Entretien | Le Professeur Cees Hamelink se démarque du Sommet onusien de Tunis à cause de l’inconstance en matière des droits de l’homme.
Par Jaap Stam.
Traduit du néerlandais par Sami Ben Gharbia.
Amsterdam- C’était une fonction de rêve, la coorganisation d’un sommet onusien sur la société de l’information. Tout était permis : les citoyens devraient avoir leur voix et les droits de l’homme seraient au centre des préoccupations du sommet. « Cela a effroyablement échoué ! »
C’était une excellente fonction que lui a proposée le secrétaire général des Nations Unies Kofi Annan il y a quatre ans. Œuvrer à intégrer et à engager les citoyens dans un sommet mondial sur la société de l’information. Et œuvrer à ce que les droits de l’homme soient une priorité dans le programme dudit sommet.
« Tâche excellente. Echec impitoyable ! » affirme Cees Hamelink qui occupe depuis des années la fonction de professeur de communications internationales à l’Université d’Amsterdam et qui vient d’occuper la chaire de Globalisation, droits de l’homme et prévoyance santé à l’Université Libre d’Amsterdam.
Le sommet mondial sur la société de l’information qui a débuté il y a deux ans à Genève et qui devra se clôturer cette semaine à Tunis abordera le sujet de la fracture numérique entre les pays pauvres et les pays riches. A Genève, on a adopté une déclaration et établi un plan d’action contenant plus de 140 mesures concrètes. Ainsi, tous les établissements scolaires du secondaire devront être connectés à Internet en l’an 2010. Cinq ans plus tard, sera le tour des établissements primaires.
A Tunis, on devra examiner le problème de la gouvernance de l’Internet et prévoir un fond de solidarité numérique en faveur des pays en voie de développement.
« Ce sommet aurait dû être tout autre. Régimes et citoyens auraient dû s’asseoir sur la table des négociations. Ceci n’a pas été le cas. La plupart des Etats membres n’en voulait pas. Les Etats prendront les décisions et les citoyens ne seront écoutés … qu’à condition de ne pas déranger ! »
Monsieur Hamelink a prévu un échec depuis les premières réunions. « les Chinois ont été clairs dès le début : ils ne voulaient pas de citoyens dans ce sommet. Même sur le dossier des droits de l’homme, ils étaient intransigeants. L’Union Européenne a gardé le silence. De même que les Américains. Ils ne voulaient pas importuner les Chinois. »
Ce n’est qu’à la fin que les droits de l’homme ont pu être mentionnés dans la déclaration finale de Genève. « On a fait allusion à l’article 19 de la Déclaration Universelle des droits de l’Homme relatif à la liberté d’expression. Cela a coûté un énorme effort et pourtant ils étaient faiblement formulés. »
Selon le professeur Hamelink « une extraordinaire confusion » entoure le concept de société de l’information. Et c’est la raison pour laquelle il a créé, avec le linguiste Noam Chomsky et le célèbre chercheur norvégien pour la paix le professeur Johan Galtung, une commission académique veillant à dresser une carte de l’ensemble des problématiques et à en apporter des solutions aussi complexes soient-elles.
« Ce sommet devait aussi traiter des petits journaux et des stations radios d’Amérique latine et d’Afrique qui se trouvent sous la pression des gouvernements. Il devait aussi s’intéresser au sujet de la censure, de la propriété des médias internationaux, de la vie privée et de la propriété intellectuelle. »
Les ambassadeurs auprès des Nations Unies ont souvent torpillé monsieur Hamelink « ils étaient assez ennuyés par les citoyens, les droits de l’homme et voilà le tour de cette bande de professeurs… »
« Un fond de solidarité numérique ! Ça sonne tellement émouvant ! Mais cela ne servira à rien. Nous avons essayé ce genre de fonds durant les trentes dernières années. Ça ne marche pas. Cela est-il dû au manque de volonté politique ? Aux rapports des forces économiques ? Peut-être qu’il faudrait entamer des recherches pour déterminer la vraie cause. »
Le fait que la Tunisie, pays où les droits de l’homme sont bafoués, soit le hôte de la deuxième phase du sommet est décevant pour monsieur Hamelink. A la veille du sommet de Tunis, il a tenu à présenter sa démission à Kofi Annan et à l’informer de sa décision de ne pas se rendre en Tunisie.
Les ONG de défense des droits de l’homme iront à Tunis, elles veulent se faire entendre. Hamelink est pessimiste. « La police tunisienne interdira les manifestations. Une fois le sommet clôturé, les activistes tunisiens qui sont entrés en contact avec les étrangers seront arrêtés, emprisonnés et torturés. »
Selon monsieur Hamelink, il y a un seul message qui peut vraiment embarrasser le régime tunisien : ne pas se rendre au sommet de Tunis !
Par Jaap Stam.
Traduit du néerlandais par Sami Ben Gharbia.
Amsterdam- Le professeur de l’Université d’Amsterdam Cees Hamelink, conseiller personnel du secrétaire général des Nation Unies Kofi Anaan, vient de démissionner. Le spécialiste des communications et l’activiste des droits de l’Homme n’est pas d’accord que soit tenue à Tunis la deuxième phase du sommet mondial sur la société de l’information.
« La liberté de la presse et la liberté d’expression sont essentielles pour l’échange de l’information. En effet, l’organisation d’un tel sommet dans un pays qui bafoue d’une façon aussi flagrante les droits de l’homme, enlève au thème tout son sérieux. »
C’est Kofi Anaan qui a demandé, à titre personnel, à Hamelink de le soutenir dans l’organisation du sommet mondial sur la société de l’information qui se clôturera cette semaine à Tunis.
Cees Hamelink est devenu son conseiller spécial pour l’organisation du SMSI. A cet effet, il le conseille de façon volontaire et bénévole. Le secrétaire général des Nations Unies a l’habitude de convoquer pareils conseillers afin de l’assister dans des conférences ou des événements particuliers
Selon Amnistie internationale, il existe en Tunisie des centaines de prisonniers politiques. C’est un pays où on torture et où la presse est muselée.
Hamerlink : « on ne peut pas lutter toute sa vie pour le respect des droits de l’homme et s’en détourner lors d’une telle échéance. »
Source : de Volkskrant du 14 novembre 2005.
Traduit du néerlandais par Sami Ben Gharbia.
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