’affilier à ces organisations, à la seule condition de se conformer aux statuts de ces dernières.” L’Art 3.2 de ladite Convention précise que : “Les autorités publiques doivent s’abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l’exercice légal.

L’Article Premier de la C98 stipule que : “ 1. Les travailleurs doivent bénéficier d’une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d’emploi. 2. Une telle protection doit notamment s’appliquer en ce qui concerne les actes ayant pour but de : a) subordonner l’emploi d’un travailleur à la condition qu’il ne s’affilie pas à un syndicat ou cesse de faire partie d’un syndicat ; b) congédier un travailleur ou lui porter préjudice par tous autres moyens, en raison de son affiliation syndicale ou de sa participation à des activités syndicales en dehors des heures de travail ou, avec le consentement de l’employeur, durant les heures de travail.

Ces deux Conventions ont été ratifiées par la Tunisie en 1957, quelques mois après l’accès à l’Indépendance et à la Souveraineté, sous l’impulsion de feu Habib Bourguiba premier Président de la République tunisienne et juriste de formation. Lesdites dispositions ont été ensuite intégrées dans la Constitution tunisienne qui stipule dans son Art 8 que : “Le droit syndical est garanti“. Cette affirmation n’est pas suivie de la formule habituelle “dans les conditions définies par la loi“, comme c’est le cas pour “Les libertés d’opinion, d’expression, de presse, de publication, de réunion et d’association“. Ce qui est une intégration directe des dispositions de la Convention internationale n° 87 du BIT/OIT. Cette dernière insiste sur l’exercice du droit syndical, y compris celui d’organisation, “sans autorisation préalable“.

D’ailleurs, en partant de cette Constitution, pourtant bien défigurée récemment, le droit tunisien consacre le droit syndical, dans les textes des lois régissants le droit au travail (Code du Travail). Le SJT a bien mentionné ces aspects légaux dans son dossier de Constitution. Ce sont les autorités tunisiennes qui sont dans le tort, en violant d’une manière aussi vulgaire les dispositions du Droit International du Travail, dont elles sont parties.

La dimension syndicale dans le combat des journalistes tunisiens :

Cette dimension syndicale, le SJT la revendique et la pratique au quotidien. Il ne s’agit pas d’une association de défense des droits de l’homme ou de la liberté d’expression ou même de la liberté de la presse. Il s’agit tout simplement d’un SYNDICAT qui défend les intérêts matériels et moraux de ses adhérents. La liberté de la presse est certes une dimension primordiale dans le travail du SYNDICAT et dans l’existence même du métier de journaliste, mais le SYNDICAT n’en piétine pas sur le rôle d’autres structures qui ont été mises en place pour prendre en charge cet aspect. Il vient de consacrer son premier rapport annuel à la condition matérielle et morale des journalistes tunisiens, exploités dans des conditions déplorables par des patrons irrespectueux de la morale et de la liberté d’expression, mais surtout irrespectueux du Droit de Travail.

La majorité de ces prédateurs de la liberté d’expression sont aussi de très mauvais gestionnaires, voire des corrompus et des voleurs. Ce qui a poussé la grogne SYNDICALE dans des établissements disposant de Syndicat de base, telle que La Presse de Tunisie, quotidien gouvernemental dirigé par la faussaire Zohra Ben Romdhane ou l’agence TAP (Tunisie Afrique Presse), dirigée par quelqu’un qui n’est même pas technocrate et qui n’a pas sa place dans le journalisme d’Agence : Mohamed Ben Ezzeddine, ancien de “La Presse de Tunisie” !

A la dimension de liberté de la presse, à laquelle les journalistes tunisiens sont attachés, la dimension proprement syndicale prend des dimensions inouïes. D’où la mobilisation autour du jeune et dynamique SYNDICAT.

Ce dernier a reçu le soutien du mouvement “indigène” indépendant de défense des droits de l’homme et de la liberté d’expression. Il a même le soutien quasi inattendu de certaines plumes pourtant loin des cercles de l’opposition. Haj Mohamed Laroussi Hani, ancien Président et fondateur de la “Cellule de la presse destourienne”, pourtant structure affiliée à la Direction du Parti unique PSD, du temps de feu Habib Bourguiba, avait tenu une tribune dans le journal dissident Al-Mawqif pour défendre la création du Syndicat et dénoncer la campagne de dénigrement dont il a été victime.

La grogne syndicale touche aujourd’hui même la presse du parti au pouvoir, l’imposant RCD. Certains journalistes ont du démissionner, d’autres ne cachent plus leur mécontentement en public. Et les méthodes fascistes et staliniennes du faussaire en chef Moncef Gouja, directeur du Renouveau par exemple n’intimident plus des journalistes ayant obtenus, dans le passé, “leur carte du parti” par peur.

Défis démocratiques du jeune Syndicat :

En si peu de temps, depuis sa récente création, il y a tout juste quelques mois, le jeune Syndicat s’est imposé comme une force dynamique dans le secteur, mais aussi comme une institution démocratique. Le Président, Lotfi Hajji, pourtant fort de son ancienne expérience de Rédacteur en chef de la partie arabe du magazine Réalités et des qualités de correspondant (encore interdit) de la chaîne qatarie d’information continue Al-Jazzera, ne piétine pas sur le domaine de ses collègues du bureau. C’est ainsi que les Tunisiens ont découvert aussi un Mahmoud Dhaouadi, Secrétaire général dynamique, une Amel Béjaoui, dynamique et souriante Responsable des Relations extérieures, un Mohamed Maâli, journaliste intègre chargé du Règlement intérieur. Lotfi est catalogué opposant, il est depuis interdit d’effecteur ses reportages pour Al-Jazeera. Mahmoud est journaliste de Assahafa, quotidien arabophone du gouvernement, il est depuis mis au frigo. Amel est journaliste à la TAP et membre active de l’Association des Femmes Démocrates, elle est mise à l’écart dans son travail. Mohamed est journaliste de Al-Shaab, organe de la centrale syndicale, l’UGTT. Sans parler des autres membres du Bureau. Ils sont en butte à la répression, mais ils résistent et nous donnent une leçon d’humilité et de démocratie. Les Tunisiens sont capables du meilleur.

D’ailleurs, leurs aïeuls n’ont-ils pas fondé le glorieux Syndicat des Journalistes Tunisiens, sous l’occupation française. Habib Chatti et ses camarades s’étaient organisés en Syndicat autonome, affiliée à la glorieuse UGTT, celle de feu Farhat Hachad, de feu Mahmoud Messaadi, pas celles des “Ministres du Syndicat” et les différents “Ministres-Aspirants” et autre prédateurs de missions, de postes et de fonds. Les compagnons de la libération Nouri Boudali et Ahmed Ben Saleh, rares survivants de cette épopée nationale, peuvent en témoigner. Habib Chatti exerçait ses fonctions de Secrétaire général du SJT du fond du camp de concentration installé par le Résident général de l’occupation, en pleine Sahara, en 1952. Son témoignage et son soucis du détail sont là pour nous rappeler que ce Syndicat a bel et bien existé, même sous l’occupation et ses pires derniers jours.

Cette histoire de l’organisation pacifique des Tunisiens dans des structures professionnelles autonomes de la société civile est peut être l’un des traits de cette tunisianité tant vantée. Les Avocats, les Magistrats, les Ingénieurs, les Journalistes et qui sait demain, viennent d’en donner l’ultime démonstration. Comme l’occupation coloniale a fini par céder, l’occupation maffieuse des richesses de la société, des organes de l’Etat et des tissus de la société finira par s’effondrer. Ce jour est plus proche qu’ils le pensent. C’est la leçon de notre histoire et c’est aussi le sens de l’histoire.

Pour joindre Lotfi Hajji :
+216-98 352 262 (cellulaire)

Pour joindre le SJT :

Syndicat des Journalistes Tunisiens
Bureau provisoire
Etude de Maître Chawki Tabib (membre du Conseil de l’Ordre)
11 bis, Avenue Dr Habib Thameur
1000 Tunis
Fax : +216-71 336 539

Compiègne – Paris
le 23 août 2005
Abdel Wahab Hani

awhani@yahoo.fr