Suite à un poème contestataire américain


« Ta poésie est mauvaise parce qu’elle transmet un message. »

Dis-le
À Lorca au moment où on lui tire une balle dans le cul
Dis-le aux anarchistes espagnols
Dis-le aux habitants des camps de concentration
Juifs, noirs, homosexuels, handicapés, résistants et opposants,
Dis-le aux habitants de Caen, de Dresde, de Brest, de Berlin,
Dis-le aux habitants de Hiroshima et de Nagasaki,
Dis le à la terre d’Hiroshima et de Nagasaki

Dis-le à Clément Marot
Emprisonné parce qu’il mangeait du lard le vendredi saint
Dis-le à El Moutanabi
Assassiné parce qu’il disait la vérité à savoir que son œuvre est supérieure à celle de Mouhamad
Dis-le à Baschar Ibn El Burd fouetté à mort par des fascistes religieux en raison de sa liberté
de pensée et de conduite
Dis-le à Hallâj crucifié sur le gibet à Bagdad en 923 pour ses idées
Dis-le à Dostoïevski en face du peloton d’exécution
Dis-le à Artaud pendant qu’on lui inflige des séances d’électrochoc
Dis-le à Pasolini pendant qu’on lui défonce le crâne dans une décharge d’ordure
Dis-le à Salman Rushdie dis-le à Serge Pey qui a aussi écoper d’une fatwa parce qu’il avait écrit un texte en soutien à Rushdie intitulé « dieu est un chien dans les arbres »
Dis-le à Abdelatif Laâbi dans sa prison sous de Hassan 2
Dis-le à Rivera dans sa prison sous Castro

Dis-le à Soljenitsine
Interdit d’écriture pendant ces années de Goulag
Qui écrit 1500 pages sur les pages de son esprit
Dis-le au peintre chinois
Qui interdit de peinture
Achève une étoile chaque nuit pendant des années
Et la brûle à l’aube craignant les descentes des flics

Dis-le à Nazim Hikmet,
Dis-le à Maïakovski pendant le court laps de temps qui sépare sa prise de conscience de la vanité de la révolution bolchevique et celui où il se tire une balle dans la tête
Dis-le à Paul Celan
Qui ne supporte pas les révélations de la collaboration d’Heidegger au nazisme
Et qui se jette dans la Seine
Dis-le à Ghérazim Luca et son exil
Qui est vendu par une dictature communiste à l’état d’Israël
Qui y vit dans une grotte pendant deux ans avant d’en sortir clandestinement pour regagner la France
Et qui se jette dans la Seine

Dis-le aux algériens que la police de France
A noyé dans la Seine
Dis-le aux algériens au moment où un fanatique islamiste leur tranche la gorge

Dis-le à Mahmoud Darwich et son exil
Quand on le chasse enfant de son village qu’on rase pour qu’il n’y revienne jamais
Dis-le aux palestiniens et leur exil
Après 50 années de camp de réfugiés
Dis-le aux palestiniens et leur exil
Dans leur terre dans leurs champs dans leurs maisons
Dis-le à la Palestine et à son corps
Qu’on démembre et qu’on donne à manger crus aux dieux
Qui se mangent entre eux

Dis-le aux tchétchènes
Des siècles passés et d’aujourd’hui
Que la Russie
Impuissante à les exterminer
Achète les yeux et la langue
De l’Europe
Pour leur faire payer leur hérésie de vivre

Dis-le à l’Afrique
Que l’Europe a partagé avec un compas et une équerre
Dis-le aux africains que l’église prive de préservatifs et qui meurent par centaines de milliers
Dis-le aux enfants violés par des prêtres protégés par l’église

Dis-le aux amérindiens
Passés d’un esprit millénaire à un fantôme folklorique

Dis-le à ceux qui sont bus par la mer
Dis-le à ceux qui sont bus par l’eau
Dis-le à ceux qui sont dévorés par la terre
Dis-le à ceux qui sont dévorés par le feu

Dis-le à la petite fille
Quand elle est violée par son père
Dis-le à la jeune fille
Aux yeux de laquelle on met des barreaux
Dis-le à la jeune femme
Qu’on brûle sur le bûcher de l’Inquisition
Dis-le à la femme
Seule et unique divinité
Quand les fabricants de dieux en deviennent jaloux

Dis-le aux hommes incompris des hommes cherchant la lumière en plein jour cherchant l’or dans les yeux de l’Autre et cherchant le pétrole dans la poitrine de l’Autre
Dis-le aux misérables enchaînés à leur certitude aux manufacturés sans désirs de se dé-marquer in-déterminés qu’ils sont
Dis le aux pauvres dis-le aux riches dis-le à l’homme qui a inventé l’argent

Dis-le à mon pays
Dis-le à mon pays
Dis-le à mon pays


orar

dimanche 4 décembre 2005

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