(La dignité s’enrichit d’un nouveau synonyme : NasrAllah).

 

L’apocalypse.

Quand le 12 juillet 2006, l’aviation militaire israélienne avait déclenché « la pluie d’été » des bombes sur tout le Liban, les stratèges qui avaient mis au point l’opération de destruction de ce pays, bien avant l’enlèvement le jour même des deux soldats israéliens près de leur base du village frontalier de Za’arit, comme ultime recours afin de faire libérer les prisonniers libanais et arabes, dont la plupart se trouvent dans les affres des prisons israéliennes sans jugement ni accusation définie depuis des décennies, pensaient qu’il allait s’agir d’une guerre éclaire qui durerait moins de six jours.

On commencé par assiéger le pays par terre, mer et air. Et pendant que, en quelques heures, certains pilotes militaires confortablement installés dans les sièges des meilleurs bombardiers du siècle, tels des diables de l’enfer, larguant leurs bombes de grandes dimensions destructrices, et réduisaient ainsi toutes les infrastructures du pays – aéroports, ports, routes, ponts etc. – en poussières, d’autres de leurs collègues, toujours du haut du ciel, rasaient de la surface de la terre des villages entiers au sud et des immenses quartiers de Beyrouth, sans pour autant tenir en considération, le moindre du monde, qu’ils sont en train d’ensevelir sous des millions de tonnes de décombres des enfants, des femmes, des handicapés et des vieillards. Pendant ce temps – toujours dans les premières heures – la marine militaire, tirait des obus des plus grands calibres sur les villages côtiers et les hélicoptères Apache ou Chinook poursuivaient pour les tuer de simples citoyens qui pourraient se trouver sur les rues ou sur les routes et qui ne seraient même pas au courant de ce qui passait dans leur pays, dans leurs villes, dans leurs villages, dans leur ciel, dans leurs plaines ou dans leur mer. Les routes, les rues étaient parsemées de cadavres de victimes innocentes. C’était l’apocalypse dans toutes ses effroyables dimensions de fin de monde. Les jours suivants les mêmes scènes d’enfer vont continuer. Il était prévu que devant de telles hécatombes, la reddition générale des uns et des autres ne pouvait être qu’imminente. Et la liste des clauses et des conditions ne laissait rien à des éventuelles négociations ultérieures. On voulait tout et tout de suite : La libération immédiate des deux militaires enlevés sans discussion aucune. Et l’idée de leur échange ne pouvait même pas effleurer l’esprit. Le démantèlement ipso facto de la résistance, c’est á dire le reddition de Hizb Allah avec armes et bagages. D’autant plus que les bombardements du sud de la capitale qui a réduit son quartier général de Haret Hrek en cendres laissait présumer que les israéliens avaient fait disparaître à jamais sous des montagnes de décombres tout l’état major y compris le chef suprême Essayed Hassan Nasr-Allah. Condolezza Rice, la Secrétaire d’État de Bush qu’un de ses compatriotes avait qualifiée d’une infamie pour les gens de couleurs du pays en ces termes : « Nous sommes les descendants des esclaves et nous n’avons pas attendu cinq siècles pour voir l’une des nôtres placée là où elle est pour justifier les massacres des innocents. C’est une honte ! » Elle avait refusé de demander au Conseil de Sécurité un cessez-le feu et avait ajouté à toutes les conditions israéliennes, depuis les bureaux de Washington, une principale, qui dit-elle afin de régler définitivement le problème une fois pour toute ; changer les règles du jeu. Plus tard quand finalement au bout de deux semaines elle se présente dans la région, elle est plus explicite sur ces nouvelles règles du jeu. Elle parle de l’accouchement difficile d’un nouvel Moyen Orient. Mais c’est la meilleure solution.

Les batailles héroïques de Bent Jbeil

Mais aussi convaincus ou plus que leurs protecteurs usiens et israéliens, les saoudiens étaient les premiers parmi tous les régimes arabes à sauter sur la belle aubaine et apporter leur soutien public à l’opération en cours. Ils rêvent depuis longtemps de découdre avec le terme même de résistance. Donc pour eux, il n’y avait aucune possibilité que la résistance, face à la plus puissante machine de guerre de l’histoire, tienne le coup. Ils ne lui donnent aucune chance. D’ailleurs leur fameux communiqué de presse date du lendemain c’est-à-dire le 13 juillet qui ne laissait aucun doute sur leur adhésion à l’apocalypse. Contrairement à d’autres guerres où ils avaient temporisé pendant un certain temps avant de dévoiler les cartes de leur lâcheté et leur alignement indéfectible sur toutes les entreprises de l’ennemi quel qu’il soit, cette fois-ci pour ne par se trouver en déphasé le jour de la victoire, ils se sont engagés tout de suite. Les deux autres, Moubarak en Égypte et Abdallah en Jordanie étaient aussi de la même opinion. A la réunion des « ministres des affaires étrangères » de tous les régimes arabes en place qui va avoir lieu au Caire plus d’une semaine après le déclenchement de l’enfer, ils se sont alignés en bloc sur la position des saoudiens.

Au bout de quinze jours d’enfer, mais sans aucun résultat concret sur aucun point, Condolezza Rice, qui s’était montrée intraitable pendant la conférence de Rome, et son patron Bush commençaient à s’impatienter. Ils décident quand même d’accorder un prolongement des scènes de carnages, et de massacres. Un pont aérien entre les bases militaires de Bush et les bases militaires israéliennes en passant par celles de Blair s’était établi d’urgence afin d’acheminer un meilleur matériel de guerre beaucoup plus performant comprenant entre autres des bombes de plusieurs tonnes capables, dit-on, de percer la terre et atteindre les guérilleros de Hizb Allah qui se trouveraient dans des bunkers à plusieurs mètres sous le sol. Aujourd’hui, on le sait les bombes ont servi à détruire massivement les routes, les vergers des arbres fruitiers et les champs de légumes alors que les guérilleros de Hizb Allah démontraient bien à Bent Jbeil, à Maroun Erras, à Nabatya, à Sayda, à Sour et dans tous les villages, montagnes et plaines du sud, qu’ils ne se trouvaient pas dans des bunkers, mais sur la surface de la terre pour mieux accueillir les soldats de l’ennemi cuirassés dans leurs plus modernes chars et toujours protégés du haut du ciel par des nuées d’hélicoptères et d’avions de toute dénomination. Bref la résistance qui va s’avérer au-dessus de toute espérance, ayant surpris d’une la forme majuscule et qui va gagner toutes les accréditations pertinentes sur le terrain de bataille pour entrer par les grandes portes de l’histoire, n’est pas de la même nature que les forces armées des régimes arabes auxquelles sont habitués les israéliens et qu’ils défaisaient comme s’ils tiraient sur des canards sauvages, et, qu’elle ne va pas donner son bras à retorde aussi facilement. Malgré la destruction presque totale du pays, plus d’un millier de pertes humaines, plusieurs milliers de blessés, des centaines de milliers de personne de la population du sud déplacés vers le nord dans des conditions insupportables et plusieurs autres milliers retenus sur place sans électricité, sans aliments sans eau, son soins, malgré tout ça et beaucoup plus, la résistance a infligé aux israéliens des pertes inimaginables pour eux. Ils n’ont jamais perdu autant de leurs militaires dans toutes leurs guerres réunies qu’ils ont menées jusque là. Jamais les villes et les villages de l’autre côté de la frontière n’avaient été ni même menacés. Toutes les destructions c’était toujours chez l’autre. C’est-à-dire chez les arabes. L’illusion de voir le drapeau blanc de la reddition s’effritait même s’il est vrai qu’à un certain moment il y a eu des pleurs en public. Les pleurs de celui qui n’a jamais été au fond personnellement menacé. Mais ces pleurs ne leur servaient à rien. Il s’agit d’émotions caractéristiques aux régimes officiels arabes.

Un mois s’était écoulé. Les trente jours qu’avaient duré toutes les guerres précédentes et les batailles se déroulaient encore corps à corps à Bent Jbeil, le village que les israéliens disaient avoir conquis déjà le premier jour. Et à chaque apparition à la télévision d’Essayed Hassan Nasr Allah, le chef suprême de la résistance, des précisions indiscutables de par leur véracité sont données sur les conditions dans lesquelles se trouve la résistance à chaque stade. Et tout ce qu’il annonçait à venir était encore plus précis. Alors que les états major israéliens politiques et militaires qui avaient perdu le nord pratiquement à la première semaine de l’apocalypse étaient incapables de maintenir un plan de guerre plus de vingt quatre heures. La débâcle en est bien une. Enfin quand Condolezza Rice qui était revenue dans la région et on lui a fait savoir qu’elle n’était pas bienvenue à Beyrouth, elle avait bien compris qu’il ne lui restait plus qu’à donner l’ordre au représentant de Bush à l’ONU, l’arrogant Bolton, pour commencer à rédiger la résolution numéro 1701. Et s’il pouvait avoir de l’aide de quelques alliés ça serait encore mieux. La France s’est portée volontaire avec des intentions bien évidentes et dans la même foulée les représentants des régimes arabes qui pensent encore pouvoir se racheter feront beaucoup de bruit dans les salles de presse de l’ONU à New York. Alors que pendant un long mois, tous sans exception avaient, tout en gardant un silence sépulcral, interdit la moindre manifestation populaire de soutien à la résistance et leurs programmes d’intoxications à travers les journaux, les stations de radio et les chaînes de télévisions habituelles déversaient continuellement leurs égouts habituels. A Tunis on célébrait avec enthousiasme l’arrivée de la chanteuse Maria Carey. Enfin la question qui se pose à tous ces régimes n’est pas celle de la solidarité avec un peuple frère, mais tout simplement la solidarité avec un peuple quelconque agressé et qui a largement mérité l’affection et la solidarité de tous les peuples de la terre, du Venezuela à toutes les capitales du monde y compris Washington jusqu’au pays basque en Espagne. Ils vont à voir à répondre à la question tôt ou tard. Qui sait plus tôt qu’ils ne le pensent.

La débâcle de l’ennemi

Quand finalement ils étaient tous arrivés – les israéliens, leurs alliés occidentaux et les régimes arabes – à la conclusion que cette fois les règles du jeu ont effectivement changé, il ne leur restait plus qu’à sauver la face, chacun selon les chances qu’il pensent avoir encore de survie politique. Tous ont pris conscience à présent que les temps où les israéliens – tout en se servant les premiers – constituaient le fer de lance, l’invincible terreur de la région qui les protégeait, ou l’alibi de poids pour se maintenir dans leur tyrannie, sont bien révolus. Le souffle de la résistance s’est avéré beaucoup plus long que celui de tous les ennemis réunis. La résolution, même si à escient, est bien ambiguë, ne laisse aucun doute sur la débâcle. De toute manière Essayed Hassan Nasr Allah avait tiré cette même conclusion tout à fait au début. Mais ni Bush, ni Olmert, ni les régimes arabes ne sont sentis concernés. Tous se sont dit mais qu’est ce qu’il raconte ce type ? – Imperturbable le chef Nasr Allah a répété la même chose à chacune de ses quatre apparitions. Il avait promis la victoire et il a eu raison.

Et comme l’écrit Abdel Bari Atwan, le directeur du journal arabe édité à Londres El Quods El Arabi, dans son éditorial d’aujourd’hui 14 août « Le tremblement de terre, c’est celui qui va avoir lieu, à partir du cessez-le feu, à l’intérieur même des dirigeants militaires et politiques israéliens qui doivent rendre compte sur le pourquoi et le comment de leur débâcle. Sur le comment aller en guerre en aventuriers sans calculer d’avance les conséquences, sans avoir les renseignements précis sur les capacités politiques et militaires de l’ennemi, sans avoir pris en considération les réactions de la population à l’intérieur du Liban ni celles des masses populaires arabes ? » En effet et contrairement à ce que les saoudiens – de par leur infamie habituelle – avaient soutenu, à savoir que la résistance se serait engagée dans une aventure sans calculer les conséquences de leur action, ce sont bien les israéliens que se sont avérés les aventuriers et ce malgré l’énorme écart entre leurs forces et celles de la résistance.

Quant au professeur émérite, à l’université de Georgetown de Washington, Norman Birnbaum dans un long article paru aujourd’hui 14 dans le quotidien espagnol El Pais sous le titre : « ¿Est-ce que Israël est une bonne chose pour les juifs ? » Et il écrit : « La fameuse association stratégique qu’on dit entre les Etats-Unis et les israéliens ne devrait pas être nécessairement entendue comme éternelle. A partir du moment où les dirigeants usiens décident que des intérêts stratégiques plus amples et plus importants exigent une sujétion ou même l’abandon des israéliens ils ne douteraient pas de le faire. » Et plus loin, il écrit : « Une politique neutre de l’Administration U.S au Proche Orient ne devrait pas nécessairement être préjudiciable aux israéliens, tout à fait le contraire, elle réduirait l’agressivité et le militarisme qui dominent dans la culture politique des israéliens. L’autre jour un général israélien a fait une évaluation de grand calibre en déclarant qu’Israël est en guerre depuis 6000 ans… » Le professeur qui est lui même de confession israélite, sait à quoi s’en tenir en émettant ses critiques. Il écrit que si ceux qui ne sont pas de la même religion sont automatiquement accusés d’antisémitismes, les coreligionnaires, comme lui, sont tout simplement accusés de s’auto-haïr. Dans la même ligne d’analyse de la situation ou presque, Abdel Bari Atwan écrit dans le même article : « Les conséquences psychologiques de la débâcle seront beaucoup plus profondes et menacent sérieusement le projet des pères du sionisme et de tous ceux qui le soutiennent soit à l’intérieur de la Palestine occupée soit ceux de l’extérieur (…) Le monde s’aperçoit aujourd’hui qu’Israël représente un fardeau lourd à porter sur le plan sécuritaire et moral. Cet état qui se caractérise par ses activités agressives et particulièrement par son terrorisme d’état est devenu le plus puissant instigateur de l’extrémisme (…) Toutefois, il faut bien attirer l’attention sur le fait que les vaincus dans cette guerre, particulièrement les États-Unis et les israéliens, vont difficilement digérer leur défaite et lécher leurs blessures calmement. Les expériences dans le passé et précisément au Liban même, nous renseignent qu’ils ne sont pas ainsi, et, peuvent bien recourir à d’autres méthodes pour se venger du Liban et de son peuple telle que la remise en vigueur de la culture des milices ou même provoquer la guerre civile. »

Enfin selon la correspondante du journal El Pais toujours du 14 le premier ministre israélien Ehud Olmert qui aurait reçu dernièrement les parents des soldats Regev et Goldwasser, leur a dit qu’il va négocier leur libération avec le Parti de Dieu (Hizb Allah) et que s’il n’a pas imposé explicitement cette exigence dans la résolution 1701, c’était justement pour faciliter la fin de la guerre. Et des porte parole militaires assurent que tout au long de la guerre on a réalisé de nombreuses et très dangereuses recherches des deux soldats qui n’ont malheureusement donné aucun résultat.
Sur cette question encore une fois c’est Essayed Hassan Nasr Allah qui a dit la vérité et tous les autres ont menti. Il a dit que celui qui pense les libérer sans plus, il se fait des illusions, des illusions, des illusions. Il a répété trois fois le terme. Ils ne seront libérés qu’à travers des négociations indirectes et en échange de nos prisonniers.

De toute manière la question posée par le professeur Birnbaum reste une affaire qu’ils sauront résoudre entre eux. Mais le plus significatif dans le témoignage et de beaucoup d’autres qui vont apparaître dans les prochains jours vont donner les dimensions réelles de la débâcle, la première dans son genre, ce qui va permettre au monde de découvrir le grand mensonge maintenu pendant des longues décennies à travers toutes les atrocités et les humiliations qui sont devenues le pain quotidien des peuples arabes et musulmans.

Dans un précédent article à la suite du massacre des enfants de Qana sous le titre Qana, Sud du Liban (Les portes de l’enfer), j’avais écrit le suivant : «  Mais l’enfer, tout l’enfer finira par se renfermer plus tôt qu’ils ne le pensent sur eux-mêmes. Il ne se l’imagine même pas. Et pourtant il est inexorablement en train de le faire.  »