À Tunis, il y a les bonnes et les mauvaises manifestations. Les citoyens du pays du jasmin qui désirent montrer leur solidarité avec le peuple palestinien meurtri par les attaques d’Israël contre Gaza doivent impérativement défiler aux côtés du tout puissant parti au pouvoir, le RCD.
« La violente agression sauvage qui se déroule depuis quelques jours contre la ville de Gaza assiégée (…) doit inciter la conscience universelle à agir vigoureusement (…). La tenue d’un sommet arabe extraordinaire doit aller au-delà de simples résolutions de dénonciation. »
Ce n’est pas un vulgaire gauchiste qui a prononcé ces fortes paroles, mais bien le président tunisien Ben Ali (Ben à vie pour les intimes) qui s’attardait, mercredi, sur la situation à Gaza lors de ses vœux du « nouvel an administratif » (en passant, ce terme est une jolie trouvaille tunisienne, pays où on excelle dans le politiquement correct. Mais ne nous égarons pas…).
Côté cour, Carthage condamne fermement les agressions israéliennes et appelle à une manifestation ce jeudi 1er janvier dans les rues de Tunis. Comme cela a été le cas lors de rassemblements semblables, en 2002, tout le monde s’attend à ce que la « manif’ officielle » compte plus de flics que de protestataires. « Quand on arrivait en retard de cinq minutes, il n’était plus permis d’entrer dans la manifestation. Il voulait une manif’ sans manifestants », se rappelle un naïf qui pensait, à l’époque, pouvoir protester librement contre les tueries du camp de réfugiés de Jénine.
Côté jardin, Tunis a systématiquement réprimé toutes les tentatives indépendantes du pouvoir de marquer la solidarité du peuple tunisien avec ses frères et ses camarades de Gaza.
« A l’appel de leur conseil de l’ordre, des centaines d’avocats, selon les organisateurs, sont sortis (mardi) du palais de Justice de Tunis et parcouru quelques centaines de mètres avant d’être contenus par les forces de l’ordre », rapporte l’Agence France Presse. Même issue pour une marche initiée, le même jour, par le Parti démocratique progressiste (PDP) et enterrée dans l’œuf par les vigilants pandores.
Refusant d’avaler la même couleuvre qu’en 2002, Maya Jribi, leader du PDP, a refusé cette fois la proposition du pouvoir de participer jeudi à « une marche de protestation administrative (qui aura lieu) dans une ville morte, où il n’y aura personne ».
Tant pis pour cette extrémiste. Tous les partis de l’opposition de Sa Majesté ont d’ores et déjà confirmé leur présence jeudi. Ces gens civilisés adorent « manifester » sous les banderoles de la dictature…
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