Le secrétariat national de l’ACAT-France a reçu la visite, le 27 octobre, de Samia Abbou, la femme de l’avocat tunisien Mohammed Abbou, actuellement en détention.

Samia est la femme de l’avocat tunisien, Mohammed Abbou, arrêté le 1er mars 2005, et condamné à trois ans et demi de prison ferme pour une affaire relative à l’« agression » de l’une de ses consoeurs qui a déposé plainte à son encontre (cette affaire datait déjà de plusieurs années et la seule preuve était un certificat médical), et une seconde affaire intentée pour « publication d’écrits de nature à troubler l’ordre public » et « outrage à l’institution judiciaire ». Ces chefs d’accusation ont été retenus à la suite de la publication sur Internet de deux articles : le premier comportait une critique virulente du pouvoir pour son invitation adressée au premier ministre israélien Ariel Sharon au Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI), qui a eu lieu en novembre à Tunis ; le deuxième article comparait les prisons tunisiennes à celle d’Abou Ghraïb en Irak, où des soldats américains ont torturé et humilié des prisonniers irakiens.

Le procès qui s’est déroulé en présence de nombreux observateurs d’ONG tunisiennes et étrangères et de diplomates occidentaux n’a été qu’une parodie de justice.
Actuellement emprisonné à la prison du Kef, Me Abbou partage sa cellule avec quatre prisonniers de droit commun, qui ont tenté à plusieurs reprises de l’empoisonner. Du 1er au 4 octobre, Mohammed Abbou a observé une grève de la faim pour protester contre son incarcération et surtout contre les agissements d’une dictature qui interdit toute liberté d’expression et d’information. Il s’est cousu les lèvres avec quatre agrafes. Dans une lettre adressée à ses amis et ses avocats, Mohammed Abbou expliquait son recours à ce type d’action par sa volonté d’attirer l’attention des opinions publiques nationale et internationale sur le sort d’un peuple obligé de « la fermer » pour pouvoir manger et pour éviter les représailles d’une dictature des plus dangereuses.

Mme Abbou nous a parlé avec beaucoup de pudeur, mais également de tristesse, de la détention de son mari et des conséquences pour sa famille. La prison du Kef se situe à plus de 170 km de Tunis, là ou réside la famille de Me Abbou. Compte tenu de l’état des routes, il faut une journée de voyage à Samia et à ses enfants pour s’y rendre, une fois par semaine. Quatre à dix membres des forces de sécurité sont systématiquement présents à chacune des visites. Sa famille ne peut avoir aucun contact direct et les discussions sont étroitement surveillées.

Samia a évoqué les conditions de détention particulièrement difficiles de son mari, les harcèlements et pressions quotidiens contre sa famille, les angoisses de ses enfants âgés seulement de treize, dix et neuf ans et ses craintes pour le futur. Elle souhaiterait avant tout que son mari puisse être transféré à la prison de Tunis afin de pouvoir recevoir de la visite plus régulièrement. Samia a demandé à l’ACAT, et aux 120 groupes mobilisés sur la Tunisie, de continuer et de renforcer les actions de soutien envers son mari et autres détenus tunisiens, expliquant à quel point la mobilisation de la communauté internationale était essentielle. « Continuez ce que vous faites, restez à nos côtés, soutenez nous […] », tel était le message que Samia est venue porter à l’ACAT et aux autres ONG ou réseaux soutenant son mari.

COURRIER DE L’ACAT. JANVIER-FÉVRIER 2006. N° 261-262 [P.12]