« La cupidité obsessionnelle et sans limites des riches de chez nous, alliée à la corruption pratiquée par les élites des pays dits en voie de développement, constitue un gigantesque complot de meurtre…Partout dans le monde et chaque jour se reproduit le massacre des innocents de Bethléem. » Walter Hollenweg (Le massacre des innocents de Bethléem continue de l’allemand Das kindermorden von Bethlehem geht weiter)

L’Afrique exsangue ou la mise à sac d’un continent.

Les tout derniers chiffres sur l’état des choses en Afrique apparus à l’occasion de la dernière réunion du G8 tenue à Gleneagles (Ecosse) le 7 et 8 juillet 2005 sont d’une terrible éloquence. Commençons par ce tableau comparatif : Espérance de vie en Afrique : 45,6 ans. En Europe : 78,9 ans. Mortalité infantile, moins d’un an d’âge en Afrique : 101 sur 1000. En Europe : 4,2 sur 1000. Maladie du sida en Afrique : 7,2 %. En Europe : 0,3%. Consommation électrique en Afrique per capita : 475 KWh. En Europe : 5912 KWh. Moyenne de revenu annuel par habitant en Afrique : 500 $. En Europe : 22.810$. Pourcentage des voies de communication générale asphaltées. En Afrique : 13%. En Europe 95%. Vols d’avions annuels en Afrique : 348.000. En Europe : 3.500.0000. (El Pais 10/07/2005 sous le titre : Afrique : Les chiffres de l’horreur) En tout cas ces chiffres donnés par le journal cité plus haut ne sont nullement exhaustifs, ne cernent pas tous les côtés de la vie et par conséquent ils ne sont simplement qu’à titre indicatif sur l’écart entre un monde et un autre et qui est en extension continue.

Toute l’Afrique Noire, avec plus de 300 millions d’habitants, son PIB sur le plan mondial aujourd’hui est insignifiant. Il ne représente même pas 1% et l’évolution va de mal en pis, le revenu per capita par rapport à 1980 est descendu de 13% et l’augmentation de la pauvreté absolue, selon les indicateurs de l’IDH (Le rapport annuel du Développement Humain de l’ONU) est pire qu’en 1990. L’exemple cité dans un article du El Pais du 28 /06/05 donne une idée si nécessaire encore sur l’état économique dans cette région du monde qui à coup sûr se reproduit – avec plus ou moins de détresse – dans tout le tiers monde : «  Transporter une voiture en bateau du Japon jusqu’à Abidjan, la capital économique de la Côte d’Ivoire, traversant la mer des Philippines, continuant sur la mer de Chine puis l’Océan Indien pour contourner toute l’Afrique atlantique, au total plus de 23.000 kilomètres coûterait 1500 dollars. Transporter la même voiture d’Abidjan à Addis-ababa, capital de l’Ethiopie moins de 5.000 kilomètres nécessiterait au moins 5.000 dollars. C’est l’abîme entre un réel développement et la misère absolue ». Un abîme devant lequel aucune possibilité de développement n’est possible. « Tous les économistes coïncident sur le fait que le coût du transport – par les routes déglinguées, plutôt des apparences de routes, des routes conçues à l’époque coloniale uniquement pour acheminer les matières premières vers les métropoles – reste un des éléments qui isole l’Afrique et condamne son économie à quelque chose d’insignifiant… [Les routes comme toutes les autres voies de communications en Afrique comme dans tout le reste du tiers monde ne sont pas meilleures, ni dans leurs conditions ni dans leur conception coloniale de tous les temps. Toutes les routes construites dans les dernières décennies, après ce qu’on a appelé par euphémisme la décolonisation, n’avaient pas d’autre fonction principale que celle qui constitue à acheminer les matières premières vers les mêmes métropoles et à faciliter le circuit commercial créé dans le même sillon. Dans les pays qui se sont découverts – grâce à la « magie » du capital occidental – des vocations touristiques, les meilleures routes et voies de communications générales, y compris les ports et les aéroports, ont été construites exclusivement pour les nécessités de ce secteur. C’est la même conception coloniale et pour servir les mêmes intérêts]. L’Afrique est restée comme un vulgaire fournisseur de matières premières. C’est une école de colonialisme. La situation s’est encore aggravée à partir de l’intervention dans les années quatre vingt du FMI… La cote africaine dans le commerce mondial est passée dans les dernières vingt cinq années de 6% à moins de 2% ».

Dans le monde en général, un autre long répertoire de chiffres non moins effrayants nous donne le tableau du meurtre systématique suivant : «  Toutes les sept secondes, sur terre, un enfant au-dessous de 10 ans meurt de faim. Un enfant manquant d’aliments adéquats en quantité suffisante, de sa naissance à l’âge de 5 ans, en supportera les séquelles à vie. Au moyen de thérapies délicates pratiquées sous surveillance médicale, on peut faire revenir à une existence normale un adulte qui a été temporairement sous-alimenté. Mais un enfant de moins de 5ans, c’est impossible. Privées de nourriture, ses cellules cérébrales auront subi des dommages irréparables. Régis Debray nomme ces petits des « crucifiés de la naissance  ». La faim et la malnutrition chronique constituent une malédiction héréditaire : chaque année, des dizaines de millions de mères gravement sous-alimentées mettent au monde des dizaines de millions d’enfants irrémédiablement atteints. Toutes ces mères sous-alimentées et qui, pourtant, donnent la vie rappellent ces femmes damnées de Samuel Beckett, qui « accouchent à cheval sur une tombe…Le jour brille un instant, puis c’est la nuit à nouveau …La destruction de millions d’êtres humains par la faim s’effectue dans une sorte de normalité glacée, tous les jours, et, sur toute une planète débordant de richesses.  » (J. Ziegler Les nouveaux maîtres du monde).
Quand l’ancienne Secrétaire d’Etat américaine Madeleine Albright a été interrogée – au cours de l’émission 60 minutes de la chaîne de télévision Fox News le 12 mai 1996 – sur la vérité des enfants qui meurent sous l’effet de l’embargo en l’Irak en ce sens : «  Nous croyons savoir qu’un demi million d’enfants sont morts en Irak, par conséquent ce nombre est encore plus élevé que celui des enfants morts à Hiroshima. Est-ce que vous croyez que c’est le prix à payer [Pour sauvegarder les intérêts américains dans la région] ? » – Elle a répondu sans broncher « oui, nous croyons que ça vaut bien la peine pour atteindre notre objectif  ». En effet il n’y a pas de doute là-dessus. Après plus de 12 ans d’embargo, il y a eu – comme on le sait – l’invasion en toute règle et le pays est à présent totalement dévasté. Mais passons pour le moment et revenons à l’analyse de monsieur Ziegler : « Au stade atteint par les moyens de production agricole, la terre pourrait nourrir normalement 12 milliards d’êtres humains, autrement dit fournir à chaque individu une ration équivalant à 2700 calories par jour. Or, nous ne sommes qu’un peu plus de 6 milliards d’individus sur terre, et chaque année 826 millions souffrent de sous alimentation chronique et mutilante… La faim persistante et la sous-alimentation chronique sont faites de main d’homme. Elles sont dues à l’ordre meurtrier du monde. Quiconque meurt de faim est victime d’un assassinat.
Plus de 2 milliards d’êtres humains vivent dans, ce que le Programme des Nations Unies (PNUD) appelle, la « misère absolue », sans revenu fixe, sans travail régulier, sans logement adéquat, sans soins médicaux, sans nourriture suffisante, sans accès à l’eau propre, sans école.
 »

En jetant un regard rapide sur l’histoire de cette organisation, l’ONU, créée – comme toutes les autres et aussi corrompue, par les mêmes américains et leurs consorts européens – on voit nettement que le rôle qu’elle a le mieux joué, a été celui de répertoire des catastrophes et des calamités et rien de plus. Son existence, jusqu’à là, a consisté à donner couverture légale aux crimes massifs des assassins et un peu plus. Interrogé au cours d’une interview au journal El Pais du 9 mai 2005, J. Ziegler complète ce panorama terrifiant en disant : « En effet 100.000 personnes meurent de faim, chaque jour. Un enfant de moins de 10 ans meurt chaque sept secondes et chaque quatre minutes un autre perd la vue à jamais pour manque de vitamine A. L’ordre mondial n’est pas seulement assassin, sinon absurde. Il tue sans la nécessité de le faire. Il y a deux types de faim, la conjoncturelle et celle structurelle… 5% la première et 95% la seconde. Celle contenue implicitement dans la structure du sous-développement. Le plus terrible dans cette situation en Irak comme en d’autres régions du monde c’est que la faim se reproduit biologiquement. Chaque année des centaines de millions de mères (Comme on l’a vu plus haut) donnent naissances à des millions d’enfants détruits dès le premier instant de leur arrivée au monde ».

Dans un autre article de Jérémy Rifkin publié dans El Pais du 23 juin 2005 on y lit : « En ce moment où les énormes bénéfices des multinationales montent en flèche dans tous les sens, 99 pays se trouvent dans la pire des situations économiques depuis 1990. Le capitalisme a promis de réduire la différence entre les riches et les pauvres. Eh bien c’est le contraire, le fossé n’a fait que s’élargir. Les 350 familles les plus riches de la planète disposent de richesses et de biens multiples dont la valeur dépasse de loin le revenu annuel des 40% de l’humanité.

Jean Ziegler de son côté, dans le même livre mentionné, citant le PNUD de nouveau, écrit : «  Le patrimoine de quinze personnes les plus fortunées du monde dépasse le produit intérieur brut de l’ensemble des pays de l’Afrique Noire. Les idéologues capitalistes ont promis de connecter ce qui est déconnecté et finir par introduire le monde pauvre dans le Village Global de la haute technologie. Leurs promesses se sont avérées vaines. Les deux tiers des humains n’ont jamais réalisé un seul appel téléphonique. »

Si en Afrique et ailleurs, en Asie et en Amérique du Sud, où la situation, si elle n’est pas semblable, elle serait légèrement moins dramatique, on accepte la règle du jeu imposée par les dominants, c’est-à-dire de l’Occident, afin d’atteindre un niveau de vie comme le sien et acquis avec les mêmes méthodes qui sont toujours en vigueur, il faudrait – comme le dit Bernardo Alvarez ambassadeur du Venezuela à Washington (voir El Pais du 6 juin 2005) au moins quatre planètes, comme la planète terre avec les mêmes ressources et des peuples ou des indigènes disposés à se laisser faire dans les mêmes conditions d’atrocités comme l’ont été les peuples jusqu’à présent à travers tous les cataclysmes, hécatombes et génocides connus dans le manuel occidental avec toutes ses variantes, qui vont des guerres locales et guerres civiles jusqu’aux invasions multiples et incessantes suivies des pillages massifs. Pour le moment il ne semble pas que d’un côté ou de l’autre les choses évoluent réellement vers un changement positif pour l’humanité. Les revendications des peuples déshérités et écrasés par la force et la terreur s’arrêtent aux limites de la culture du minimum, c’est-à-dire pratiquement à l’abandon, et, de l’autre côté, on n’est pas prêt, non plus, à renoncer à la culture du maximum. Une culture de toujours, celle de l’accumulation à tout prix, sans tenir en considération ni les droits des autres, ni les limites, justement, de la nature en elle-même. Sans parler à présent des monstrueux dégâts dans les détails, l’état précaire de la biosphère est certifié par tous les experts. Bush, Blair, Berlusconi et beaucoup d’autres du même genre, parlent des grandes valeurs de la société occidentale et de forme de vie indiscutablement valable pour tout le monde ! A la suite du tsunami qui a dévasté tous les pays du sud-est asiatique avec les tragédies qui se sont soldées par des centaines de milliers de morts avec tout ce que cela comporte comme répercussions sociales terribles et des catastrophes économiques colossales, Jérémy Rifkin dans un article publié dans El Pais du 7 janvier 2005 sous le titre « Il aurait été possible de sauver des vies » écrit entre autres le suivant : «  Alors que les pays industrialisés (L’Occident bien entendu) et leurs multinationales se sont préoccupés pour connecter entre elles des distances les plus lointaines de la planète dans un réseau de communications parfait, afin de faciliter l’échange instantané des informations commerciales, peu ou aucun effort n’a été fait pour créer une infrastructure mondiale de communications afin de pouvoir alerter à temps des millions d’êtres humains d’un désastre imminent qui s’approche. De nos jours, on dispose de la technologie pour installer des senseurs très puissants dans les différents points de la Terre et dans les lits des larges océans afin de pouvoir détecter des volcans, des tremblements de terre, des Tsunamis et autres. Dans plusieurs parties du monde des systèmes similaires sont installés. Mais il n’y a pas de moyen pour communiquer de manière immédiate et ainsi prévenir des centaines de millions de personnes, que des catastrophes naturelles de grandes dimensions, font route vers elles. Pour l’exprimer d’une manière simple et claire, l’écrasante majorité des êtres humains ne sont pas connectés au réseau mondial de communications. Dans les pays industrialisés on considère la question de l’omniprésence des communications électroniques comme résolue, faut-il néanmoins rappeler que deux sur trois des habitants de la terre (Statistique déjà citée plus haut dans la référence de J. Ziegler) n’ont jamais fait un appel téléphonique. Mais ce qui est encore révélateur c’est que plus du tiers de la race humaine n’ont pas encore accédé au courant électrique. Donc ils ne sont pas connectés. Par conséquent même si nous avons évolué et nous sommes en mesure de détecter des catastrophes imminentes et aussi prévoir celles qui seraient en cours, il n’y a pas de moyen pour informer les très nombreux pauvres, des plus pauvres dans le monde, du désastre imminent. La conclusion qu’on pourrait tirer de ces tragiques évènements (Du tsunami) c’est que le fait d’être ou non connecté d’une façon ou d’une autre à ces types de voies de communication électronique, est déterminant en cas de désastre naturel, pour qu’une personne survive ou meurt.
[A nous en tenir seulement aux propos de M. Rifkin, on comprend parfaitement que les maîtres du monde et les leurs n’étaient pas pris au dépourvu – même s’ils feignent à travers leurs messages de condoléances et leurs fausses contritions au sujet des victimes – quant au sujet du Tsunami, comme ils doivent être aussi bien informés sur les futurs Tsunamis les plus divers, les naturels et les moins naturels surtout !]

Des hauts responsables des Nations Unies avaient déclaré qu’au cours de le conférence sur la réduction des désastres qui était prévue à célébrer entre le 18 et 20 janvier 2005 à Kobe au Japon, on allait inclure la création d’un système l’alerte rapide pour éviter de telles catastrophes naturelles comme celles du Tsunami. Mais ce qu’on ne dit pas ou ce qu’il n’est pas tenu en considération, c’est le fait de comment entrer en communication immédiate avec ces millions de personnes à travers le téléphone, la radio, la télévision ou Internet, alors que ces peuples ne disposent même pas de l’électricité. Eh bien en voici de quoi les politiciens, qui vont se réunir à Kobe, ne vont pas justement en parler [Et ils ne l’ont pas fait] : Pour arriver à l’électrification mondiale généralisée d’ici 2050 – un objectif déjà établi par les agences internationales du développement – en supposant effectivement réussir à faire arriver l’électricité à 100 millions de personnes, en tant que consommateurs supplémentaires, c’est-à-dire deux fois et demi le nombre des usagers qui se branchent au réseau à l’état actuel. Fournir à ces supposés nouveaux cent millions de personnes un volume d’énergie électrique dans une moyenne per capita de l’équivalent de ce que consommaient les usagers américains en 1950, exigerait la création de 10 millions de mégawats – comme nouvelle capacité électrique dans le monde entier d’ici l’an 2050 – ce qui veut dire quatre fois la consommation actuelle. L’Institut américain pour la Recherche de l’Energie électrique (EPRI sigles en anglais) calcule que pour atteindre un tel objectif, il faudrait mettre en marche une nouvelle centrale électrique de 1.000 mégawats toutes les quarante huit heures durant les prochaines cinquante années. Et si les difficultés pour atteindre un tel objectif ne sont pas suffisantes, le EPRI ajoute, qu’afin de respecter les exigences mondiales sur l’environnement, pour les 50% de ces nouvelles capacités électriques, il ne faut pas compter sur le charbon. Et pour bien achever les choses, il est nécessaire de disposer d’entre 100 et 150 milliards de dollars chaque année. L’Organisme International de l’Energie de son côté calcule que pour produire la nouvelle énergie dans les pays sous-développés d’ici 2020 seulement, on a besoin d’un investissement colossal de la somme de 1,7 billion de dollars.  »

Toutes ces analyses et ces calculs qui donnent du vertige parce qu’ils sont réels et signifient pratiquement le désespoir pure et simple pour tous ces peuples concernés, sont faits à partir d’une vision du monde dans ces données basées sur un système de vie occidental, prototype devenu indispensable, inévitable, sans aucune autre alternative, unique et par conséquent pour la majorité des peuples du monde un projet de vie utopique. Et l’écart ne fait que s’élargir, parce que la machine occidentale tourne à fond, consommant toujours toutes les énergies de la terre tout en s’éloignant à une vitesse vertigineuse du reste du monde. Son objectif reste un mystère. Un mystère que leurs philosophes et leurs gourous s’ingénient à lui donner formes et contours, et, les politiciens ou ainsi considérés des dimensions rationnelles et des valeurs, disent-ils, universelles !

Evidemment ces statistiques et ces chiffres aussi révélateurs et bouleversants qu’ils soient ne résument pas toute la tragédie et ne sont qu’à titre toujours indicatifs. Ils concernent aussi bien l’Afrique que tout le tiers-monde.

Quelques repères inévitables de l’histoire

«  Les oligarchies régnantes à l’aube de ce 21ième siècle, originaires, on le sait, de l’hémisphère nord de la planète, disposent de moyens financiers pratiquement illimités. Tandis que leurs victimes sont souvent dépourvues de tout et hors d’état de résister. Comment expliquer cette inégalité ? – Dans leurs colonies d’outre mer, les seigneurs ont pratiqué dès la fin du 15ième siècle un pillage systématique. Celui-ci est au fondement de l’accumulation primitive du capital dans les pays d’Europe.  » (Extrait du même livre de Jean Ziegler : Les nouveaux maîtres du monde)
Le capital arrive au monde, écrit Marx dans « Le Capital », suant le sang et la boue par tous les pores. Les trésors directement extorqués hors de l’Europe par le travail forcé des indigènes réduits à l’esclavage, par la concussion, le pillage et le meurtre, refluaient à la mère patrie pour y fonctionner comme capital. Ce sont principalement les Africains – hommes, femmes et enfants – qui, dès le début du 16ième siècle et dans des conditions d’une indicible cruauté, ont payé de leur sang et de leur vie l’accumulation première du capital européen.
Pour indiquer le rythme de cette accumulation, écrit Jean Ziegler, je ne donnerai qu’un seul exemple : «  En 1773-1774, la Jamaïque comptait plus de 200.000 esclaves sur 775 plantations. Une seule de ces plantations, d’une étendue moyenne, employait 200 Noirs sur 600 acres, dont 250 de canne. Selon les calculs les plus précis fournis par Marx, l’Angleterre avait retiré de ses plantations de Jamaïque dans la seule année 1773 des profits nets s’élevant à plus de 1.500.000 livres de l’époque. [Une somme colossale pour l’époque]

Au cours des quatre siècles qui séparent le débarquement du premier bateau négrier à Cuba, de l’abolition de l’esclavage dans le dernier pays des Amériques, plus de 20 millions d’hommes, de femmes et d’enfants africains ont été arrachés à leur foyer, déportés au-delà des mers et réduits au travail servile. [Le chiffre total des Noirs déportés de l’Afrique vers l’Amérique, diffèrent selon les sources de 60 millions à 200 millions selon l’ancien président sénégalais Léopold Sédar Senghor dont la moitié auraient péri soit lors de chasses aux « esclaves » sur leur propre terre en Afrique, soit durant le traversée, soit au cours des trois premiers mois de leur présence dans les Amériques.]
Grâce au capital accumulé dans les colonies, ce qui équivaut à un capital volé et de quelle manière, l’Europe a pu financer dès le 18ième siècle son industrialisation qui est au fondement du modèle de développement qui fait aujourd’hui la force de l’Europe et par extension de tout l’Occident  ».

Mais parallèlement aux invasions successives des pays et les pillages des peuples se déroulaient aussi des guerres entre les propres occidentaux où chaque bande prétend être la seule à qui revient le mérite de dominer le monde. Dans son article sous le titre « Sommes nous devant un nouveau contrat international ? » publié dans El Pais du 13 mars 2005, Carlos Fuentes retrace en trois parties les grandes lignes de cet itinéraire bien éclairant. L’Antécédent, l’Actualité et les Perspectives. De l’antécédent on peut lire entre autres : «  La première globalisation – révélée par Magellan et Colomb – nécessitait une légalité susceptible d’assujettir les ambitions coloniales, les rivalités dynastiques, mais surtout, les conflits religieux entre les nations européennes. La sanglante guerre des Trente Ans s’est soldée, avec la paix de Westphalie en 1648, par la première ordonnance de la communauté internationale. Une ordonnance basée sur l’équilibre de forces politiques à partir du principe cuis regio, eius religio : Le monarque régnant détermine la religion de l’Etat. Ce modus vivendi sera à son tour remis en question par la Révolution Française qui mettra fin à l’ancien régime de la monarchie absolue pour octroyer la souveraineté non seulement à l’Etat, mais aux peuples. La transformation sociale et politique s’achèvera avec le Bonapartisme. Napoléon donnera à la nouvelle bourgeoisie montante une substance économique ainsi qu’un code juridique, il dissout les associations et corporations médiévales et finit par livrer la classe ouvrière à la voracité du capitalisme triomphant. Et enfin et surtout il codifie une nouvelle légalité à la nouvelle réalité… La montée de la bourgeoisie, la révolution industrielle et les revendications nationalistes constituaient la définition de la nouvelle réalité qui va finir par s’imposer à travers les mouvements de 1848, la législation du travail, la création des syndicats etc. La nouvelle réalité économique et sociale sera – comme le démontre la Grande Guerre 1914-1918 – incapable d’exorciser les vieux démons. Affaiblies dans leurs attributions internes, les grandes puissances occidentales iront combattre à l’extérieur pour leurs privilèges coloniaux. C’est au prix de millions de morts en Marne et à Verdun que la France, la Belgique et l’Angleterre vont se partager le gâteau colonial. L’Allemagne perd le sien et les empires, l’Ottoman et le Austro-hongrois, payeront leur défaite par le parcellement de leurs territoires dans les Balkans et en Europe Centrale. Le traité de Versailles a été, après celui de Westphalie et Vienne, la troisième tentative d’ordonner le monde conformément aux lois. Des lois arbitraires qui ont démembré des entités européennes précédentes au nom de l’autodétermination des peuples mais en excluant délibérément d’un tel principe leurs colonies au Moyen Orient, en Afrique et en Asie. En 1919 Ho chi Minh avait vainement demandé audience au président Wilson à Versailles afin de lui demander d’inclure l’Indochine sous le même principe de l’autodétermination. Et Wilson en refusant de recevoir le jeune vietnamien avait, sans le savoir, préparé, pour cinquante ans plus tard, la défaite de Johnson et de Nixon. Ainsi Versailles a été un fiasco. Ça sera la toile de fond de la Première Guerre et l’annonciateur de la Deuxième… Les excessives conditions imposées à l’Allemagne par Versailles vont causer l’effondrement de toute possibilité démocratique de la République de Weimar et préparer l’ascension de Hitler. Le nationalisme a donné à Staline un excellent moyen de déguisement afin de dissimuler avec le manteau du patriotisme russe la réalité répressive de la URSS.
La seconde Grande Guerre (1939-1945) sera la plus récente occasion pour structurer d’une manière sérieuse un nouvel ordre mondial. Les présidents américains Franklin Roosevelt et Harry Truman sont à l’origine de la création de l’Organisation des Nations Unies. Une organisation dont les principes ont subi l’usure du temps et les exceptions quelquefois brutales imposées par la guerre froide. Mais comme le dit son Secrétaire Général (1953-1961) Dag Hammarskjöld : « L’ONU n’a pas été créée pour nous emmener au paradis, mais pour nous sauver de l’enfer » La Corée puis le Vietnam ont été des enfers. Le seront ensuite l’Amérique Centrale, et l’Amérique du sud d’un côté et la Pologne, la Hongrie et la Tchécoslovaquie de l’autre.
[Et comme on le constate là aussi cette organisation a totalement échoué car l’enfer général est de plus en plus vaste et impitoyable].

L’Actualité : Depuis la disparition de l’URSS, les Etats-Unis sont devenus – depuis l’empire romain, l’unique grande puissance avec la tentation inévitable de comment employer ce pouvoir ?- Clinton s’en sert avec une certaine modération. Bush l’utilise complètement et sans limite. Et ce n’est pas seulement à partir de l’agression du 11 septembre. A partir du moment où il a pris le pouvoir Bush a donné le ton de son profond mépris pour les accords internationaux sur l’environnement (Kyoto) ou sur la justice internationale (La Cour Pénale Internationale). El Quaiada ne sera que le prétexte dont il avait besoin. La guerre contre le terrorisme justifie tout, à l’intérieur et en dehors des Etats-Unis. Les Etats-Unis sont la grande espérance de l’humanité, a dit Bush : ou vous êtes avec nous ou contre nous. Les Etats-Unis sont régis en fonction de leurs intérêts nationaux et non pas en vertu d’une illusoire communauté internationale, a déclaré Condolezza Rice de son côté.

Aujourd’hui – en 2005 – le discours a changé. L’Irak s’est avéré un bourbier. Le vide laissé à la chute de Saddam Hussein a été occupé par les terroristes qui auparavant ne pouvaient pas mettre le pied en Irak. Il y avait eu des élections que les Etats-Unis voulaient afin de justifier la chute du dictateur et la présence des troupes d’occupation parées en troupes de libération.

Perspectives : En perspectives l’auteur, une fois avoir évoqué les erreurs des américains et particulièrement celles des Bush père et fils, se demande si finalement les Etats-Unis vont continuer seuls dans leur politique malgré tout et mal accompagnés ou alors en concert avec les autres puissances occidentales et par conséquent bien accompagnés.

Dans un cas comme dans l’autre, le sort des autres peuples de la planète ne changera pas pour autant, car la substance fondamentale de l’esprit occidental reste toujours la même aussi pernicieuse, aussi dévastatrice et d’un ethnocentrisme aveugle. La question est d’ordre structurel dans la conception même de la vie selon cet esprit inévitablement prédateur.

La hydre à huit têtes.

Le nouveau contrat international dont parle Carlos Fuentes se trouve à ce tournant de l’histoire uniquement et exclusivement entre les mains du même esprit, c’est-à-dire de celui qui est à l’origine de toutes les dévastations et des multiples crimes contre l’humanité. Entre les plus des deux tiers de l’humanité qui vivent dans la misère et dans un sous-développement effroyable et les 15% que constitue la population générale occidentale qui a fait main basse sur plus de 80% de tous les biens de la terre, il est hors de question de parler de civilisation, à moins que civilisation signifie guerre continue contre les peuples. A moins que le terme civilisation veut tout dire sauf ce qu’il indique réellement. De par les réalités dramatiques qui couvrent la planète et des massacres où sont employées les armes les plus sophistiquées et les plus meurtrières au sens propre comme au figuré, car les actions de ces institutions dites régulatrices du monde tels que la Banque Mondiale (A la tête de cette Institution et pour de plus de mépris envers tous, Bush a placé un des plus sinistres personnages de son administration, celui auquel on se réfère comme l’architecte de l’invasion de l’Irak pour servir son coreligionnaire Sharon, Paul Wolfowitz. Chose qu’il n’a jamais cachée), le Fond Monétaire International et l’Organisation Mondiale du Commerce, sont encore infiniment plus meurtrières, – sans qu’on s’en rende compte peut être – on se trouve bien dans la troisième guerre mondiale, bien qu’en vérité elle soit la première, mais sous une forme différente, dans laquelle sont utilisées en même temps que les bombardiers B52, la coercition et le mensonge massif. Et qui de mieux pourrait-on se trouver aux commandes d’une telle guerre : Bush, Blair, Berlusconi, Chirac, Poutine, Shroeder, un japonais et quelques autres de moindre importance mais sortis des mêmes écoles.

Il y a toujours ces slogans attractifs et ces phrases grandiloquentes pour mieux vendre les plus sinistres projets : On parle de civilisation, de valeurs sociales, de liberté, de démocratie, etc.… pourtant, il ne s’agit de rien d’autre que d’un enchaînement du même, l’opulence d’une infime minorité au prix des dévastations de la planète.

Juste au moment où la plupart des pays colonisés changeaient de maîtres locaux et entraient dans toutes ces organisations mondiales comme pourvoyeurs de fonds d’abord et comme voix dans l’Assemblée Générale de l’ONU ensuite, une condition légitimant le caractère tyrannique du pouvoir de ces dictateurs, Nixon – le président américain qui a dû démissionner en 1974, non pas pour les massacres au Chili et ailleurs en Amérique du Sud, en Asie et en Afrique, mais à la suite du scandale Watergate – a changé en 1971 d’un seul coup la règle du jeu financière pour ouvrir le vaste champ aux multinationales américaines d’abord et à toutes les autres occidentales en général ensuite et a supprimé la couverture or du dollar. Ainsi il a mis fin au système monétaire établi jusque là. Depuis le dollar n’a plus sa valeur en once d’or, mais une valeur virtuelle. Indépendamment de ce que représente aujourd’hui l’inflation aux Etats-Unis même, qui est considérable, au point que ce pays nécessite une injection quotidienne d’argent frais de deux milliards, il y a dans le monde un capital en papier dollar en circulation dix huit fois plus élevé que la valeur de tous les biens et services produits pendant une année et disponibles sur la planète. (Les Maîtres du monde. J. Ziegler). Autrement dit on a déjà comptabilisé la valeur et les biens d’au moins toute une génération à venir, et, tout indique que ça va continuer. Les dégâts qui en résultent sont incommensurables d’autant plus que tout ce cumul virtuel verse dans la même caisse, celle des puissants et au détriment des mêmes, les autres, les plus nombreux bien entendu. Et comme l’écrit la professeur d’économie espagnole Ma. José Farinas Dulce si en 1960 pour faire un riche il fallait 30 pauvres aujourd’hui il faut 80 pauvres. La valeur du riche est montée et celle du pauvre a baissé ! Et le pire c’est que ça continue.

Donc une fois le système monétaire ayant cessé de fonctionner avec les réserves d’or dans les banques centrales des différents pays, ce qui constitueraient en quelque sorte des freins à une gourmandise spéculative incontrôlable, c’est le dollar qui a pris la fonction de monnaie de réserve, mais au lieu d’une couverture or, ça sera une couverture militaire. Et quand Bush parle de guerres illimitées, il donne en réalité les garanties nécessaires à cette nouvelle forme de couverture. Le champ d’action devant les spéculateurs n’a plus de limite tant que les guerres font rage. C’est ce qu’aujourd’hui on appelle par euphémisme la sécurité avec les extensions pratiquement sans limite. Une énorme bulle qui se gonfle sans arrêt.

A l’époque, en 1971, les Etats-Unis enregistraient leur premier déficit commercial, la guerre du Vietnam semblait interminable et d’autres facteurs comme l’arrivée des nouveaux pays sur la scène mondiale ou la constitution des groupes de pays comme les non-alignés etc. Tous ces éléments vont finalement donner naissance à la nouvelle politique économique occidentale, au nouveau contrôle des ressources de la planète. Les ministres des finances des Etats-Unis, de l’Allemagne Occidentale, de la France et d’Angleterre se réunissent dans la Bibliothèque de la Maison Blanche pour débattre de la situation économique mondiale. Ainsi est né le Groupe, la Hydre. S’y joignent par la suite l’Italie en 1975 et le Canada en 1976 pour s’appeler le G7 avec comme premier objectif d’assurer le fonctionnement du nouveau système monétaire. Une fois disparue l’Union Soviétique, des contacts se sont établis en 1991 pour associer la Russie d’où la dénomination actuelle du G8. Mais pour des raisons diverses dont la question de la Tchétchénie, sa plus que discutable transmutation au capitalisme et sa problématique – aux yeux des sept – démocratie, fait que le G7 exclu la Russie de certaines réunions déterminées de présidents et de ministres, ce qui donne au groupe une condition bien singulière et le fait d’être ou ne pas être de la Russie, le groupe peut s’appeler le G7/G8. La Hydre pourrait avoir sept têtes ou huit, selon les conjonctures. Ainsi on peut qualifier ce groupe comme la nouvelle version à jour de la vocation occidentale de tous les temps. Celle qui consiste en la domination sans partage de la planète.

Le 7 juillet dernier Tony Blair outragé s’est demandé : « Comment peut-on commettre de tels actes barbares alors que les leaders du G8 étaient réunis pour aider le continent africain ? Insinuant par là – comme l’écrit La Jornada de 15 juillet – que le simple fait de la réunion de ces illustres personnages soit en lui-même un motif suffisant pour arrêter la marche de la planète. On pourrait même deviner l’écriteau dans les splendides jardins de Gleneagles : « Silence, les génies sont au travail ! ». Alors que les génies en question, ce qu’on appelle les dirigeants des nations industrialisées, sont dans leur majorité des politiciens discrédités et avec très peu d’autorité morale auprès de leurs propres électeurs, sans parler du reste du monde. Blair n’a pas de dossiers de corruption, mais il a pire. Il est le complice de Bush dans l’invasion de l’Irak et dans la grande supercherie des armes de destructions massives qui a provoqué le suicide du docteur David Kelly. Rien que pour cela il y a des motifs suffisants pour provoquer les attentats du 7-J et ceux à venir…
Mais Silvio Berlusconi (quelle ironie !), Il a passé tout son mandat contre les cordes, à se défendre des accusations judiciaires de corruption et ses liens supposées avec la mafia. Ce type se préoccupe réellement de la famine en Afrique ?
Et Paul Martin, le multimillionnaire premier ministre canadien dont le gouvernement se trouve sous la menace de disparaître pour son implication dans un scandale de payements illégaux, se dédie à aplanir la brèche technologique dans le continent noir ? (Ce monsieur Martin, ancien armateur et propriétaire de compagnies électriques, est accusé, à l’époque où il était ministre des finances, d’avoir autorisé le payement de 100 millions de dollars à des agences de publicitaires qui n’ont jamais fourni les services mentionnés). Mon Dieu ! Si nous allons croire à ce que ces messieurs nous racontent, nous finirons par avaler le conte de la « bonne foi » de Dick Cheney en autorisant les scandaleux contrats à la compagnie Halliburton, l’entreprise qu’il avait dirigée avant d’arriver au pouvoir et qui a bénéficié, grâce à ses soins, de contrats milliardaires dans ce qu’on appelle abusivement la reconstruction de l’Irak.
Quant à Bush ça ne vaut même pas la peine d’en parler. Tout le monde connaît les antécédents et les échecs de son administration jusqu’à sa responsabilité directe dans les évènements qui ont débouché sur les attaques de Madrid et de Londres. Pardon, la question de l’éradication du Sida se trouve entre les mains de Jacques Chirac, homme politique emphatique et médiocre, entouré de scandales, suspecté de fraudes fiscales et en plus ayant essuyé un honteux fiasco avec le référendum sur la constitution européenne ? Ni Gerhard Shroeder en Allemagne ni Poutine le russe, ne sont en meilleures positions
 ».

Toutes ces figures aussi hideuses les unes que les autres se trouvent réellement prédestinées en ce tournant précis de l’histoire. Tous ces personnages donnent une idée sur l’ampleur de ce qu’on appelle pompeusement G7/G8, alors qu’en réalité, il ne s’agit que d’une Hydre à têtes variables et indépendamment des noms qui leur prêtent l’identité occidentale du moment.

Jean Ziegler de son côté écrit encore : « Les hommes, les femmes et les enfants des pays de la périphérie sont en fait doublement victimes : À cause des dévastations subies dans le passé et à cause de l’inégalité de développement entre leurs sociétés et celles des anciennes métropoles coloniales de l’hémisphère nord, ils sont aujourd’hui – à l’heure de la mondialisation, du modèle économique et de la pensée uniques – incapables de résister aux nouvelles attaques du capital transcontinental. Beaucoup de pays d’Asie, d’Afrique, d’Amérique latine et des Caraïbes ont été rendus exsangues par les trafics triangulaires, la traite, l’occupation coloniale, l’exploitation et le pillage pratiqués par les comptoirs. Bref, la mondialisation frappe de plein fouet un corps social déjà gravement affaibli et privé de ses forces de résistance immunitaires  ».

Dans le même article du El Pais du 10/07/05 déjà cité on peut lire encore par exemple : «  A chaque fois qu’un citoyen de la Communauté européenne tire la chasse d’eau de son waters, il consomme l’équivalent de tout l’eau de tout un jour dont dispose une famille africaine composée de cinq membres… l’Afrique est très riche en pauvres. D’une certaine manière et à son désespoir, elle les exporte en barques rudimentaires vers l’Europe, car la dernière issue viable reste l’émigration illégale. Mais l’Afrique est riche en pétrole. En Angola, un pays assailli par les guerres coloniales et les guerres civiles, dans lequel on trouve plus de mines antipersonnelles que d’habitants (13.500.000 millions), l’or noir représente 50% du PIB, mais les dettes extérieures dépassent les 10 milliards de dollars. L’Afrique est aussi riche en « coltan », matière première essentielle pour la fabrication des téléphones portables, les ordinateurs, et les play station. Les 80% des réserves mondiales de cette matière se trouvent en Afrique. 12% du commerce international du coltan sont produits dans l’est du Congo Démocratique ex-Kinshasa, une zone en guerre et dans laquelle l’extraction de ce minerai garantit des considérables bénéfices multimillionnaires. De même l’Afrique est riche en minerais stratégiques employés dans les centrales nucléaires, les armes sophistiquées et la technologie de pointe à utilisation civile. Mais tout ce que rapporte ce commerce ne reste même pas en Afrique, il voyage vers des comptes secrets ou se perd dans les poches des intermédiaires locaux et étrangers. Les gouvernements corrompus et soutenus de l’extérieur, servent aussi pour l’écoulement de ces bénéfices frauduleux et par conséquent illégaux. Sierra Léone, riche en caoutchouc, a été durant longtemps appelé le pays de Firestone. Par la suite on est passé du caoutchouc au diamant qui a fini par graisser une guerre qui va durer 10 ans faisant plus de 70.000 morts et 10.000 personnes sans bras amputés par une cruelle guérilla ».

A propos de ce fléau ravageur de la corruption, le rapport, en date de mars dernier, de l’Organisation Non Gouvernementale Transparency International (IT) dit textuellement que les multinationales occidentales sont les responsables directs qui ont fait de la corruption la structure sur laquelle elles s’appuient dans les pays du tiers-monde en particulier. La corruption, toute corruption comme l’histoire le démontre, se trouve toujours au centre de l’esprit prédateur de l’homme occidental. Certains penseurs occidentaux évitent le mot corruption et parlent tout simplement des politiques occidentales « d’amitiés » et d’intérêts partagés avec les élites corrompues et oligarchiques qui gouvernent dans ces pays. Tout engagement qui se fait avec lui obéit en premier lieu à cette condition. Dans cette dernière réunion de G8, il a été question d’une aide pour le développement de 50 milliards de dollars durant les prochaines dix années et d’une remise de la dette estimée à 33 milliards de dollars des 18 pays les plus pauvres d’Afrique. En 1997 le G7, à l’époque il n’était encore que sept, en attendant que la Russie remette un peu d’ordre à la maison avant de rejoindre le Groupe, il a été question de la remise de 100 milliards de dollars sur les 230 milliards que devrait toute l’Afrique Noire, huit ans plus tard nous voici autour de 30milliards de dollars seulement. (Ironie de l’histoire. Mais qui est endetté, l’Occident qui dévalisé le continent, ou ses victimes ? – Il n’y a pas meilleur exemple de l’irrationnel, de l’absurde et enfin de compte du crime légal). Un petit exemple sur l’ampleur sur cette aide au développement, sur l’imposture massive et continuelle de l’Occident nous le donne le professeur d’économie, à l’université de Columbia aux Etats-Unis précisément, Jeffrey Sachs dans un article publié dans El Pais du 03 juillet dernier il écrit : «  Peut être Bush pense que les Etats-Unis font beaucoup dans l’aide à surmonter les obstacles dans ces problèmes (Du sous-développement) mais en réalité l’aide américaine est infime. La Commission pour l’Afrique créée par Blair ainsi que Le Projet Millenium des Nations Unies ont établi que l’Afrique nécessite 50 milliards par an d’ici l’an 2010. La part proportionnelle qui correspond aux Etats-Unis est de 15 milliards par an approximativement. Mais l’aide officielle américaine n’est que de 3milliards par an. La plus grande partie de ce montant est destinée à payer les salaires des conseillers américains. [L’hypocrisie est époustouflante, elle ne peut être autrement, ce qu’ils prétendent des actions de compassions, ne sont en réalité que des créations machiavéliques de postes de travail largement rémunérés pour des « experts » occidentaux faits à partir des détresses des autres peuples.]

Donc rien à voir avec les nécessités des africains. Cette quantité équivaut à un centime sur chaque 100 dollars du PIB américain, moins que l’équivalent de deux jours de dépenses militaires  ». Pourtant ça fait plusieurs années qu’il a été décidé de dédier 0,7% du PIB des pays riches de l’Occident pour venir en aide aux pays du tiers-monde où les drames sont gigantesques. Aucun pays n’a honoré intégralement cet engagement. Et ceux qui l’ont fait – comme on peut l’imaginer – l’ont fait à l’aide de bons d’état destinés à se procurer sur le marché occidental des denrées à des prix « bien convenables » ou comme l’écrit Jeffrey Sachs en salaires pour les conseillers, ce qui réduit encore plus la valeur réelle d’une telle aide. Sans rien apporter à la détresse de ces peuples, ce mouvement génère dans le pays « donateur » une dynamique supplémentaire sur le marché qui à son tour finit par constituer un nouveau facteur de richesse à comptabiliser sur le PIB de l’année ou des années suivantes. En quelque sorte, ce qui est en apparence une aide, n’est qu’une nouvelle source de richesse pour le pays donateur. Bien qu’au fond et en supposant que le 0,7% soit finalement atteint, il ne reste pas moins qu’une infime restitution de ces énormes « bénéfices » que tirent l’Occident de ses « rapports commerciaux » avec ces peuples ou de ce qu’il a accumulé comme richesses aux dépends des mêmes.

Le prix Nobel allemand Günter Grasse, dans une interview publiée dans le supplément du journal El Pais du 17 juillet, à la question : « Qu’est-ce qui vous a le plus déçu dans votre vie politiquement ?  » Il a répondu : «  Politiquement, à la fin des années quatre vingt, mais pas en ce qui concerne l’Allemagne, sinon l’Europe. A la fin de la guerre froide, Willy Brandt avait parlé des dividendes de la paix à investir dans les pays pauvres. Et ce qui s’est passé, c’est tout à fait l’inverse. L’armement s’est accru, on s’est inventé des nouveaux ennemis, on a provoqué des guerres partout et finalement la tentative de Willy Brandt, de faire réagir les gens autour du fameux Rapport Nord Sud, entre les pays riches et les pays pauvres, s’est réduite à néant. Personne ne l’avait jamais écouté.  »
Enfin la supercherie demeure entière et monumentale.

Noam Chomsky, au cours d’une interview transformée avec beaucoup d’autres en un livre sous le titre « Pouvoir et terreur » paru en septembre 2003, a répondu aux questions d’un journaliste japonais comme suit :

Question : A écouter vos analyses sur ce phénomène (Le terrorisme) certains vont vous accuser de faire l’apologie du terrorisme, qu’est ce que vous leur dites ?

Réponse : C’est tout à fait le contraire. Moi je ne fais pas l’apologie du terrorisme. Ce n’est qu’une question de bon sens. Si on pense, sans prendre garde, que dans le futur il n’y aura plus d’autres attaques terroristes, alors c’est bon et il n’est pas besoin de prêter trop attention aux raisons. Par contre si on pense qu’il soit d’intérêt de faire ce qu’il faut, afin de les éviter, on est obligé de penser aux raisons. Et c’est tout à fait le contraire de faire l’apologie du terrorisme.
Il serait bien éclairant de voir comment fonctionne une telle accusation. Si par exemple je cite le Wall Street Journal en parlant des raisons qui sont à l’origine de la formation des groupes comme celui de Ben Laden, les personnes comme moi seraient accusées d’apologistes et non Wall Street Journal, que je suis en train de citer comme la source et qui explique avec précisions les raisons évoquées. Mais ces gens ce qui les préoccupe réellement, c’est le fait d’oser critiquer la politique des Etats-Unis.
Si les références viennent de Wall Street Journal ou des archives secrets rendus publics et qui évoquent le même problème d’il y a quarante ans, celui qui fait l’apologie c’est moi et non pas le Conseil National de Sécurité, ni le Wall Street Journal. Tout simplement parce le danger pour eux c’est de voir qu’à la place d’un conformisme mis à échec, s’impose une opposition. Enfin interpréter la recherche des raisons comme apologie du terrorisme, c’est vraiment infantilisant et quel que soit le délit.

Q- Au Japon pour les gens qui ont souffert les bombardements atomiques des villes de Hiroshima et Nagasaki, entendre dire les mots « Zone Zéro » ça éveille en eux des sentiments très désagréables. Que pensez-vous ?

R- Le plus curieux c’est qu’ici personne ne lui vient à la tête de penser à ça. Jetez un regard autour de vous. Je veux dire que je n’ai jamais vu dans un organe de presse ou dans les autres médias de communications massives aucun commentaire à ce sujet. (Les bombardements en question). Pour une raison bien simple : ça ne rentre pas dans la conscience des gens.

Q- Mais ces mots….
Oui sans le moindre doute . Ça vient de là. Inutile de se poser la question. Personnellement ça m’a affecté dès le premier instant. Je comprends. Mais ici ça n’a pas la même signification parce c’est toujours la même histoire :

Les atrocités commises ailleurs, dans n’importe quel endroit, n’existent pas. Et ainsi on peut continuer durant des siècles. Regardez ce qui se passe aux Etats-Unis. Pourquoi moi personnellement je vis ici ? – Je vis ici parce que quelques fanatiques fondamentalistes anglais émigrèrent à cette terre. Puis ils se sont mis à exterminer la population indigène. Par la suite ils ont été suivis par beaucoup d’autres qui ont exterminé ce qui restait de la population autochtone. Ce n’était pas une bagatelle. Il s’agit de millions de personnes. Les gens de cette époque savaient parfaitement ce qu’ils faisaient et personne ne s’était posé la moindre question là-dessus. Ça fait des siècles depuis que cette extermination a eu lieu et elle n’est toujours pas entrée dans la conscience générale.

Ni les américains, ni leurs ancêtres (Enfin de compte les américains ne sont que les descendants des premiers européens débarqués sur cette terre, comme l’explique aussi bien Chomsky que toute l’histoire) ne se sentent jamais concernés par les exterminations et crimes qu’ils ont commis sur toute la planète et auxquelles n’a échappé aucun peuple de la terre. La France ou plus exactement son parlement a proposé en février dernier une motion qui considère le colonialisme en Algérie (1830-1962) comme une ère de lumière et par conséquent une époque positive et par extensions pour tous les peuples d’Afrique et d’ailleurs colonisés de la même manière ! Qui dit mieux ? – Un exemple de comment transformer le crime en vertu pour le faire entrer confortablement dans la conscience. Il aurait mieux valu garder cette question – comme toutes les autres qui sont innombrables – hors de la conscience générale. Ce n’en est qu’une arrogance supplémentaire. De toute manière pour que les crimes et génocides fassent partie de la conscience générale, il serait logique de payer d’abord le prix. Reconstruire tout ce qui a été détruit et rendre justice à toutes les victimes. Répondant aux critiques à cette motion, monsieur Chirac – sans perplexité aucune – pensent que les historiens se chargeront de la question et apporteront leur jugement. Confiant bien sûr de donner raison à cette prétention contenue dans la motion parlementaire. Rien n’indique que les européens et l’Occident soient en train de solder leurs énormes dettes. Tout à fait le contraire. On additionne et on continue.

Fernando Savater, un philosophe espagnol considéré comme ami des socialistes espagnols, dans un article publié le 14/07/2005 sous le titre «  Pas à eux  » écrit : « Je ne comprends pas très bien le diagnostic de Gema Martin Muñoz (Une professeur universitaire, considérée comme bien informée et spécialiste des questions arabes et musulmanes. Elle intervient souvent soit par écrit soit sur les ondes avec des opinions opposées à celles de l’establishment intellectuel espagnol). Elle dit qu’il y a eu un excès de zèle politique qui a débouché sur le harcèlement systématique des communautés musulmanes et a traduit tout ce qui attrait à l’Islam en codes policiers. Le tout a engendré le racisme avec tous ses pernicieux sentiments d’humiliation. » C’est un paragraphe d’un article de l’auteur qui a paru dans El Pais du 09/07/05 sous le titre « El Quaida et lutte contre le terrorisme) et auquel faisait référence le philosophe pour enchaîner : Une telle conclusion n’est vrai ni en Espagne, ni en Angleterre, ni en Hollande, pour ne citer que ces endroits là qui ont pâti récemment les violences terroristes à différents niveaux. Non ce n’est pas l’excès de zèle policier qui a provoqué les attentats, c’est son absence qui a permis leur mise à exécution… Comme tous les évènements dans ce monde, le terrorisme a aussi ses causes. Certains penseurs nous avancent les plus profondes : Le capitalisme sauvage, l’arrogance de l’Occident, l’injustice planétaire, etc. Je suis surpris que personne n’ait ajouté le Péché Originel, qui a eu aussi plusieurs vices. Evidemment le nazisme et le stalinisme n’avaient pas manqué non plus de causes. Des causes qui, en fin de compte, certaines les partageraient bien avec le terrorisme actuel. En tout cas le plus urgent à présent consiste à nous défendre de leurs attaques et protéger les meilleurs acquis de nos sociétés face à eux. .Certains nous recommandent un examen de conscience, un exercice toujours sain ; mais dans les tragiques circonstances actuelles, je dirais que ceux qui ont besoin d’urgence de le faire ce sont bien les membres des communautés islamiques qui désirent vivre tout en partageant avec nous ces valeurs démocratiques qu’il faut finalement reconnaître en tant que valeurs universelles et non issues d’un ethnocentrisme européen. Se sont eux qui doivent se demander pourquoi leur principale contribution à la modernité politique contemporaine s’est réduite à Al Quaida et doivent savoir comment modifier la mauvaise réputation engendrée par leur parenté avec celle-ci. Nos pays de leur côté peuvent et doivent modifier plusieurs aspects de leur politique étrangère et lutter contre la misère et l’ignorance dans n’importe quel endroit de notre horizon globalisé, etc. Le philosophe termine son article par cette phrase : « Mais qu’il soit bien clair, pourquoi les valeurs démocratiques s’imposent à tout le monde, mais pas à eux ? ».

De son côté, le journaliste américain Thomas Friedman, loin de parler d’examen de conscience écrit : «  Comme il n’y a pas d’objectif clair et défini à détruire comme mesures de représailles et d’autre part il n’y a pas suffisamment de policiers à patrouiller dans tous les recoins d’une société ouverte, dans ce cas là si le monde musulman ne se met pas réellement à contrôler, à empêcher et à dénoncer ses propres extrémistes – s’il s’avère qu’ils sont derrière les attentats de Londres – l’Occident s’en chargera de le faire à leur place. Et l’Occident le fera d’une manière grossière et brutale simplement en leur interdisant l’accès, en leur refusant les visas et en considérant tout musulman résidant coupable jusqu’à ce qu’il démontre qu’il est innocent…  » Après ce qui semble être une recette destinée aux bons musulmans afin de se débarrasser de ce que l’auteur appelle culture de la mort, il termine son article réclamant une « Fatwa » et écrit : « Quand Salman Rushdie avait écrit son discutable roman sur la vie du Prophète Mohammed, il a été condamné à mort par le leader iranien. Jusqu’à l’instant aucune fatwa n’a été émise pour condamner Osama Ben Laden ». (Voir le NYT du 10 juillet)
Jean Daniel du Nouvel Observateur français emboîte le pas et écrit le 14 juillet dernier : «  La lutte contre le terrorisme risque de se transformer à nouveau, comme le désirait Georges Bush… en une croisade contre le Mal, permettant ainsi les plus injustes amalgames…  »

Conclusion :

Ce qui est vrai sur le plan économique pour l’Afrique, n’est pas moins vrai ni pour le monde arabe et musulman, ni pour tout le reste des pays du tiers monde. La misère, le sous-développement et toutes les calamités qui s’abattent sur les peuples du monde, ne sont pas dus à la colère du ciel. Car aucun peuple n’est prédestiné au sous-développement et aux souffrances plus que d’autres. Et comme on l’a vu, il y a un esprit hégémonique, dominateur et dévastateur, celui de l’Occident qui est à l’origine de cette situation dramatique qui a fait de la misère endémique des peuples du monde, une condition structurelle, pour ses performances technologiques, son avance écrasante, son gaspillage extraordinaire dans tous les domaines de la vie économique et sa volonté de se maintenir comme maître absolu de la planète. Tous les prétextes sont bons pour justifier cet état des choses. De ceux qui font les élucubrations intellectuelles, anthropologiques, philosophiques, sociales et autres, jusqu’aux chefs de guerre et leur méthodologie meurtrière permanente, le tout dans le seul but de justifier l’hégémonie d’un esprit assoiffé de domination insatiable et enfin de compte exterminateur.