Canard enchâiné du 30 Avril 2008

Il est formidable, par moments, Sarko ! Il l’a confié, lundi soir, selon « Le Figaro » (29/4), à quelques journalistes qui l’accompagnaient a Tunis : « Je ne vois pas au nom de quoi je me permettrais, dans un pays où je suis venu en ami, de m’ériger en donneur de leçons. » Mais tout d’abord, et comme on a déjà eu l’occasion de le signaler, au nom de ses propres engagements, de ceux qu’il a pris devant les foules enthousiastes de l’UMP, le 14 janvier 2007, au meeting de la porte de Versailles qui venait de le designer candidat présidentiel du parti : « Je ne crois pas a une realpolitik qui fait renoncer a ses valeurs sans gagner des contrats. (…) Je ne veux être le complice d’aucune dictature dans le monde. (…) Je n’accepte pas le sort qu’on fait aux dissidents dans de nombreux pays.»

Le Canard Enchaîné, 30 Avril 2008

Des pays dont il est difficile d’exclure la Tunisie (« Libération », 29/4) : on estime « Quelque 1 500 les jeunes hommes [qui] croupissent (injustement) en prison », a la faveur d’une bien arrangeante loi antiterroriste de 2004. « Un chiffre qui fait de la Tunisie l’un des pays arabes qui comptent le plus de prisonniers politiques par rapport à sa population totale. Et on vous fait grâce ici de l’usage de la torture, des restrictions incessantes à la liberté de la presse, des tracasseries aux opposants, etc. Les apparences sont sauves. D’abord, comme il l’a aussi confié, Sarko s’était réservé d’évoquer directement le sujet avec Ben Ali. Un entretien qui s’annonçait saignant. Dès son arrivée ou presque, le président français lançait à son hôte et homologue : « j’ai pleinement confiance en votre volonté de continuer à élargir l’espace des libertés. ». Elargisseur d’espaces de libertés, le rad¬ soc’ Ben Ali n’a jamais eu d’autre ambition dans sa carrière. Et pour l’Histoire.

Le Canard Enchaîné, 30 Avril 2008

Ensuite, Nicolas a convoyé dans sa suite sa protégée Rama Yade, laquelle se proposait de s’entretenir avec les responsables de la Ligue tunisienne des droits de l’homme et de L’Association des femmes tunisiennes. Sympathique, mais d’une efficacité à nuancer. Preuve du très haut intérêt que le président tunisien porte à ce type d’organisation, une mission de la Fédération internationale des droits de l’homme a été interdite d’entrée dans le pays, la semaine derrière. Seulement pour ne pas multiplier a l’infini les interlocuteurs sur ces délicats sujets. Détail, pour ce qui est de « gagner des contrats », Sarko n’est pas perdant. En veux-tu, en voila : des son premier soir à Tunis, Nicolas paraphait à tout-va. A se demander comment il n’est pas parvenu a fourgué un TGV. Il aurait pu : dans cette histoire, il n’a en rien « renoncé à [ces] valeurs ».

Source : Le Canard Enchaîné, N° 4566, Mercredi 30 Avril 2008.