Aujourd’hui, cela fait exactement trois semaines que Mohammed Amine Jaziri a disparu. Tous les efforts de ses parents pour obtenir des informations sur le lieu exact de sa détention, sur son état, se sont avérés vains. Depuis, des appels ont été lancés par des organisations de défense des droits de l’homme, tant au plan national [1] qu’international [2]. Les autorités tunisiennes ont semblé à ce jour sourdes à tout appel et ce ne sont pas les événements survenus hier et aujourd’hui à Sidi Bouzid, qui vont contribuer à rassurer la famille du disparu.
Pour mémoire, Mohammed Amine Jaziri, né le 25 juin 1979, de Sidi Bouzid, titulaire d’une maîtrise en droit, marié, se rendait le dimanche 24 décembre à Tunis en voiture. Il devait participer le lendemain au concours national des huissiers de justice. En route, il a reçu sur son portable un appel émanant d’un ami à lui, le suppliant de se rendre à l’hôpital de Sidi Bouzid. Il a décidé de répondre à son appel. Depuis, nul ne l’a revu, de même que le véhicule qu’il conduisait, appartenant à son père, une Citroën Berlingo, immatriculée 2666 Tunisie 114 est restée introuvable.
Une reconstitution des faits a permis de comprendre que Mohammed Amine Jaziri était tombé dans un piège, car à l’heure où son ami l’exhortait à se rendre à l’hôpital de Sidi Bouzid, cet ami était lui-même détenu entre les mains de la police.
Le père de Mohammed Amine Jaziri s’est rendu à plusieurs reprises au poste de police de Sidi Bouzid et a tenté d’obtenir des informations au ministère de l’Intérieur. Rien n’a filtré, tout au plus le chef du poste de Sidi Bouzid lui a-t-il asséné cette semaine que son fils était au ministère.
En effet, le 27 décembre, des policiers ont perquisitionné le domicile de son fils, en l’absence de ses occupants et en ouvrant la porte avec les clés de Mohamed Amine Jaziri, clés qu’ils ont remises en partant.
Toute la procédure suivie dans cette affaire est illégale :
Le délai maximum de garde à vue est de six jours [3]. Or il y a maintenant vingt et un jours que Mohammed Amine Jaziri a disparu.
Il s’agit d’une détention au secret. Les officiers de police judiciaire auraient dû informer sa famille [4]
La perquisition s’est déroulée au mépris de la loi qui dispose « Si la présence de l’inculpé à la perquisition n’a pas été jugée possible, le juge fait assister à son opération deux témoins pris parmi les gens de la maison ou, à défaut les voisins, qui signent au procès-verbal » [5]
Des violations de la loi à la crainte d’atteintes à l’intégrité physique de Mohammed Jaziri, il n’y a qu’un pas, que nous franchirons : l’épouse de Mohammed Amine Jaziri a été convoquée verbalement le 11 janvier au poste de police de Sidi Bouzid, probablement dans le but de l’intimider. Enfin, les événements survenus ces derniers jours à Sidi Bouzid, Sousse ainsi que sur l’ensemble du territoire ne laissent pas d’être inquiets et ont contribué à paniquer encore davantage les siens. La rumeur a fait état de l’enterrement, ce matin très tôt, de Mejdi Omri à Sidi Bouzid, alors qu’hier, c’est un autre jeune homme, visiblement décédé sous la torture [6], qui avait été acheminé au cimetière pour y être enterré. Les parents de Mejdi Omri avaient refusé hier que soit enterré ce jeune homme à la place de leur fils. L’existence de ce second défunt dont on ignore l’identité a déclenché une interrogation lancinante chez tous ceux et toutes celles qui, à l’instar des parents de M. A. Jaziri, ont un parent disparu entre les mains de la police. Et s’il s’agissait de leur fils ?
Mettez-vous à leur place.
Agissons pour sauvez la vie de Mohamme Amine Jaziri.
Avant qu’il ne soit trop tard.
Luiza Toscane, 14 janvier 2007
[1] Se reporter au communiqué du Conseil National pour les libertés en Tunisie (CNLT) du 4 janvier 2007.
[2] Se reporter au fax de l’Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture (ACAT) du 12 janvier 2007.
[3] Article 57 du Code de Procédure Pénale (modifié par la loi n°99-90 du 2 août 1999).
[4] Article 13 bis du Code de Procédure Pénale
[5] Article 96 du Code de Procédure Pénale
[6] Se reporter aux communiqués de l’Association de Lutte contre la Torture en Tunisie (ALTT) et du CNLT du 13 janvier 2007.
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