TUN 002 / 0805 / OBS 072
Harcèlement
Tunisie
25 août 2005

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) et de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), vous prie de bien vouloir intervenir de toute urgence à propos de la situation suivante en Tunisie.

Description des faits :

L’Observatoire a été informé par le Conseil National pour les Libertés en Tunisie (CNLT) d’actes de harcèlement récurrents à l’encontre du Syndicat des Journalistes Tunisiens (SJT) et de M. Lotfi Hajji, président du comité fondateur du syndicat.

Selon les informations reçues, le 19 août 2005, M. Lotfi Hajji a été entendu par la police du district de Bizerte (60 km au nord de Tunis, son lieu de résidence), où il a été interrogé sur ses activités au sein du SJT. La police lui a alors notifié l’ordre de ne plus publier de communiqués au nom du SJT, faute de quoi il serait exposé à des poursuites.

Le 20 août 2005, M. Lotfi Hajji a reçu une convocation de la police pour le 23 août, sans mentionner l’objet de cet entretien.

Le 24 août 2005, M. Lotfi Hajji s’est rendu à la Direction de sûreté de Tunis (police), où il a été interrogé sur un communiqué diffusé sur Internet, annonçant la tenue du prochain congrès constitutif du SJT le 7 septembre 2005, ainsi que les activités prévues à cette occasion. Le congrès aura pour thème : “L’action syndicale journalistique dans le Maghreb arabe”.

M. Hajji s’est alors vu notifier la décision “d’interdire le Congrès du syndicat dans tous les cas et où qu’il soit prévu”, sans préciser l’autorité à l’origine de cette décision, ni sur quelle base juridique cette décision a été prise. La police s’est toutefois refusée à envoyer une décision écrite au syndicat, conformément aux dispositions de la loi.

Selon les informations reçues, M. Lotfi Hajji a indiqué avoir refusé de signer un procès verbal de la police consignant “le caractère illégal” du syndicat. Or le syndicat agit dans le cadre légal définit par le Code du travail tunisien, qui reconnaît la liberté syndicale sans aucune entrave et stipule, dans son article 242 et suivants, que la création des syndicats n’est pas soumise à un accord préalable des autorités. Il prévoit seulement une notification avec dépôt des statuts constitutifs. Quant à elle, la Constitution tunisienne garantit dans son article 8 la liberté syndicale.

Par ailleurs, dans les jours qui avaient suivi la journée mondiale de la liberté de la presse, le 3 mai 2005, M. Lotfi Hajji avait déjà été convoqué par la police à plusieurs reprises. Ainsi, le 4 mai 2005, M. Lotfi Hajji avait été détenu pendant plus de quatre heures au commissariat de la ville de Bizerte. Il avait été mis en garde sur les conséquences liées à sa position à la tête d’un syndicat “illégal” et à ses prises de position auprès des représentants de la presse internationale. De nouveau, le 9 mai 2005, M. Lotfi Hajji avait été entendu par la police tunisienne suite à sa participation le 6 mai à une conférence organisée à Tunis par des organisations locales et la publication, à l’occasion de la journée internationale de la presse, du rapport du syndicat sur la situation de la presse en Tunisie.

Ces événements étaient paradoxalement intervenus quelques jours à peine après la publication d’un message du Président Zine El Abidine Ben Ali, adressé le 2 mai 2005 aux présidents de l’Association des Journalistes Tunisiens et à l’Association des Directeurs de Journaux Tunisiens, dans lequel le Président présentait sa vision du Sommet Mondial sur la Société de l’Information (SMSI), qui se tiendra à Tunis en novembre 2005, mentionnant qu’il considérait ce sommet comme “le point de départ d’une nouvelle étape dans les relations internationales”. Rappelant que “la liberté d’_expression et de presse est un droit fondamental de l’individu et de la collectivité”, M. Ben Ali exprimait son aspiration à “un pays où […] la liberté d’_expression se manifeste sous ses plus nobles significations et au sein duquel le journaliste occupe la place qui lui revient afin de s’acquitter de la mission dont il est investi à travers des médias libres”.

Le SJT a été fondé en mai 2004 par quelque 150 journalistes et s’est donné pour vocation de défendre la liberté de la presse, les conditions de travail et l’éthique professionnelle.

L’Observatoire exprime sa plus vive préoccupation à l’égard de ces faits, qui illustrent une nouvelle fois les graves entraves posées à la liberté de la presse en Tunisie et les actes de harcèlement constants dont font l’objet les défenseurs des droits de l’Homme tunisiens, et ce à la veille du SMSI (pour plus d’information sur les pressions actuellement dirigées contre les journalistes tunisiens, voir le rapport de mission internationale d’enquête publié par la FIDH, l’OMCT et l’organisation canadienne Droits et Démocratie : Rapport n° 418, Mission internationale d’enquête – le Sommet mondial de la société de l’information et la Tunisie, mai 2005).

Actions demandées :

Merci d’écrire aux autorités tunisiennes et de leur demander de :

  • Mettre un terme à tout acte de harcèlement à l’encontre de M. Lotfi Hajji, du Syndicat des Journalistes Tunisiens (SJT), et de tous les défenseurs des droits de l’Homme tunisiens ;
  • Se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 9 décembre 1998, notamment à son article premier qui dispose que “chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation des droits de l’Homme et des libertés fondamentales aux niveaux national et international”, à son article 5.a selon lequel “afin de promouvoir et protéger les droits de l’Homme et les libertés fondamentales, chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de se réunir et de se rassembler pacifiquement”, et à son article 12.2, qui dispose que “l’Etat prend toutes les mesures nécessaires pour assurer que les autorités compétentes protègent toute personne, individuellement ou en association avec d’autres, de toute violence, menace, représailles, discrimination de facto ou de jure, pression ou autre action arbitraire dans le cadre de l’exercice légitime des droits visés dans la présente Déclaration” ;
  • Plus généralement, se conformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et des instruments internationaux relatifs aux droits de l’Homme liant la Tunisie.

Adresses :

M. Zine el-Abidine Ben Ali, Président de la République, Palais de Carthage, 2016 Carthage, Tunisie, Fax : +216 71 744 721 ou +216 71 731 009

M. Mohamed Ghannouchi, Premier Ministre, Secrétariat Général du Gouvernement, Rue de la Kasbah, 1008 Tunis, Tunisie, Fax : +216 71 562 378

M. Hédi M’henni, Ministère de l’Intérieur et du Développement local, Avenue Habib Bourguiba, 1001 Tunis, Tunisie, Fax : +216 71 354 331 ; Email : mint@ministeres.tn

M. Dali Jazi, Ministère de la Défense Nationale, Avenue Bab Mnara, La Kasbah, 1008 Tunis, Tunisie, Fax : +216 71 561 804

M. Bechir Tekkari, Ministère de la Justice et des Droits de l’homme, 57, Boulevard Bab Benat, 1006 Tunis, Tunisie, Fax : +216 71 568 106 ; Email : mju@ministeres.tn

S.E M. Habib Mansour, Mission permanente de la Tunisie, 58 Rue Moillebeau, Case postale 272, 1211 Genève 19, Suisse, Fax : +4122 734 06 63 ; Email : mission.tunisia@ties.itu.int

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Genève – Paris, le 25 août 2005

Merci de bien vouloir informer l’Observatoire de toutes actions entreprises en indiquant le code de cet appel.

L’Observatoire, programme de la FIDH et de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’Homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible.

L’Observatoire a été lauréat 1998 du prix des Droits de l’Homme de la République Française.

Pour contacter l’Observatoire, appeler La Ligne d’Urgence :
E-mail : observatoire@iprolink.ch
Tel et fax FIDH : 33 (0) 1 43 55 20 11 / (0)1 43 55 18 80
Tel et fax OMCT : + 41 22 809 49 39 / 41 22 809 49 29