Nicols Sarkozy avec le colonel Kadhafi lors de sa visite en Lybie en juillet 2007.

A la mi-juin, Un télégramme diplomatique a semé le trouble à l’Elysée. Sarkozy savait déjà que Kadhafi, lors d’un petit sommet arabe, le 10 juin, venait de qualifier d’« inacceptable » son projet de tenir, à Paris, la première assemblée d’une Union pour la Méditerranée. Mais un ambassadeur de France en avait appris davantage au Maghreb, sur les violents propos tenus, en privé, par le patron de la Libye. L’un des interlocuteurs du colonel s’était confié à lui. En compagnie de dirigeants marocains et tunisiens, il s’était fait tancer par Kadhafi qui les jugeait tous trop favorables à l’initiative française : « Vous êtes des colonisés ! » Grâce au diplomate français, l’Elysée et le Quai n’ignoraient donc rien de l’agressivité du chef libyen.

Dans la crainte que cet irascible persiste à vouloir « saboter » la réunion euro-méditerranéenne, qui doit s’ouvrir le 13 juillet, Sarko décida alors de lui accorder une séance de « câlinothérapie » intensive. En dépêchant auprès de lui son fidèle Claude Guéant, le secrétaire général de l’Elysée qui a négocié (avec Cécilia) la libération des infirmières bulgares détenues naguère à Tripoli.

Le 26 juin, Claude Guéant, «à la tête d’une délégation de haut niveau », précise l’agence libyenne Jana, atterrissait à Syrie (600 km à l’est de Tripoli), accompagné de trois généraux, d’un diplomate du Quai d’Orsay et de plusieurs membres de la Direction générale pour l’armement. Tous censés poursuivre la coopération en matière de défense et un « partenariat global » d’un point de vue stratégique : deux accords signés, le 25 juillet 2007, à Tripoli, en présence des télés françaises.

Bons baisers de Damas

Ce déploiement de forces et cet assaut de bonnes manières, plus les arguments avancés par Guéant, un habitué des lieux et des conversations avec les barbouzes locales, ont fini par amener Kadhafi à en rabattre. Plus conciliant que d’ordinaire, il enverra au « congrès constitutif de l’Union pour la Méditerranée » – on ne fait pas plus pompeux… – une délégation d’observateurs conduite par le ministre libyen des Affaires étrangères. Kadhafi n’a donc pas déçu Sarko, et celui-ci sera à la fête : les représentants de 44 pays sont attendus à Paris, le 13 juillet, et, en principe, 33 chefs d’Etat. Cela fait beaucoup pour la seule Méditerranée, mais la chancelière allemande Merkel a contraint le président français à inviter tous les Européens à cet immense foutoir.

La présence des Israéliens à la table de cette réunion étant l’un des prétextes invoqués par Kadhafi pour rejeter l’initiative française, Sarkozy avait appelé à l’aide Bachar El.-Assad. Et le chef syrien, lui aussi attendu à Paris, s’est fait un plaisir de téléphoner à son collègue libyen. L’histoire ne dit pas si le colonel lui a reproché de négocier avec Israël, via la Turquie, mais toujours est-il que ce nouvel ami de la France a accepté d’entrer dans le jeu élyséen.

A la demande de Sarkozy, le Quai d’Orsay a voulu connaître les réactions des Etats arabes sur ce point précis : l’évolution de la politique française à l’égard d’Israël. Interrogés par télégramme, les ambassadeurs de France ont répondu, en substance, qu’ils n’avaient pas décelé de “réactions trop hostiles ». Ce qui fait sourire un diplomate incrédule : « Ils ont peur de se mouiller. Ils ne veulent pas donner l’impression qu’ils critiquent le Président. »

Autre preuve que rien n’est simple dans cette région. Lors de sa visite en Israël, Sarko avait cru possible de tenir, le 22 juin, sur les rives de la mer Noire, une conférence France-Israël-Jordanie-Palestine. Un coup pour rien : le roi de Jordanie et Mahmoud Abbas ont refusé d’accorder ce plaisir au président français. « Et de faire comme si, affirme, sur place, un diplomate français, les Israéliens ne continuaient pas d’installer de nouvelles colonies à Jérusalem-Est et en Cisjordanie. »

Sarko a reproché à Ehoud Olmert de trop bétonner la Palestine. Apparemment, il ne l’a guère convaincu.

Claude Angeli



Publié dans le Canard Enchaîné du mercredi 2 juillet 2008
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